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Lettre à Paul Henri Spaak, 14 août 1964

Ciergnon, le 14 août 1964

 

Mon cher Ministre,

                Je viens d’apprendre, par la radio, avec une profonde émotion, le deuil cruel qui vous frappe.

                En ces pénibles circonstances, je tiens à vous assurer de toute ma sympathie ; ma femme se joint à moi pour vous exprimer ces sentiments de sincère condoléance.

                Croyez-moi toujours, mon cher Monsieur Spaak,

Votre affectionné

Léopold

Léopold III réagit ci-dessus au décès de Marguerite Malevez, l’épouse de Paul-Henri Spaak. On pourrait voir dans cette missive les convenances habituelles dans ce genre d’évènement. Toutefois, une véritable estime liait les deux hommes, principalement avant la deuxième guerre mondiale. En effet, le souverain nourrissait une véritable sympathie pour l’homme politique socialiste1 qui s’accentua après la mort tragique de la reine Astrid en août 1935. À cette occasion, Spaak conçut une lettre adressée au roi où il faisait part de son émotion et louait les qualités sans nombre de la défunte2. Dès lors, les deux hommes se virent beaucoup, dans le cadre du travail bien entendu, mais aussi dans d’autres circonstances comme lors de matchs de golf, ou encore le dimanche où Paul-Henri Spaak et son épouse se rendaient au palais de Laeken3. Il n’est pas impossible que Léopold III pensait à tout cela en 1964, nous ne savons.

Comme l’on pouvait s’y attendre, les évènements politiques des années quarante ternirent quelque peu les relations entre les deux hommes. Au début de la seconde guerre mondiale notamment, Spaak jugeait le comportement du roi marqué du sceau de l’infamie. Les deux hommes ne se virent à nouveau que le 11 mai 1945 et l’entrevue fut très froide4. Toutefois, durant les années suivantes, Spaak, tout en faisant preuve de beaucoup d’exigences envers le souverain, se dépensa sans compter pour le salut de la monarchie5. Ce fut à ce point que l’on a vu en lui l’architecte de la sortie de la crise royale6. Dès 1945, le politicien socialiste proposa d’ailleurs d’attribuer la couronne au Prince Baudouin mais était hostile à la consultation populaire qui eut lieu le 12 mars 19507.

DUMOULIN M., DUJARDIN V., “Duc de Brabant”, in DUMOULIN M., VAN DEN WIJNGAERT M., DUJARDIN V., Léopold III, Bruxelles, Éditions Complexe, 2001, p. 57.

DUMOULIN M., Spaak, Bruxelles, Éditions Racine, 1999, p. 154, 155.

Ibidem, p. 156.

Ibidem, p. 177, 178, 321.

Ibidem, p. 339-345.

LABROU P., « De la déportation à l’abdication : la question royale (1944-1951) », in DUMOULIN M., VAN DEN WIJNGAERT M., DUJARDIN V., Léopold III, Bruxelles, Éditions Complexe, 2001, p. 227.

DUJARDIN V., « L’impossible réconciliation ? », in DUMOULIN M., VAN DEN WIJNGAERT M., DUJARDIN V., Léopold III, Bruxelles, Éditions Complexe, 2001, p. 239, 241.

ARON R., Léopold III : ou, Le choix impossible : février 1934-juillet 1940, Paris, Plon, 1977, 396 p.

 

DUMOULIN M., « Léopold III : les enjeux d'une controverse », in Cahiers d'histoire du temps présent, 2002, 10, p. 199-213.

 

DUMOULIN M., VAN DEN WIJNGAERT M., DUJARDIN V., Léopold III, Bruxelles, Éditions Complexe, 2001, 397 p. (Questions à l'Histoire, vol. 5).

 

JANSSENS G., « Léopold III : Un règne dans l'ombre des tensions internationales (1934-1940) », in Service Educatif Dossiers Première Série [ des ] Archives Générales du Royaume et Archives de l'Etat dans les provinces, 1990, n°4, p.98-131

 

KIRSCHEN G., L'éducation d'un prince : Entretiens avec le Roi Léopold III, Bruxelles, Didier Hatier, 1984, 155 p.

 

GERARD-LIBOIS J., GOTOVITCH J., Léopold III : de l'an 40 à l'effacement, Bruxelles, 1991, 333 p.  (Politique et histoire, vol. 6).

 

MOUREAUX S., Léopold III : La tentation autoritaire, Bruxelles, Editions Luc Pire, 2002, 199 p.

 

STENGERS J., Léopold III et le gouvernement : Les deux politiques belges de 1940, Bruxelles, Racine, 2002, 362 p. (2e édition augmentée).

 

VANWELKENHUYZEN J., 1936 : Léopold III, Degrelle, van Zeeland et les autres..., Bruxelles, Racine, 2004, 333 p.

 

VANWELKENHUYZEN J., « Léopold III et ses ministres : L'entrevue du 20 mai 1940 ou la double méprise », in Travaux [ du ] Centre d'Histoire Militaire / Bijdragen [ van het ] Centrum voor Militaire Geschiedenis, 1988, 22, pp.221-235

 

VELAERS J., VAN GOETHEM H., Leopold III, de koning, het land, de oorlog, Tielt, Lannoo, 1994, 1152 p.

 

Léopold III, roi des Belges

Né à Bruxelles le 3 novembre 1901, décédé à Woluwé-Saint-Lambert le 25 septembre 1983. Prince héritier de Belgique du 23 décembre 1909 au 17 février 1934, roi des Belges du 23 février 1934 au 16 juillet 1951.

Il était le fils d’Albert Ier, roi des Belges, et d’Elisabeth de Bavière. Officiellement duc de Brabant,  Il fut élevé dans cette discipline chère à son géniteur. On lui confia une gouvernante nommée Madeleine Chaland puis, à l’âge de sept ans, un dénommé Vital Plas, un franc-maçon chaudement recommandé par Émile Waxweiler. Les milieux catholiques désapprouvèrent cette initiative mais elle fut maintenue envers et contre tout. Léopold fut un adolescent refermé sur lui-même. Il fut décidé de l’envoyer au prestigieux collège d’Eton en janvier 1915 mais, avant de traverser la Manche, il resta plusieurs mois à La Panne pour améliorer son néerlandais et son anglais. Ses années au collège furent couronnées de succès, au grand contentement de son père qui, malgré la guerre, restait attentif à l’éducation de son successeur. La parenthèse du collège d’Eton se referma à la fin de 1919, bien que, durant les années suivantes, il continua sa formation dans plusieurs domaines comme la stratégie, les mathématiques, la littérature néerlandaise, la philosophie, l’histoire, etc.  C’est vers cette période également qu’il entreprit de longs voyages qui le conduisirent aux États-Unis, au Brésil, au Sénégal , au Congo, etc . Il rejoignit ensuite les rangs de l’École royale militaire en novembre 1820. Pour le pérennité de la monarchie, les parents du duc de Brabant se devaient de songer à trouver une épouse au futur roi. Le choix se porta sur Astrid de Suède, une princesse luthérienne. De cette union heureuse naquirent Baudouin et Albert, futurs rois des Belges, ainsi que Joséphine Charlotte, future grande duchesse de Luxembourg.

Suite au décès accidentel de son père le 17 février 1934, il monta sur le trône de Belgique. Un an et demi plus tard, son épouse périt dans un accident de voiture. Durant les premières années de son règne, il eut à cœur de conserver la neutralité de son pays dans un contexte pour le moins incertain. En mai 1940, il prit la tête de l’armée lorsque les troupes allemandes envahirent le territoire. Devant la force de l’ennemi, il décida de signer une capitulation sans conditions, ce qui lui fut vivement reproché par la suite. En novembre 1940, il tenta une démarche auprès d’Hitler pour libérer des prisonniers. En octobre de l’année suivante, il épousa Liliane Baels, fille d’un ancien ministre. Cette union le rendit impopulaire, les Belges lui reprochant ainsi d’oublier sa première épouse, très appréciée de son vivant. Le 7 juin 1944, le souverain et sa famille furent déportés en Allemagne. Son frère Charles fut nommé régent de Belgique. Ainsi commença la fameuse question royale : on reprochait au roi sa capitulation de 1940, voire même d’avoir favorisé la collaboration. Après la Libération, le gouvernement Van Acker refusa son retour au pays. Léopold III gagna donc la Suisse et la régence fut prolongée. La situation se maintint jusqu’en 1949 où le gouvernement Eyskens fut  installé. Les catholiques revenus au pouvoir désiraient le retour du roi : un référendum fut organisé le 12 mars pour consulter les Belges à ce sujet. Le retour du roi fut plébiscité par 57,68 % des votants mais de grandes disparités existaient entre les différentes régions du pays. Les élections législatives se déroulèrent en juin 1950. Le Parti social-chrétien emporta la majorité : le premier ministre Duvieusart se prononça pour le retour du roi. Celui-ci rentra au pays le 22 juillet mais une vague de grèves et de manifestations violentes se déclencha aussitôt. Une marche sur Bruxelles fut prévue pour le 1er août : Léopold fit voter une loi attribuant la souveraineté à son fils Baudouin. Il abdiqua en sa faveur le 16 juillet 1951. Il se tint ensuite à l’écart de la vie politique belge et se consacra à des voyages et des études scientifiques en Amérique latine et en Afrique. Des funérailles nationales furent organisées après son décès.

 

Support : une feuille de papier. Hauteur : 214 mm. Largeur : 137 mm. Cote : ARB Archives Spaak - caisse 101 - farde 943.