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Contrat avec la veuve Duchesne, 21 février 1775

Nous soussignés sommes convenus de ce qui suit : savoir moi Marmontel de l’Académie française je cède à Madame la veuve Duchesne ma pièce intitulée La Fausse magie, en un acte, pour l’imprimer et vendre à son profit sans aucune limite de temps, me réservant néanmoins la liberté de l’insérer dans le recueil de mes œuvres de théâtre lorsque je jugerai à propos d’en faire les éditions. Et moi dame veuve Duchesne je cède et vends, en tant que besoin serait, à mon dit sieur Marmontel le droit d’insérer de même dans le recueil de ses pièces de théâtre celles qu’il a ci-devant vendues au sieur Jorry imprimeur libraire dont j’ai fait l’acquisition, savoir Denis le tyran, Aristomène, Cléopâtre et Les Héraclides ; me réservant toutefois le droit de les vendre séparément et en pièces détachées, telles que je les ai acquises et qu’elles ont été imprimées dans leur nouveauté, ne prétendant pas faire usage dans mes éditions des changements et additions que mon dit sieur Marmontel y pourrait faire, à moins que d’y être autorisé par son espoir consentement. Fait double entre nous à Paris ce 21 février 1775.

Marmontel Approuvé l’écriture Veuve Duchesne.

[verso]

[sur le côté gauche] fausse magie

[en haut à droite] La fausse magie

[Au milieu] Traité de la fausse magie
Traité de la fausse magie

Au moment où le contrat ci-dessus fut signé, La fausse magie avait déjà été représentée pour la première fois à la Comédie Italienne (Paris) le 1er février 1775. Il s’agissait d’un opéra comique dont la musique était assurée par Grétry. Il s’agit d’ailleurs du dernier épisode de la collaboration entre Marmontel et le musicien liégeois. Avant cela en effet, les deux hommes avaient travaillé ensemble à la conception de six comédies et tragédies, le premier assurant la rédaction du livret, le second s’occupant de la musique. Ces comédies ont pour titres : Le Huron (1768), Lucille (1769), Sylvain (1770), L’ami de la maison, Zémire et Azor (1771) et enfin Céphale et Procris (1773)1. Toutefois, l’entente entre les deux hommes se détériora et l’on trouve ce commentaire acerbe dans les Mémoires de Marmontel : « En général, la fatuité des musiciens est de croire ne rien devoir à leur poète ; et Grétry, avec de l’esprit, a eu cette sottise au suprême degré. »2. Selon Marmontel toujours, La fausse magie fut accueilli moins chaudement que Zémire et Azor et L’ami de la maison mais son succès fut durable et le public ne s’en lassa pas3.
L’impression fut effectivement assurée par la veuve Duchesne4 : une recherche rapide dans les catalogues respectifs de la Bibliothèque nationale de France et de la Bibliothèque royale de Belgique nous a permis d’en retrouver plusieurs éditions de 1775 (in-8° de 48, 64 et 72 p.), de 1776 (in-8°de 39 p.), de 1777 (in-8° de 54 p.) et de 1782 (in-8°de 48 p.). Par contre, nous n’avons pas trouvé trace de nouvelles éditions des quatre pièces mentionnées ci-dessus et imprimées jadis par Sébastien Jorry en 1749 (pour Denis le Tyran), 1750 (pour Aristomène et Cléopâtre) et 1752 (Les Héraclides).

1 RENWICK J. (éd.), Jean-François Marmontel. Mémoires, Paris, Honoré Champion éditeur, 2008, p. 101-103.
2 Ibidem, p. 558.
3 Ibidem, p. 560
4 Le contrat fut sans doute noté par un écrivain sur déclarations des deux contractants : les styles des deux parties du contrat sont nettement différents.

CARDY M. The Literary doctrines of Jean-François Marmontel, Oxford, The Voltaire foundation, 1982, 182 p. (coll. Studies on Voltaire and the eighteenth century, 210).

EHRARD J. (dir.), Jean-François Marmontel. De l’Encyclopédie à la Contre-Révolution., Clermont-Ferrand, G. de Bussac, 1970, 335 p. (coll. Ecrivains d’Auvergne, 9 ; Postface de J. Fabre).

RENWICK J., La destinée posthume de Jean-François Marmontel (1723-1799). Bibliographie critique (articles et documents), Clermont-Ferrand, Faculté des lettres et sciences humaines, Institut d'études du Massif Central, 1972, 130 p.

RENWICK J. (éd.), Jean-François Marmontel. Correspondance, Clermont-Ferrand, Institut d'études du Massif Central, 1974, 2 vol., XXVIII-355, 354 p.

RENWICK J. (éd.), Jean-François Marmontel. Mémoires, Paris, Honoré Champion éditeur, 2008, 873 p.

RENWICK J., Jean-François Marmontel (1723-1799). Dix études, Paris Honoré Champion, 2001, 376 p. (coll. Les dix-huitièmes siècles, 51).

RENWICK J., Marmontel, Voltaire and the Bélisaire affair, Banbury, Voltaire foundation, 1974, 397 p. (coll. Studies on Voltaire and the eighteenth century, 121).

WAGNER J. (dir.), Jean-François Marmontel. Un intellectuel exemplaire au siècle des Lumières, s.l., Mille Sources, 2003, 239 p.

WAGNER J., Marmontel journaliste et le Mercure de France, Grenoble, Presses universitaires de Grenoble, 1975, 338 p. (Publications de la Faculté des Lettres de Clermont-Ferrand, 34 ; coll. Éditorial).

Jean-François Marmontel

Né à Bort-les-Orgues le 11 juillet 1723, décédé à Habloville le 31 décembre 1799. Jean-François Marmontel était le fils de Martin Marmontel, maître tailleur d’habits, et de Marie Anne Jourdes (ou Gourdes). Après une formation chez les Jésuites, il fut d’abord destiné à une carrière ecclésiastique. En 1741 toutefois, il renonça à cette idée. Deux ans plus tard, il participa aux Jeux Floraux de Toulouse en présentant un poème intitulé : La poudre. Outré de ne pas même profiter d’un accessit, Marmontel contacta Voltaire. Celui-ci lui répondit le 8 juin et cette réponse décida de la vocation de Marmontel. Il remporta d’ailleurs en 1744 le prix pour l’idylle de l’Académie des Jeux Floraux grâce à son poème L’Eglogue. Sur suggestion de Voltaire, il décida de gagner Paris l’année suivante pour tenter sa chance dans le monde des Lettres. Il y fit publier une traduction de La boucle de cheveux enlevée de Pope. Il écrivit aussi une préface à une nouvelle édition de La Henriade de Voltaire. En 1746 et 1747, il remporta deux prix de poésies de l’Académie. Le 5 février 1748, sa première tragédie, Denys le Tyran, fut représentée à la Comédie. Un triomphe : il était alors considéré comme le successeur de Crébillon et de Voltaire. S’ensuivirent d’autres tragédies et d’autres comédies durant les décennies suivantes (cf. analyse), aux succès inégaux. Durant les années 50, il commença à travailler pour la monarchie en devenant secrétaire des bâtiments du Roi à Versailles. Parallèlement, il commença sa collaboration avec l’Encyclopédie en concevant notamment les articles Gloire, Grands, Grandeur, véritable attaque contre la forme aristocratique du gouvernement. En 1758, il prit la direction du Mercure de France qui connut son apogée grâce à lui. Il fut toutefois embastillé du 27 décembre 1759 au 5 janvier 1760, sans doute suite à une demande du duc D’Aumont : Marmontel avait eu le tort en effet de réciter une satire contre ce dernier dans le salon de Madame Geoffrin. Cette incarcération lui fit perdre le brevet du Mercure. Il remporta toutefois le prix de la poésie de l’Académie en août 1760 pour la troisième fois. Il devint d’ailleurs immortel le 22 décembre 1763 et y prononça un discours de réception nettement philosophique. Avant cela, en 1761, il fit imprimer les Contes moraux qui connurent partout un grand succès de librairie, et ce jusqu’au début du XIXe siècle.
Quatre ans plus tard, se croyant victime d’une phtisie très répandue dans sa famille, il commença à rédiger Bélisaire, véritable mise au point de sa philosophie. Il en lut l’esquisse lors d’une séance de l’Académie le 24 mai 1766. L’ouvrage sortit de presse en février 1767. Quoique disposant d’un avis favorable de la censure royale et d’un privilège d’impression, Marmontel subit la censure de la Sorbonne. En outre, il fut attaqué de toutes parts par l’Église et les bien-pensants, même si Louis XV le soutenait, en imposant notamment le silence à la Sorbonne le 25 décembre. Ce fut toutefois le Mandement de Christophe de Beaumont, alors archevêque de Paris, qui mit fin à la polémique en janvier 1768. En 1772, il devint historiographe de France et Evangéliste à l’Académie. Quatre ans plus tard, il prit part au conflit musical opposant les partisans de Glucke et ceux de Piccini et devint chef de ces derniers. Pour contrer les Gluckistes, il composa un poème en douze chants (Polymnie) qui ne sera cependant publié dans son intégralité qu’en 1820. Il collabora avec Piccini qui conçut la musique de Atys (1780), Didon (1783), etc. Avant cela, en février 1777 exactement, il publia Les Incas, roman philosophique en chantier depuis dix ans. L’année suivante, il épousa Adélaïde Lerein de Montigny, jeune nièce de l’abbé Morellet qui lui donna cinq fils dont l’un fut mort-né et l’autre décéda à l’âge de deux ans. Il devint Secrétaire perpétuel de l’Académie le 29 novembre 1783. À ce titre, il reçut de Louis XVI une gratification annuelle de 1.200 livres lui permettant de loger au Louvre du fait de sa fonction. À partir de 1786, Il fit éditer ses œuvres complètes, ouvrage monumental de 17 tomes dont le dernier parut en juin 1788.
La Révolution survint : Marmontel, homme de la monarchie, n’y vit qu’une « effroyable calamité ». Neufs livres de ses Mémoires (écrits à partir de 1793 bien qu’il commença à rassembler ses impressions dès août 1789) sont consacrés à cet évènement, avec des omissions aussi grosses que les entreprises contre-révolutionnaires ou encore le péril extérieur. Il reconnut toutefois la responsabilité écrasante de la caste parlementaire dans le commencement des troubles mais fut incapable de reconnaître le côté spontané des mouvements populaires. Tout cela ne l’empêcha pas de se présenter en 1789 comme électeur à l’Assemblée primaire de Paris (section des Feuillants). Il ne fut toutefois pas élu député comme il l’escomptait puisqu’on lui préféra Sieyès. Il se consola en étant nommé rédacteur du Mercure en compagnie de La Harpe et Chamfort. Il conçut alors des contes moraux, genre qu’il avait pourtant abandonné depuis longtemps. En août 1792, pris de panique, il s’éloigna précipitamment de Paris en compagnie de sa famille pour gagner Evreux. Le 12 décembre, il acquit une chaumière à Habloville (département de l’Eure) où il passa le reste de sa vie. Sans doute à court d’argent, il se vit dans l’obligation de vendre une propriété de Grignon en juin 1794. En janvier 1795 toutefois, il fut inscrit comme pensionnaire de la République pour la somme de 3.000 livres. L’année suivante, il fut nommé associé non résident de l’Institut. Surtout, bien qu’absent de la liste des candidats, il fut élu par l’Assemblée électorale de l’Eure au Conseil des Anciens le 12 avril 1797. Le lendemain, il se rendit à Evreux pour accepter sa nomination et prononça à la tribune un discours de « philosophe converti » : il était maintenant chargé de défendre à Paris les droits de la religion catholique persécutée… Le 22 juillet, il se vit désigné comme l’un des quatre secrétaires au Conseil des Anciens. Le coup d’état de fructidor le priva de son poste au Conseil du fait que les élections furent déclarées nulles et illégitimes. Il se retira à Habloville pour y continuer ses mémoires, brusquement interrompues cependant par une crise d’apoplexie qui l’emporta en décembre 1799.

Support : une feuille de papier

Hauteur : 214 mm
Largeur : 166 mm

Cote : 19346/3081

Portrait : « J. F. Marmontel. » ; Paris, Rosselin, 21 Quai Voltaire ; Lith Formentin, 10 Rue des S.ts Pères. ; avec une signature en fac-similé.

Hauteur : 274 mm
Largeur : 181 mm

Cote : 19346/3081