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Lettre au baron Goswin de Stassart, 12 novembre 1834

                                                                                                                                                                                                                                                             Bruxelles, le 12 novembre 1834.

 


Le Conseil d’administration de l’Université libre de Belgique, a l’honneur de vous informer, que l’installation de l’Université aura lieu, jeudi, 20 de ce mois, à deux heures après midi, dans une des salles du Musée (ancienne cour) de l’hôtel de ville, dite salle gothique ; il vous prie de vouloir bien assister à cette cérémonie.

                                                                                                                                      Au nom du Conseil d’administration :
                                                                                                                                                         Le Secrétaire,
                                                                                                                                                         Baron


[Apostille en haut à Gauche, de l’écriture de Stassart]
Répondu le 19

[Adresse]
Monsieur
Monsieur le Baron de Stassart,
Président du Sénat, Gouverneur
de la Province du Brabant
Hôtel du Gouvernement
Rue du chêne.

Le document ci-dessus nous replonge dans les premiers moments de l’histoire de l’Université libre de Bruxelles. Le projet d’une université dans cette ville remonte à quelques années auparavant. En effet, dès 1831, Auguste Baron s’était entretenu plusieurs fois avec d’autres personnes (dont Adolphe Quetelet) au sujet de la nécessité d’une université au sein de la capitale du nouvel état belge. Du reste, Quetelet et Baron donnaient cours au Musée des sciences et des Arts, sorte de Collège de France fondé par le pouvoir orangiste en décembre 1826 et installé solennellement le 3 mars 1827 dans l’ « ancienne cour », c’est-à-dire l’actuel Palais Charles de Lorraine. Toutefois, le projet d’une université bruxelloise fut abandonné quelques temps : Baron s’en expliqua dans un article de l’Indépendant du 19 juillet 1834 : on espérait en effet que le gouvernement établirait en Belgique une seule université dont le siège serait établi à Bruxelles. Cela n’eut pas eu lieu et - surtout ! - le clergé avait fait ériger entretemps une université catholique à Malines. Cet évènement alarma l’opinion libérale et provoqua même des émeutes. Le projet de 1831 fut donc remis à l’ordre du jour. Théodore Verhaegen notamment relança l’idée dans un discours prononcé le 24 juin 1834 au sein de la loge maçonnique des Amis philanthropes. Lors du même évènement, Baron, franc-maçon depuis peu1, prit également la parole pour expliquer le plan de la future université. Baron fit donc le lien entre l’équipe ayant conçu le projet en 1831 et Verhaegen qui en fut le principal réalisateur du fait de ses indéniables talents d’organisateur.
Comme l’on peut le voir ci-dessous, l’installation faillit avoir lieu dans une des salles du Musée à l’ « ancienne cour » (cf. supra). Elle se déroula à l’intérieur de la célèbre Salle gothique de l’hôtel de ville de Bruxelles. Il est vrai que le bourgmestre Rouppe, ancien président des Amis philanthropes, apporta tout son appui à la future université, notamment en lui allouant le subside accordé jusque-là au Musée et en portant celui-ci à 30.000 francs.
La cérémonie du 20 novembre débuta à 14h15. Parmi les nombreux invités, on trouvait le baron de Stassart. Après un petit concert de la Grande Harmonie et une allocution de Rouppe (nommé depuis peu à la tête du Conseil d’administration de l’université), une lecture des statuts et de la liste des professeurs, Baron prit la parole. Entre autres choses, il expliqua le caractère national et non local de la nouvelle institution, ce pourquoi celle-ci fut nommée dans un premier temps Université libre de Belgique. Elle fut rebaptisée Université libre de Bruxelles en 18422.


1 Il avait été reçu apprenti à la loge Les Amis Philanthropes le 15 mai de la même année (WITTE E., BORNÉ F.V., Documents relatifs à la Franc-maçonnerie belge du XIXe siècle 1830-1855, Louvain - Paris, Nauwelaerts, 1973, p. 43.
2 Pour ce texte, nous nous sommes basé principalement sur l’article de John Bartier intitulé : « L’Université libre de Bruxelles au temps de Théodore Verhaegen (in GAMBIER G., Laïcité et franc-maçonnerie, Editions de l’Université de Bruxelles, 1981, p. 13-71).

« Baron (Auguste-Alexis-Floréal) », in LE ROY A., L’université de Liège depuis sa fondation. Liber Memorialis, Liège, Imprimerie de J.-G. Carmanne, 1869, col. 51-70.

BARTIER J., « L’université libre de Bruxelles au temps de Théodore Verhaegen », in GAMBIER G., Laïcité et franc-maçonnerie, Editions de l’Université de Bruxelles, 1981, p. 13-71 (Faculté de Philosophie et Lettres, LXXIX).

CHARLIER G., « Baron (Auguste-Alexis-Floréal) », in Biographie nationale, Bruxelles, Établissements Émile Bruylant, 1957, t. 29, supplément tome premier, col. 204-212.

CHARLIER G., « Lamennais et l’Université de Bruxelles », in Revue de l’Université de Bruxelles, XL, 1934-1935, p. 252-262.

HASQUIN H. (dir.), Histoire de la laïcité, principalement en Belgique et en France, Bruxelles, La Renaissance du livre, 1979, XVII-333 p.

HASQUIN H. (dir.), Visages de la franc-maçonnerie belge du XVIIIe au XXe siècle, Bruxelles, Éditions de l'Université de Bruxelles, 1983, 355 p. (Laïcité. Série Recherches, 1983, n°4).

WITTE E., BORNÉ F.V., Documents relatifs à la Franc-maçonnerie belge du XIXe siècle 1830-1855, Louvain - Paris, Nauwelaerts, 1973, VIII-821 p. - (Cahiers [du] Centre Interuniversitaire d'Histoire Contemporaine = Bijdragen [van het] Interuniversitair Centrum voor Hedendaagse Geschiedenis, 1973, no. 69).

Auguste Alexis Floréal Baron

Fils d’un fonctionnaire de l’administration des finances, il fit d’excellentes études au lycée Henri IV (Paris)1. Nommé élève de l’École normale supérieure en octobre 1812, il y devint répétiteur de grec de 1814 à 1818. Durant les Cent jours, il fut volontaire et obtint de ce fait l’ordre du lys. Il séjourna ensuite assez longuement à Londres. En 1822, il fut appelé à Bruxelles par les autorités hollandaises pour prendre la direction du journal officiel. Il y rencontra Sylvain Van de Weyer et se lia d’amitié avec lui. Tous deux rejoignirent d’ailleurs l’opposition libérale au début de 1829. Dans le journal officiel, il ne publia plus que des articles littéraires où il défendait le romantisme. Ses démêlés avec les défenseurs de la cause classique ne l’empêchèrent pas d’être désigné titulaire de la chaire de littérature générale du Musée des Sciences et des Lettres (cf. analyse). Le gouvernement provisoire issus des journées révolutionnaires de 1830 le nomma membre de la Commission de l’instruction publique (30 septembre 1830). Il joua surtout un rôle essentiel dans la fondation de l’Université libre de Bruxelles et y donna des cours d’histoire de la littérature française jusqu’en 1849 et d’histoire des littératures modernes jusqu’en 1841. Il enseigna également dans d’autres institutions comme l’école militaire où il enseigna les belles-lettres de 1837 à 1840 et l’Université de Liège où il prit la succession de Sainte-Beuve, sur recommandation de ce dernier au gouvernement belge selon Ulysse Capitaine. Il s’acquitta de ses lourdes tâches académiques à Liège avec beaucoup d’ardeur. Il donnait également cours à l’École normale des humanités mais n’obtint jamais la direction de cet établissement qu’il convoitait. Très apprécié de ses élèves (comme à Bruxelles avant cela), sa santé vint toutefois à décliner à la fin des années cinquante. Une apoplexie l’emporta le 24 mars 1862.
Les principaux ouvrages de son ample œuvre littéraire ont surtout trait à son activité de professeur. Retenons le plus connu : De la rhétorique ou de la composition oratoire et littéraire (1849) qui servit de manuel à plusieurs générations de rhétoriciens et fut réimprimé à plusieurs reprises. Il collabora également avec plusieurs journaux belges et français. Il composa aussi des textes rimés avec, par exemple, Il a rêvé, opéra-comique paru en 1845. Il se revendiquait du romantisme, mais d’un romantisme modéré. Il s’en était expliqué lors de ses cours au Musée  : le romantique était pour lui celui qui rejetait la règle fondée sur l’autorité et non sur l’examen et la raison et qui n’admet que celles issues de la nature intime de l’homme.

1 Pour cette notice, nous nous sommes principalement inspiré de la notice biographique conçue par Gustave Charlier pour la biographie nationale (cf. orientation bibliographique).

Support : une feuille de papier

Hauteur : 239 mm
Largeur : 395 mm

Cote : 19345/102