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Lettre au baron Goswin de Stassart, 6 juin 1839

Cabinet du Roi Bruxelles, le 6 juin.


Le Roi a été à même de s’assurer de la gravité des inondations qui ont été le résultat de l’orage d’avant-hier. À cette occasion, sa Majesté me charge de vous prier de veiller bien attentivement à ce que toutes les mesures qui peuvent prévenir ces désastres en facilitant l’écoulement des eaux soient prises en temps opportuns. Le Roi n’est pas complètement convaincu que l’écoulement sous le canal de Vilvorde ne puisse être mieux organisé et vous recommande de donner à cet égard des ordres positifs aux ingénieurs de la province.
Sa Majesté m’a chargé de vous prier de lui dire de quelle nature est la fabrique que l’on vient de construire vis-à-vis du château de Laeken de l’autre côté du canal.
J’ai l’honneur d’être, Monsieur le Gouverneur, votre très humble et très obéissant [ ?]


[Apostille en haut du recto, de la main du baron de Stassart]
Répondu le 6 juin.

L’orage et les pluies mentionnés par Joseph Van Praet furent d’une grande virulence. Le premier se déclencha entre 20h00 et 21h00 et fut suivie de fortes pluies jusqu’à la fin du jour. Il avait toutefois plu toute la journée et il en fut de même le 5 juin, si bien que l’Observatoire royal de Bruxelles observa une accumulation 112,78 mm en deux jours. Chiffres considérables quand on sait que le mois de juin vit une accumulation de 179,96 mm contre 22,48 en mai et 27,57 en juillet1. Des inondations particulièrement violentes s’ensuivirent et eurent de graves conséquences. Diegem, Woluwe et Zaventem furent particulièrement touchés2. Onze personnes périrent noyées à Bertem, mais c’est incontestablement le hameau de Borght (près de Vilvorde) qui paya le plus lourd tribut. 74 personnes y perdirent la vie, emportés par les flots3. La ville de Louvain et ses alentours furent également inondés mais il ne semble pas y avoir eu de victimes. Dans sa lettre au roi du 6 juin, le baron de Stassart expliqua une des raisons de la violence de ces inondations. Il fit remarquer en effet que le curage des cours d’eau fut longtemps négligé en Brabant, même si cette opération fut effectuée en partie en 1838. Terminons en précisant de quelle nature était l’usine installée devant le palais de Laeken. Le Baron de Stassart précise effectivement dans la même lettre qu’il s’agit d’une manufacture d’indienneries4.

1 Annales de l’observatoire royal de Bruxelles, Bruxelles, Hayez, t. II, 1842, p. 167-171, 190.
2 Minute de la lettre de Goswin de Stassart au roi Léopold Ier, Bruxelles, le 6 juin 1839 (archives de l’Académie royale de Belgique, 19345/1538).
3 Documents statistiques sur le Royaume de Belgique, recueillis et publiés par le ministre de l’Intérieur, Bruxelles, De Mat et Compagnie, M DCCC XLI, p. 128. On trouve une description détaillée de l’état de Borght après le drame dans le volume 12 de la Revue belge (p. 227-232, consultable ici).
4 Minute de la lettre de Goswin de Stassart au roi Léopold Ier, Bruxelles, le 6 juin 1839 (archives de l’Académie royale de Belgique, 19345/1538).

BRONNE C., Jules Van Praet, ministre de la maison du roi, Bruxelles, Legrain, 1943, 87 p.

DE HAULLEVILLE P., Jules Van Praet, Bruxelles, Polleunis, Ceuterick & Lefébure, s.d., 8 p.

DE RIDDER A., « Une mission de Jules Van Praet à Londres en 1838 », in Bulletin de la Commission Royale d’Histoire, T. LXXXVIII, 1924, p. 161-203.

DISCAILLES E., « Praet (Jules Van) », in Biographie nationale, Bruxelles, Bruylant-Christophe & Cie, 1905, t. 18, col. 165-194.

WAUTERS A., « Jules Van Praet », in Annuaire de l’Académie royale de Belgique, 1890, p. 510-543.

Jules Van Praet

Né à Bruges le 2 juillet 1806, décédé à Bruxelles le 28 décembre 1887. Jules Van Praet était le fils d’Augustin Van Praet (greffier au tribunal) et d’Anne-Marie De Pau. Il fréquenta le lycée de Bruges puis celui de Bruxelles. Il fit sa philosophie à Paris sous l’œil attentif de son oncle Joseph, bibliothécaire bien connu de la capitale française. Il y fréquenta le milieu artisitique et littéraire dont Henri Beyle, dit Stendhal. Il s’inscrit à l’Université de Gand en 1823 pour y suivre des études de droit. Il fut candidat en décembre 1824 et proclamé docteur le 10 août 1826. Il rentra ensuite dans son Bruges natal où il obtint une place de bibliothécaire adjoint. Au contact des archives, il se découvrit une vocation d’historien. Il publia ainsi en 1828 une Histoire de la Flandre depuis le comte de Guy Dampierre jusqu’aux ducs de Bourgogne, 1280-1383 et, l’année suivante, De l’origine des communes flamandes et de l’époque de leur établissement. Il fut nommé archiviste de Bruges en mars 1830.
La Révolution belge advint et Il sut jouer de ses relations pour être admis au sein du Comité diplomatique. Comme il maitrisait parfaitement l’anglais, il fut chargé de défendre les intérêts belges auprès du gouvernement britannique. Il y rencontra Léopold de Saxe-Cobourg et gagna rapidement sa confiance. Quand Léopold lia son sort au nouveau royaume, il nomma Van Praet secrétaire de son cabinet le 12 juillet 1831. Jusqu’en 1839, Jules Van Praet tenta de conseiller au mieux le monarque et subit de ce fait de multiples attaques du camp orangiste. Il s’acquitta toutefois avec brio de ses missions diplomatiques dans une certaine discrétion. Une seule fois, il fut pressenti pour une élection en 1839. Il s’agissait en effet de représenter Anvers. Le projet toutefois n’aboutit jamais tant on se méfiait de cette immixtion trop évidente de la monarchie dans les affaires parlementaires. Du fond de son cabinet, Van Praet continua donc à s’occuper des affaires intérieures et extérieures du royaume, toujours dans cette discrétion dont il ne se départit jamais. Au sujet des premières, il eut à cœur de démontrer que les libéraux, quoiqu’en disaient alors beaucoup de hauts dignitaires de la cour, étaient des personnes compétentes pour diriger un gouvernement. Bien que Léopold n’écoutait pas toujours ce genre de conseil, il était néanmoins très satisfait des services de son secrétaire et l’éleva d’ailleurs en le nommant ministre de la Maison du roi en 1840. En politique étrangère aussi, Van Praet jouait un rôle prépondérant, en travaillant à la conception du traité des 18 articles.
À la fin des années 40 toutefois, il désira alléger sa charge de travail excessive : Jules Lebeau reprit alors le secrétariat particulier du roi. Van Praet restait toutefois un intermédiaire de poids entre les ministres et le souverain. Quand Léopold II succéda à son père en 1865, le prestige de Van Praet ne se déprécia en rien et le nouveau souverain lui confia d’ailleurs la mission de notifier au gouvernement français son avènement au trône. Toutefois, la politique n’était plus sa seule préoccupation à l’époque et il revint à ses études historiques. En 1867 parut donc le premier volume de ses Essais sur l’histoire politique des derniers siècles, accueilli très favorablement par la critique historique et littéraire. Trois volumes furent publiés, le dernier en 1884. Cette écriture ne l’empêcha pas de jouer un rôle dans les coulisses de la politique européenne, notamment lors de la guerre austro-prussienne de 1866, ou encore celle opposant la France à l’Allemagne en 1870. Toutefois, l’âge avançant, il s’effaça de plus en plus pour se consacrer à son œuvre, toujours aussi appréciée. Cependant, sa santé se détériora nettement à la fin de 1885 : il rendit le dernier soupir en décembre 1887.

Support : une feuille de papier

Hauteur : 262 mm
Largeur : 407 mm

Cote : 19345/1538