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Lettre au baron de Stassart, 8 mars 1839

                                                                                                         A Monsieur le Gouverneur


                                                                                                                            Monsieur,


Le secret auquel j’avais été mis venant d’être levé, je viens vous priver, Monsieur, de bien vouloir m’accorder la faveur d’être admis à la pistôle.
Agréez l’assurance de ma parfaite considération.


Prison des petits Carmes 8 mars 1839

[Apostille en haut à gauche de la main du baron de Stassart]
Écrit au détenu de la prison des petits Carmes

[Adresse]
Monsieur le Gouverneur de la province du Brabant à Bruxelles

Au début de 1839, une bonne partie du débat politique belge était consacrée à la question de la signature du Traité des XXIX articles qui devait mettre fin au conflit entre la Belgique et les Pays-Bas et reconnaître l’indépendance de la première, garantie par la France, le Royaume-Uni, l’Autriche, la Prusse et la Russie. Cela n’allait toutefois pas sans mal : avec ce traité, le jeune état belge devait perdre une partie du Limbourg et une autre du Luxembourg. Dès 1838, les radicaux s’indignèrent de la possibilité de cette signature : ne bradait-on pas à nouveau une partie de l’œuvre révolutionnaire ? Certains d’entre eux (dont Jottrand et Bartels) prirent contact avec le mouvement socialiste de Jacob Kats. Celui-ci, par le biais du théâtre et des meetings, menait une action sociale dans les milieux populaires bruxellois et dans certaines parties de la Flandre (cf. biographie). Les mécontentements se rejoignaient donc et dès mai-juin 1838, on protestait contre les cessions de territoires. Au début de l’année suivante, la protestation gagna la rue. À l’aide de brochures, on appelait les soldats à résister. En outre, la presse radicale éditait des articles très virulents1.
Comme on peut aisément le deviner, les autorités ne restèrent pas sans réaction. Bartels et Kats furent donc arrêtés vers la fin du mois de février 1839. On reprochait à Jacob Kats d’avoir fait imprimer des articles appelant à la désobéissance de l’armée. On lui imputait également d’avoir publiquement attaqué l’inviolabilité de la personne du roi et de l’avoir injurié2. Nous ignorons au juste si Jacob Kats fut « admis à la pistole », c’est-à-dire s'il obtint un régime de faveur pour la fin de son séjour. Par contre, Bartels et Kals n’échappèrent pas un procès devant la Cour d’assisses du Brabant le 23 mai 1839. Ils firent trois mois de détention préventive mais furent acquittés. À sa sortie, Kals put toutefois continuer ses meetings malgré des difficultés de tous ordres3.

1 WITTE E., La construction de la Belgique, Bruxelles, Le Cri, 2010, p. 133-135 (Nouvelle histoire de Belgique, 1828-1847, traduit par Anne-Laure Vignaux).
2 Arrêt de renvoi et acte d'accusation contre Adolphe Bartels et Jacques Kats, Bruxelles, chez Deltombe, imprimeur, 1839, 58 p.
3 KUYPERS J., Jacob Kats, agitator, Brussel, De Wilde Roos, S. W. Druk. Lucifer, 1930,
p. 103. WILLEQUET J., La vie tumultueuse de l'abbé Helsen : 1791-1842 : un schisme libéral et prolétarien à Bruxelles, Bruxelles, Les Éditions du Parthénon, 1956, p. 237, 238.

Arrêt de renvoi et acte d'accusation contre Adolphe Bartels et Jacques Kats, Bruxelles, chez Deltombe, imprimeur, 1839, 58 p.

BERTRAND L., Histoire de la Démocratie et du Socialisme en Belgique depuis 1830, Bruxelles, Paris : Dechenne & Cie, Cornély Edouard & Cie, 1906, tome 1, 450 p.

GUBIN E., Bruxelles au XIXe siècle : Berceau d'un Flamingantisme Démocratique (1840-1873), s.l., Crédit communal de Belgique, 1979, 552 p. (coll. Histoire Pro Civitate, série in-8°, nr. 56).

“Kats, Jacob”, in TER LAAN K., Letterkundig woordenboek voor Noord en Zuid, 1952.

« Kats (Jacob) », in VAN DEN BRANDEN F. JOS., FREDERIKS J.G., Biographisch woordenboek der Noord- en Zuidnederlandsche letterkunde, Amsterdam, L.J. Veen, 1888-1891.

“Kats, Jacob Frans”, in VAN BORK G.J., VERKRUIJSSE P.J., De Nederlandse en Vlaamse auteurs, s.l., De Haan, p. 309-310.

KUYPERS J., Les égalitaires en Belgique. Buonarotti et ses sociétés secrètes, 1824, 1836, Bruxelles, Librairie encyclopédique, 1960, 154 p.

KUYPERS J., Jacob Kats, agitator, Brussel, De Wilde Roos, S. W. Druk. Lucifer, 1930, 248 p.

KUYPERS J., “Kats (Jacob)”, in Biographie nationale, Bruxelles, Bruylant, 1962, t. 31, col.497-507.

KUYPERS J., « Het vroegsocialisme tot 1850”, in DHONDT J. (éd.), Geschiedenis van de socialistische arbeidersbeweging in België, Antwerpen, Uitgeverij " Ontwikkeling ", 1960, p. 122-124.

WILLEQUET J., La vie tumultueuse de l'abbé Helsen : 1791-1842 : un schisme libéral et prolétarien à Bruxelles, Bruxelles, Les Éditions du Parthénon, 1956, 268 p.

WITTE E., La construction de la Belgique, Bruxelles, Le Cri, 2010, 231 p. (Nouvelle histoire de Belgique, 1828-1847, traduit par Anne-Laure Vignaux).

Jacob Kats

Né à Anvers le 5 mai 1804, décédé à Bruxelles le 16 janvier 1886. Le père de Jacob Kats était un ancien officier de l’armée des Provinces Unies1. Ayant toutefois tué un collègue lors d’un duel, il dut se reconvertir et choisit le métier de tisserand. Il était également connu pour ses opinions jacobines et avait été poursuivi pour cela dans sa ville natale de Nassau Siegen. Le jeune Jacob travailla dans une filature dès l’âge de six ans. Il se fixa à Bruxelles en 1819 et y connut des conditions de vie misérables. Il manifesta bien vite son désir de quitter l’usine et, à partir de 1823, prit des cours du soir pour adulte après ses heures de travail. Après son service militaire (1825-1826), il devint successivement sous-instituteur, instituteur du quatrième puis du troisième rang. Autorisé à ouvrir une école en 1829, il se vit dans l’obligation de la fermer suite aux évènements de 1830, faute d’élève. Il dut donc se résoudre à rejoindre les siens et redevenir tisserand. Il se lança alors dans la propagande démocrate, voulant donner à la classe ouvrière la conscience de sa force sociale. À partir de ce moment-là, il utilisa quasi exclusivement le flamand pour s’exprimer. Il prit également la plume et conçut plusieurs pièces de théâtre comme par exemple Den Goeden Vrydag ( 1835). Ses pièces d’inspiration évangélique mais d’un anticléricalisme virulent furent jouées de suite. Il prit d’ailleurs fait et cause pour un abbé hérétique fort connu alors à Bruxelles, Charles Helsen, chef d’une église aux idées sociales très avancées.
L’inspiration de l’ancien instituteur ne se tarit en rien et ses pièces étaient jouées dans les quartiers populaires, jusqu’en Flandre. Différents thèmes y étaient abordés comme le sort de la paysannerie, la question du suffrage universel, etc, ce qui provoqua fort logiquement l’ire du clergé et de la police. Cependant, il suscita l’intérêt de certains journalistes et hommes politiques comme Gendebien, le général Le Hardy de Beaulieu, ou encore Jottrans. Ce dernier consacra d’ailleurs plusieurs articles à Kats dans son Courrier belge, louant l’œuvre dramatique de ce « Molière des cabarets flamands ». Plus tard, Kats protesta également contre le régime linguistique du jeune état belge. Il prônait en effet une égalité des langues flamandes et française et, selon lui, la justice et l’administration devaient être flamandes en Flandre, au service du peuple. Jacob Kats fut affilié à la société secrète babouviste de la Charbonnerie démocratique universelle. Il fit d’ailleurs partie de la seule phalange flamande babouviste connue et répondant au nom de Anneessens. Il en était le secrétaire sous le pseudonyme de Pythagoras. En juin 1836, il publia une feuille ouvrière ayant pour titre Den waeren Volkvriend et qui parut bon an mal an les années suivantes. Il organisait aussi les Meetings flamands destinés à initier des ouvriers illettrés et non électeurs à la conduite des affaires publiques. Ces meetings suscitèrent la sympathie de la London Working Men’s association, un fait important dans l’histoire des relations ouvrières internationales.
Jacob Kats fut l’objet de plusieurs poursuites de la part des autorités dont celle 1839 décrite dans l’analyse. Il édita également quantité d’almanachs (de 1838 à 1875) dont celui de 1844 fut le plus important puisqu’il fut traduit en français et réédité. Les idées qui y étaient développées firent forte impression. Il revendiquait en effet l’assurance contre la maladie, le chômage et la vieillesse ; la nationalisation des machines à vapeur et des chemins de fer, la participation de l’ouvrier aux bénéfices de l’entreprise, l’instauration d’un enseignement national gratuit, le suffrage universel, l’abolition de la peine de mort, etc.
Durant la période troublée de 1848-1849, il fit partie de l’Association démocratique présidée par Lucien Jottrand ou encore Karl Marx. Mêlé activement aux mouvements de rues à Bruxelles, il refusa cependant de s’associer aux violences et, de ce fait, n’eut rien à craindre quand la répression s’abattit sur le mouvement. Il se retira de la vie politique peu de temps après pour se consacrer uniquement à l’éducation du peuple, de préférence par le théâtre.
En 1853, il obtint de la ville de Bruxelles la jouissance du Théâtre du Parc pour quelques jours de la semaine. Pendant six ans, il fit représenter des drames populaires ou historiques, des comédies et des revues dont plusieurs furent composées par lui-même. Toutefois, il connut de graves problèmes financiers qui le conduisirent à la faillite. Il semble que Jacob Kats est resté fidèle à ses idéaux de jeunesse s’il faut en croire César de Paepe qui le soigna dans ses vieux jours. Certains de ses écrits tardifs le laissent également penser comme par exemple Werk en capital, petite étude de 1872 clairement influencée par le fouriérisme auquel il s’était rallié en 1845.

1 Pour cette notice, nous nous sommes principalement inspiré de la notice de J. Kuypers parue dans la Biographie nationale et de celle rédigée par E. Gubin dans son ouvrage paru en 1979 (p. 172 et suivantes, cf. bibliographie).

Support : une feuille de papier

Hauteur : 247 mm
Largeur : 199 mm

Cote : 19345/1027