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Convention entre l'Etat belge et Antoine Wiertz accordant la construction, aux frais de l'Etat, de l'atelier de l'artiste, 1er septembre 1853

Convention entre l’Etat belge, représenté par Monsieur le Ministre de l’Intérieur, d’une part, & d’autre, Monsieur Antoine Wiertz, peintre d’histoire, chevalier de l’Ordre de Léopold, &ca


Les parties susdites & soussignées ont dit et reconnu entre elles ce qui suit : L’Etat se trouve propriétaire de certain terrain acquis en son nom par le Sieur Wiertz, suivant acte de vente avenu par devant Monsieur Langhendries, le 15 Xbre 1851, enregistrée et sur lequel le Sieur Wiertz a fait construire un atelier de peintre dont l’Etat se trouve dès-à-présent propriétaire par application des art : 552 et S.S. du code civil, mais dont M. Wiertz a le droit de conserver la jouissance sa vie entière, conformément à la convention avenue entre le Gouvernement & lui, le 2 Juillet 1850, approuvée par arrêté royal en date du 27 Août suivt .
Aux termes de cette convention, il avait été mis à la disposition du sieur Wiertz, pour subvenir aux frais que l’érection de cet atelier devait coûter, une somme de frs 30,000 dont 21,172.44, devaient être employés pour le prix d’achat du terrain & les frais afférents à cette acquisition, de telle sorte qu’il restait frs 8,827.56 pour subvenir aux frais de construction ; - Cependant M. Wiertz a justifié par les actes produits par lui, que ces frais de construction comportaient frs 41,917.57 soit en plus de la somme mise à sa disposition frs 33,090.01 & il a maintenu que cette somme devait demeurer à la charge de l’Etat par application de l’art : 555 du code civil, parce que cette somme représente la valeur des matériaux et de la main d’œuvre employés aux constructions dont l’Etat se trouve propriétaire, et parce qu’ayant procédé à l’érection de ces constructions au vu & au su du Gouvernement, il avait pu croire de bonne foi que le Gouvernement approuvait le développement qu’il y avait donné, en faisant un édifice propre à constituer plus tard un Musée, à quelles fins il prend par les présentes l’engagement de revêtir de fresques, peintes par lui, les murs de l’atelier proprement dit.
Il a ajouté d’abord, qu’eu égard aux obligations plus onéreuses qui devaient résulter de cet état de choses pour le Gouvernement, il s’engageait à ajouter aux trois tableaux mentionnés dans la convention du 2 Juillet 1850 et qui, dès-à-présent, sont la propriété de l’État, trois autres tableaux dont l’un représente le Christ au tombeau, l’autre Eve, & le troisième Satan, et dont par suite l’État deviendra également propriétaire par l’effet des présentes.
- Ensuite que voulant faire cesser les réclamations que la ville de Liége (sic) élève relativement à la propriété du tableau représentant la chute des Anges, dont la convention du 2 juillet 1850 a fait cession à l’Etat, il s’engageait à faire pour remplacer le dit tableau, pour la ville de Liége (sic), un autre tableau destiné à l’Académie des beaux-arts & dont il fera connaître incessamment l’objet et les dimensions.
Ces conditions ayant été acceptées pour l’Etat par M. le Ministre de l’Intérieur, les parties sont convenues de ce qui suit :
Art. 1er.- L’Etat s’oblige à payer à la décharge de M. Wiertz & en extinction des causes rappelées ci-dessous, la somme de frs 34,049.64, dont frs 17,132.07 sont destinés à solder en principal et intérêts, jusqu’au [illisible, tache d’encre] Juin 1853, la somme restant due sur le prix d’achat du terrain, & les surplus à payer, d’après les états remis par Mr. Wiertz ce qu’il a déclaré rester dû sur le prix de construction.
- M. le Ministre de l’Intérieur s’engage à payer ces sommes directement aux parties intéressées & immédiatement après que la présente transaction aura été revêtue de la sanction royale.
Art. 2. Moyennant l’exécution des obligations prises par lui au terme de l’article précédent, l’Etat demeure définitivement & irrévocablement propriétaire non seulement du terrain et des constructions dont il s’agit, mais encore des six tableaux désignés ci-dessus, sans préjudice toutefois, aux droits de jouissance que l’article 4 de la Convention du 2 juillet 1850 assure à M. Wiertz.
Ainsi fait en double à Bruxelles, le 1er septembre 1853.


 

[signature de] Piercot [signature de] Wiertz



Approuvé pour être annexé à Notre arrêté du 10 septembre 1853.
/signé/ Léopold
Par le Roi : Le Ministre de l’Intérieur, /signé / F. Piercot.
Pour copie conforme,
Le secrétaire général du Ministère de l’Intérieur, [signature illisible]

[Deux timbres]

[Apostille en première page:]
Cote deuxième Inventaire du 5 août 1865 [signature ?] Md

En 1850 sur les conseils de son ami franc-maçon, Charles Potvin, Antoine Wiertz écrit à Charles Rogier, ministre de l’Intérieur, en proposant que l’État belge lui construise un atelier derrière le quartier Léopold, où il pourrait habiter et travailler. À sa mort ce bâtiment reviendrait avec toutes ses œuvres monumentales à l’État, à charge pour lui d’en faire le Musée Wiertz.
Voulant se parer d’une « gloire nationale », l’État accepte cette proposition, et suite aux échanges de correspondance entre Antoine Wiertz et Charles Rogier, trois conventions successives sont signées entre l’État et Antoine Wiertz : les 2 juillet 1850, 1er septembre 1853 et 6 février 1861, par lesquelles un total de 87.000 francs sont alloués à l’artiste pour acheter le terrain et construire son atelier-musée en échange de la cession à l’État, de ses œuvres de grandes dimensions :
- Les Grecs et les Troyens se disputant le corps de Patrocle (2e version, 1844) ;
- La Révolte des Enfers contre le Ciel ou La Chute des anges ;
- Le Triomphe du Christ, 1847-48 ;
- Triptyque du Christ au tombeau, 1839
- Le Phare du Golgotha, 1859.

C’est un fait unique dans l’histoire de Belgique, qu’un artiste obtienne de l’État le financement de son atelier et la transformation après sa mort, de ce lieu privé en un musée accessible au public.

Béatrice DENUIT

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Antoine Wiertz

Né à Dinant le 22 février 1806, mort à Bruxelles le 18 juin 1865.

Fils d’un tailleur qui fut soldat dans l’armée de la Première République, Antoine Wiertz est précocement doué pour la peinture et la sculpture. Grâce à une bourse du roi Guillaume Ier des Pays-Bas, il s’inscrit à 14 ans à l’Académie d’Anvers où il suit les cours de Matthieu Ignace Van Brée et Willem Jacob Herreyns, pour lesquels le modèle à suivre - par delà le néo-classicisme français - est Pierre-Paul Rubens.
Orphelin de père en 1822 alors qu’il est encore aux études, Wiertz obtient le second prix de Rome, et séjourne à Paris de novembre 1829 à mai 1832. Il étudie les chefs-d’œuvre du Louvre - singulièrement l’œuvre de Raphaël ; Ingres et Géricault l’influenceront.
En 1832 à Anvers, il obtient le premier prix de Rome, et à nouveau séjourne à Paris, puis à Rome où il poursuit sa formation de mai 1834 à février 1837 à l’Académie de France alors dirigée par Horace Vernet. Outre quelques beaux paysages et scènes de la vie romaine, il y peint une toile monumentale, Les Grecs et les Troyens se disputant le corps de Patrocle, 1835, qui lui vaudra les éloges de Thorwaldsen et une nomination à l’Accademia di San Luca. Il profite de son voyage pour visiter Naples, Paestum, Florence, Venise, l’Autriche et la Bavière. De retour en Belgique en 1837, il s’établit chez sa mère, à Liège. Son Patrocle remporte un grand succès à Anvers et à Bruxelles.
Présenté au Salon de Paris en 1839, son envoi est dédaigné par la critique parisienne ; ulcéré, l’artiste met en cause la compétence des critiques, se renferme et dérive vers une peinture souvent grandiloquente. Dans l’église désaffectée de Saint-André à Liège, il peint : Le Christ au tombeau, 1839 ; La révolte des enfers contre le ciel ou La chute des anges, 1842.
À la mort de sa mère en 1844, Wiertz s’installe à Bruxelles dans une usine abandonnée du quartier des Marolles. Il y peint Le Triomphe du Christ, 1848, La Belle Rosine, 1847, et L’enfant brûlé, 1849 ; des œuvres emblématiques de ses orientations artistiques : une peinture romantique à visée philosophique ou spiritualiste, une peinture allégorique mettant en scène de beaux nus féminins, des toiles à caractère social souvent mélodramatiques.
Si la Bible et Homère l’inspirent, il puise aussi dans l’œuvre de Milton ou dans la littérature romantique : Goethe, Schiller ou Victor Hugo…
Voulant égaler Rubens dans ses peintures monumentales, il se refuse à vendre ses grands formats dont il aurait pourtant obtenu un prix considérable, et vit grâce aux portraits que lui commande la bourgeoisie.
Des subsides de l’État lui permettent de construire un atelier qui deviendra le Musée Wiertz après sa mort. À partir de 1851, Wiertz y travaille et peint : Faim, folie et crime, 1853 : un plaidoyer contre la misère qui frappe les classes laborieuses ; La liseuse de romans, 1853 où il associe le diable à la jeune femme lisant nue sur son lit ; L’inhumation précipitée, 1854, l’artiste avait été impressionné par des inhumations rapides lors d’une épidémie de choléra ; et Le Suicide, 1857, qui dénonce le matérialisme et témoigne du tempérament mélancolique du peintre. Avec La jeune sorcière, 1857, Wiertz rejoint un thème cher à Goya et annonce les gravures de Félicien Rops ; quant au Bouton de rose, 1864, c’est un charmant clair-obscur en trompe-l’œil.

En 1863, l’Académie royale de Belgique couronne et publie le mémoire de Wiertz, L’École flamande. Caractères constitutifs de son originalité.
L’année suivante l’artiste souhaite céder au gouvernement moyennant indemnité, un nouveau procédé de peinture mate à base de térébenthine. M. Vandenpeerenboom, ministre de l’Intérieur, demande à l’Académie royale de Belgique d’envoyer des membres de la Classe des Beaux-Arts pour examiner à l’atelier du peintre, les œuvres réalisées selon ce nouveau procédé. Henri Leys, Jean Portaels et Nicaise De Keyser, après examen des tableaux, suggèrent dans leur rapport du 6 mars 1865, que le gouvernement crée une commission de chimistes chargée d’analyser le procédé en question. En effet, Wiertz a expérimenté la peinture mate sur la toile mais pas sur les murs. Les Académiciens s’interrogent aussi sur la résistance d’une telle peinture dont l’inventeur garde la formule secrète. Les œuvres réalisées selon ce procédé vont d’ailleurs se dégrader avec le temps : c’est le cas de Pensées et visions d’une tête coupée, 1853, réquisitoire halluciné contre la peine de mort, Le phare du Golgotha, 1859, Un grand de la terre, 1860, Les partis jugés par le Christ, 1865.
Il semble que la recherche et la pratique de la peinture mate aient altéré la santé du peintre qui meurt la même année. Lors de ses funérailles, le drapeau de la Libre Pensée recouvre son cercueil.

Peu après, le Musée Wiertz est rattaché aux Musées royaux des Beaux-Arts de Belgique à Bruxelles, par l’arrêté royal du 10 septembre 1868.
Antoine Wiertz appartient au mouvement romantique mais il est considéré comme précurseur du symbolisme par certaines de ses œuvres.
Ses dessins et esquisses préparatoires à ses toiles monumentales, comme celles de L’Apothéose de la reine Louise Marie, 1856, présentent des qualités plastiques évidentes.
L’artiste a aussi laissé quelques groupes sculptés dans le style de Rubens : Les quatre âges de l’humanité, 1860-1862 ; son projet de sculpture Le triomphe de la lumière, symbole de la libre pensée, destinée à dominer le rocher de Dinant, mais jamais réalisée faute de moyens, a probablement inspiré la Statue de la Liberté, 1876-1886, de Frédéric-Auguste Bartholdi à New York.

Les œuvres d’Antoine Wiertz sont conservées au Musée Wiertz, à Bruxelles, au Koninklijk Museum voor Schone Kunsten à Anvers, au Musée de l’Art wallon à Liège, et dans des collections privées.

Critique d’art pour différents Salons de peintures dans les années 1840, Wiertz est aussi un homme de lettres dont les écrits ont été rassemblés et publiés en 1869 par Charles Potvin sous le titre Œuvres littéraires.

Béatrice DENUIT

La convention Support : cahier de papier, 4 pages

Hauteur : 251 mm

Largeur : 176 mm

Cote : 15438