Dédicace dans un ouvrage envoyé à Paul-Henry Spaak, circa 1947

À mon ami et camarade Spaak.
Hommage affectueux,
Léon Blum

La dédicace ci-dessus est tirée de l’ouvrage intitulé : Hommage de Léon Blum à Emile Vandervelde (cf. fiche technique) contenant le discours prononcé par Léon Blum le 24 janvier 1947 au Palais des Beaux-Arts de Bruxelles pour la commémoration du 81e anniversaire de Émile Vandervelde. Il était normal que le premier prît la parole à cette occasion : du vivant du tribun socialiste belge, les deux hommes entretenaient d’excellentes relations1.
Dans ce discours conçu peu de temps après la Deuxième guerre mondiale, Léon Blum met en évidence le fait que Vandervelde avait perçu le danger des totalitarismes d’avant-guerre et qu’il n’y avait pour lui aucune coexistence possible avec les démocraties d’Europe. Blum en vient d’ailleurs à se demander si, en 1933, les responsables du socialisme international n’avaient pas manqué à leurs devoirs en ne poussant pas à une guerre préventive contre les dictatures ou du moins en agitant la menace d’un conflit. Il s’interroge ensuite sur ce que dirait Vandervelde en janvier 1947. Il ne fait aucun doute pour lui qu’aux yeux de Vandervelde, le socialisme fournirait une explication de la crise mondiale et une règle d’action pour les socialistes. Ce socialisme pensé et enseigné par Vandervelde est capable de combiner à l’intérieur de l’État l’ordre collectif et la liberté personnelle et de concilier l’indépendance nationale et l’ordre international. Léon Blum termine son discours en mettant en évidence le marxisme de Vandervelde, identique selon lui à celui de Jean Jaurès.
Quant aux relations entre Léon Blum et Paul-Henri Spaak, elles semblent avoir été toujours bonnes s’il faut en croire les archives de Paul-Henri Spaak conservées par notre académie. Dans celles-ci, nulle trace d’une quelconque acrimonie, au contraire. Nous en voulons pour preuve cette lettre de Blum datée du 23 novembre 1936, répondant à une missive de Spaak encourageant certainement le Président du Conseil dans son dur labeur : « Dans ces heures douloureuses, aucun témoignage de sympathie ne pouvait m’être plus précieux que le vôtre. Il m’apporte le réconfort de deux affections qui me sont particulièrement chères, celle d’un pays ami et celle d’un parti frère du nôtre »2. Signalons enfin que les deux hommes furent présidents d’honneur du Mouvement européen3, même si Blum rappelait toujours que l’unité européenne n’avait de sens que dans le cadre du but final qui restait l’organisation du monde entier. Il était en effet bien plus mondialiste que pro-européen4.

1 GREILSAMMER I., Blum, Paris, Flammarion, 1996, p. 302 (coll. Grandes biographies). DELWIT P., « Léon Blum vu de Belgique entre 1918 et 1949 », in BOSSUAT G., GIRAULT R., ZIEBURA G. (et al.), Léon Blum, socialiste européen, Bruxelles, Complexe, 1995, p. 117.
2 Archives de l’Académie royale de Belgique, archives Paul-Henri Spaak, farde 384, n° 6954.
3 Archives de l’Académie royale de Belgique, archives Paul-Henri Spaak, farde 274, n° 5117.
4 GREILSAMMER I., Blum (…), op. cit., p. 486.

BAZY D., Je suis… Léon Blum, Lyon, Jacques André éditeur, 2013, 86 p. (coll. Je suis).

BERSTEIN S., Léon Blum, Paris, Fayard, 2006, 835 p.

BOSSUAT G., GIRAULT R., ZIEBURA G. (et al.), Léon Blum, socialiste européen, Bruxelles, Complexe, 1995, 222 p.

COLTON J., Léon Blum, Paris, Fayard, Paris, 1986, 527 p. (coll. Marabout université).

GIRAULT R., « Blum (Léon ) 1872-1950 », in Encyclopaedia universalis, Encyclopaedia universalis, 1996, corpus 4, p. 268-269.

GREILSAMMER I., Blum, Paris, Flammarion, 1996, 611 p. (coll. Grandes biographies).

GREILSAMMER I. (éd.), Lettres de Buchenwald, Paris, Gallimard, 2003, 189 p. (coll. Témoins)

LACOUTURE J., Léon Blum, Paris, Éditions du Seuil, 1979, 616 p. (coll. Points Histoire).

Léon Blum

Né le 9 avril 1872 à Paris, décédé le 30 mars 1950 à Jouy-en-Josas. Léon Blum était issu d’une famille de commerçants juifs venus d’Alsace1. Il se distingua rapidement par ses capacités littéraires. Il fut reçu à l’École normale supérieure en 1890 mais quitta l’institution l’année suivante pour commencer une carrière de critique littéraire qui lui donna l’occasion de se lier d’amitié avec Angré Gide ou encore Tristan Bernard. Il fit également des études de droit et réussit le concours d’entrée au Conseil d’État où il mena une belle carrière jusqu’en 1919. Jusque-là, la politique ne lui fut pas étrangère : il fut très affecté par l’affaire Dreyfus, prit la défense de Zola et fut dreyfusard, dans le sillage de Jaurès. Il adhéra d’ailleurs au socialisme de tendance marxiste. Toutefois, avant la Première guerre mondiale, il était surtout connu pour ses essais (Du mariage, 1907, Stendhal et le beylisme, 1914). Le monde politique s’ouvrit à lui avec la guerre. Réformé, il entra alors dans le cabinet de Marcel Sembat, ministre socialiste des Travaux publics dans le gouvernement d’Union sacrée (1914-1916). Son influence au sein du socialisme français se développa : il défendait une position centriste entre la gauche de la SFIO pacifiste et influencée par le bolchévisme naissant et la droite du parti, davantage tournée vers la conquête du pouvoir. Élu député de la Seine en 1919, il devint leader de la SFIO à la Chambre. Lors du Congrès de Tours en décembre 1920, il défendit l’unité du parti et se déclara pour la démocratie interne de celui-ci, contre le modèle bolchévique. Quoique ses opinions étaient minoritaires à l’époque, Blum réussit à les imposer petit à petit durant les années suivantes grâce ses talents de journaliste et son poste de chef du groupe SFIO à la chambre.
Plus tard, après avoir récolté le plus de voix au sein d’une coalition de Front populaire lors des élections d’avril / mai 1936, il fut désigné pour mener le nouveau gouvernement. L’exercice du pouvoir dura un peu plus d’un an et le gouvernement mena une politique d’envergure dans de nombreux domaines : nouveau statut de la Banque de France, nationalisation des industries, instauration des congés payés, semaine des quarante heures, etc. Toutefois, l’action du gouvernement fut entravée par la droite, la fuite des capitaux et le marasme des affaires. De plus, la politique étrangère amena la division au sein du Front populaire. Léon Blum dut en effet accepter la politique de non-intervention dans la guerre civile espagnole pour ménager les Radicaux partisans de cette politique et le gouvernement britannique dont la France avait besoin. Il couvrit cependant la livraison clandestine d’armes aux républicains espagnols.
Au début de 1937, malgré une pause dans les réformes, Blum dut bien constater qu’il ne pourrait jamais réaliser une nécessaire union nationale. Quand il tenta de constituer un second gouvernement en 1938 sur les mêmes bases politiques, il échoua à nouveau face à une droite toujours opposée à sa proposition d’entente nationale.
Quand la Seconde Guerre mondiale commença, il fut bien vite l’objet d’une haine tenace du Gouvernement de Vichy qui l’interna dès septembre 1940. Un procès lui fut intenté en février 1942 où il défendit la République et Front populaire, malgré la maladie. Il rédigea également À l’échelle humaine, réflexions sur les véritables causes de la défaite et sur les réformes nécessaires pour la modernisation de la France. En avril 1943, il est livré par Laval aux Allemands et déporté au camp de Buchenwald. Il y continua malgré tout ses réflexions sur la vie politique future tout en conseillant clandestinement ses amis socialistes. Il échappa de peu à la mort et fut libéré en 1945.
C’est un homme diminué qui fit son retour en France mais il ne se résigna pas à l’inaction. Il restait un théoricien du socialisme et même un recours pour la IVe république. En 1946, il mena même une délégation française à Washington pour y négocier un emprunt auprès des Américains. La même année, il fut élu président de la conférence constitutive de l’UNESCO. Il assura également la Présidence du conseil pour une troisième fois de mi-décembre à mi-janvier 1947. Blum continua son combat politique contre le stalinisme et le gaullisme ainsi que sa réflexion sur le socialisme et la nécessité de la décolonisation. Le 30 mars 1950, un infarctus lui fit rendre le dernier souffle.

1 Cette notice biographique est inspirée en grande partie par celle conçue par René Grirault (cf. bibliographie).

Autographe tiré de l’ouvrage intitulé : Hommage de Léon Blum à Emile Vandervelde, Bruxelles, Édouard Misguich, s.d. [1947], 21 p.

Hauteur : 213 mm
Largeur : 143 mm

Cote : Spaak 80