Lettre au colonel de Watteville, 25 septembre 1797

                                                                                                                                                                                                                                                                                 À Blankenburg ce 25 septembre 1797.


     J’ai reçu votre mémoire, Monsieur, et je n’avais pas besoin de l’état de vos services qui y est joint, pour savoir tout ce que vous valez. Malheureusement, je ne puis en ce moment que partager vos désirs, mais j’espère bien pouvoir les réaliser un jour, rien ne peut rompre l’alliance que mes pères ont faite avec votre République et votre mérite seul me ferait une nécessité de vous conserver à mon service.
Soyez en attendant bien persuadé, Monsieur, de mes sentiments distingués pour vous.

 

                                                                                                                                                                         Louis



Monsieur le colonel de Watteville.

[Enveloppe]
A Monsieur
Monsieur le Colonel de Watteville
À Rolle en Suisse

Nous ne disposons malheureusement pas du mémoire et des états de services du colonel de Wateville : nous pourrions ainsi identifier avec certitude le destinataire de Louis XVIII1 et détailler le mémoire, portant certainement sur les relations entre la France et la Suisse. Louis XVIII semble croire à la solidité sans faille du traité de Fribourg (ou « Paix perpétuelle ») signé en 1516 et qui instaurait la paix entre les deux pays. C’était bien mal connaître les intentions des autorités françaises de l’époque dont l’intérêt n’était plus d’avoir un îlot de neutralité à sa frontière de l’est. Elles voulaient faire disparaître un foyer d’intrigues dont l’existence est sans doute confirmé par la lettre ci-dessus. Un mois après la rédaction de celle-ci, la Confédération helvétique fut contrainte par Bonaparte de céder la Valteline aux Grisons pour la rattacher à la République cisalpine qu’il venait de créer. Une subversion fut organisée ensuite et les troupes françaises franchirent la frontière suite à la déclaration d’indépendance de Lausanne le 27 janvier 1798. Une république helvétique « une et indivisible » fut proclamée avec un directoire de cinq membres, fidèles exécutants des ordres parisiens. S’ensuivit une guerre civile opposant les partisans de l’autonomie cantonale et les unitaires : les troupes autrichiennes et russes furent de ce fait accueillies chaleureusement en 1799. Les alliés ne purent cependant pas garder l’avantage et se replièrent. Les mêmes problèmes subsistaient cependant et Bonaparte, après avoir caressé le projet de démembrer la République helvétique, fit adopter l’Acte de médiation (19 février 1803) liquidant la République helvétique et donnant une structure confédérale au pays2.
Quoiqu’il en soit, cette lettre témoigne de l’impuissance du prétendant aux trônes de France et de Navarre en septembre 1797 : il ne peut que « partager » les désirs de de Watteville et « espère bien pouvoir les réaliser un jour ».

1 S’agit-il du baron Frédéric de Watteville, ancien officier bernois au service de la Hollande et colonel commandant du régiment de Rovéréa (1799-1801) et, plus tard, propriétaire du régiment d’infanterie suisse de Wattevile (1801-1816) ? (GROUVEL V., Les corps de troupe de l’émigration française (1789-1815), Paris, Le éditions de la Sabretache, 1957, t. 1, p. 313, 329) Ou alors de son neveu, le baron Louis de Watteville de Rübingen, lieutenant-colonel du même régiment de Watteville ? (GROUVEL V., Les corps (…), op. cit., p. 329 ; Dictionary of Canadian Biography, vol. VII, http://www.biographi.ca/en/bio.php?id_nbr=3718) Ou bien encore le père de ce dernier, David de Watteville ? (Dictionary of Canadian Biography, vol. VII, http://www.biographi.ca/en/bio.php?id_nbr=3718). Si nous penchons pour le premier, nous ne pouvons malheureusement pas nous prononcer avec certitude et cela d’autant plus que nous n’avons rien trouvé au sujet d’un colonel de Watteville dans les ouvrages repris dans la bibliographie.
2 SURATTEAU J.-R. « Républiques-sœurs », in SOBOUL A. (dir.), Dictionnaire historique de la Révolution française, Paris, Presses universitaires de France, 2005, 1989, p. 894 (rééd. Quadrige, 2005). « Helvétique (République) », in TULARD J., FAYARD F., FIERRO A., Histoire et dictionnaire de la Révolution française 1789-1799, Paris, Robert Laffont, 2002, p. 873, 874. PALLUEL-GUILLARD A., « Suisse », in TULARD J. (dir.), Dictionnaire Napoléon, Paris, Fayard, 1999, vol. 2, p. 816-817.

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Louis XVIII

Né à Versailles le 17 novembre 1755, décédé à Paris le 15 septembre 1824. Louis Stanislas Xavier était le fils de Louis, Dauphin de France et de Marie-Josèphe de Saxe, fille de l’électeur Frédéric-Christian1. Il est le troisième fils du Dauphin. Son éducation fut confiée à la comtesse de Marsan puis au duc de La Vauguyon qui louait l’intelligence du futur souverain. Au début de l’année 1771, on jugeât son instruction terminée. Il se maria avec Marie-Joséphine de Savoie le 14 mai 1771 mais cette union resta stérile.
Sitôt son frère aîné monté sur le trône, les relations entre les deux hommes se détériorèrent rapidement, au point qu’il fut exclu du Conseil du roi. Toutefois, la crise politique et financière de 1787 lui permit de jouer un rôle dans les affaires du pays. Il présida les séances de la commission de notables en 1787 et en 1788. Réaliste, il comprit vite que le temps était aux concessions. Il se prononça pour l’impôt élargi à la noblesse et le doublement du Tiers-État mais restait opposé à l’abolition des ordres. Il se prononça d’ailleurs contre le projet d’union des trois ordres présenté par Necker le 22 juin 1789. Il se rapprocha de Mirabeau et le paya pour conseiller le roi, selon ses vues… Il emprunta également deux millions de livres pour, selon Philip Mansel , acheter les députés de la Constituante pour qu’il fît son entrée au Conseil du roi. Cette entreprise faillit lui être funeste et on l’accusa d’être à la tête d’un complot visant à enlever le roi et à tuer Necker. Il se présenta à la Commune de Paris et y proclama sa solidarité avec la Révolution. En réalité, il n’en pensait rien et il prônait de plus en plus la contre-révolution en privé. Il quitta d’ailleurs la France le 20 juin 1790 et attint Mons sans soucis. Ainsi commençait un exil qui dura 24 ans, le conduisant dans nos régions, à Coblence, à Blankenburg, à Varsovie, en Lettonie, en Angleterre, etc. Cette période de sa vie fut remplie de désillusions et d’innombrables difficultés financières. Son entrée en France en août 1792 à la tête de l’Armée des princes (derrière les armées autrichiennes et prussiennes) fut très éphémère et, après la reculade de Valmy, il fut forcé de licencier ses troupes le 19 novembre. Après l’exécution de Louis XVI en janvier 1793, il se proclama régent et plus tard roi de France (juillet 1795) suite au décès de Louis XVII. Jamais il ne renonça à ce qu’il considérait comme ses droits de souverain : son obstination sans faille fut incontestablement sa force car la restauration des Bourbons n’allait pas de soi comme nous le verrons plus loin. Sa vie politique fut ponctuée de proclamations d’abord extrémistes puis de plus en plus adaptées aux circonstances. Ainsi, le 28 janvier 1793, il publia un manifeste dans lequel il manifestait son désir de rétablir la monarchie « sur les bases inaltérables de sa constitution ». Le 7 juillet 1795, il rendit publique une déclaration (la première comme roi de France) identique sur le fond. C’est à partir de 1796 qu’il fit évoluer son discours vers plus de modération. Le 10 mars 1797, il se pliait à l’éventualité d’éventuelles modifications à l’ancienne constitution. Le 2 décembre 1804, tout en déplorant le couronnement de Napoléon, il déclarait vouloir conserver les structures administratives, militaires et juridiques du pays et promettait l’abolition de la conscription, de la détention politique et une réduction des impôts.
À partir de 1811, la situation politique de Louis s’améliora du fait des revers essuyés par l’Empire et d’un rapprochement avec la famille royale d’Angleterre, même si les Alliés étaient hostiles à une restauration des Bourbons. Cela ne l’empêcha en rien de promettre « Union, repos, paix et bonheur » dans une proclamation du 19 février 1813. Quand Bordeaux se déclara pour le Bourbons à l’arrivée de Wellington en mars 1814, les Alliés changèrent d’avis. En réalité, les Français étaient prêts à accepter n’importe quel régime pourvu qu’il fût modéré et pacifique. Le 13 avril, il fit une déclaration à Saint-Ouen où il promettait la liberté de la presse, deux assemblées, le maintien de tous les titres accordés par Napoléon et la conservation de la propriété des biens nationaux. Une Charte fut octroyée par ses soins le 4 juin 1814 et approuvée par les deux chambres. Elle instituait une monarchie forte, stable et efficace mais d’essence authentiquement libérale. Toutefois, le roi fit preuve de quelques maladresses qui provoqua le mécontentement. Napoléon n’eut aucun mal à revenir à Paris et Louis XVIII dut piteusement se retirer à Gand jusqu’en juin 1815. Il revint affaibli et cela d’autant plus que les Alliés imposèrent des conditions de paix très dures. Il put cependant s’imposer grâce à des promesses de pardon pour tous ceux ayant servi l’empereur. Cependant, une terrible réaction monarchiste s’empara du royaume et une terreur blanche fit rage entre juillet et octobre 1815. En outre, les élections d’août firent rentrer une grande majorité d’extrême-droite à la Chambre : on comptait 350 députés ultras sur un total de 402. Leur intransigeance n’était pas feinte et allait à l’encontre de la modération de Louis XVIII. Devant l’inquiétude du pays et des Alliés, il n’eut d’autre solution que de prononcer la dissolution de la Chambre le 5 septembre 1816. La nouvelle chambre comptait une majorité de constitutionnels modérés : l’ère « libérale » de la restauration commençait et elle dura jusqu’en 1820, année où les ultras font leur entrée dans le cabinet du ministre Richelieu et où la gauche subit un désastre électoral. Louis XVIII constituait le dernier obstacle de la réaction mais le temps fit son œuvre et la santé du souverain se détériora gravement. À une goutte de plus en plus violente s’ajouta une terrible gangrène qui lui fit rendre le dernier soupir le 16 septembre 1824.

1 Cette notice biographique est inspirée en grande partie par celle conçue par E. De Waresquiel et par le livre de Philip Mansel (cf. bibliographie)

Support : une feuille de papier

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Largeur : 319 mm

Cote : 19346/2931