Dédicace de Léon Campion adressée à Georges Brassens, circa 1955

Pour Georges Brassens

en amitié

Léo Campion

Lors des mois de mai et juin de cette année, nous eûmes pour mission de prendre possession d’une partie des archives et de quelques livres présents au sein de l’atelier de Pierre Cordier situé aux  Ateliers Mommen de Bruxelles, suivant ainsi les dernières volontés de cet académicien décédé le 19 mars 2024. La quantité d’archives à inventorier est considérable : elle représente plus ou moins 17 mètres linéaires dans nos compactus. La variété de ces documents est remarquable. On y trouve en effet :

  • Une abondante correspondance, notamment celle concernant ses expositions et activités publiques.
  • Les cahiers de notes préparatoires, les épreuves et essais relatifs aux fameux chimigrammes[1].
  • Les pièces relatives à son activité d’enseignement à La Cambre
  • Tous les documents relatifs à son amitié avec Georges Brassens , sauf les lettres originales conservées par une institution bancaire.
  • Etc…

Le nombre de livres récupérés est assurément plus modeste. Parmi ceux-ci se trouve l’ouvrage de Léo Campion intitulé Klette (cf. notice technique) avec la courte dédicace amicale de l’auteur adressée à Georges Brassens. Vu leur amitié, il est probable que cet ouvrage fut offert à Pierre Cordier par le chanteur français. Ce dernier connaissait bien Léo Campion : les deux hommes firent connaissance au lendemain du dernier conflit mondial et eurent l’occasion de participer ensemble à plusieurs galas de la Fédération anarchiste[2]. Quant à Klette (tout un programme ! [3]), il s’agit d’une série de textes humoristiques narrant les épisodes burlesques de la vie du docteur Klette, personnage ô combien limité reconnaissant lui-même n’avoir pas beaucoup de talents[4]. L’épigraphe donne le ton :

« A Césarine pour la vie et pour ne pas la nommer.

Klette[5] »

 

[1] Le 10 novembre 1956, il inventa le chimigramme, « une technique qui met en cause l’action localisée des révélateurs et fixateurs sur la surface photosensible, sans appareil photographique, sans agrandisseur et en pleine lumière. » [consulté le 5/11/2024, Détail].

[2] Philippe G., « Léo Campion disparaît », dans Le monde libertaire, n° 863, 19-25 mars 1992, p. 8 [consulté le 05/03/2024, https://ml.ficedl.info/IMG/pdf/ml0863_1992-19-mars.pdf].

[4] CAMPION L., Klette, Paris, Calmann-Lévy, 1955, p. 66.

[5] Ibidem, p. 13.

FÜEG J.-F., « Campio,, Léo », dans Nouvelle Biographie nationale, Bruxelles, Académie royale des sciences, des lettres et des Beaux-Arts de Belgique, 1999, tome 5, p. 33 [consulté le 05/11/2024, https://academieroyale.be/Academie/documents/FichierPDFNouvelleBiographieNational2107.pdf].

« Léo Campion (1905-1992) », dans DE JODE M., CARA M. et J.-M., Dictionnaire universel de la Franc-Maçonnerie, Larousse, 2011 [consulté le 05/11/2024, https://books.google.be/books?redir_esc=y&hl=fr&id=zkpcVZlpxtEC&q=campion#v=snippet&q=campion&f=false].

M.D., « Campion, Léo », dans WANGERMÉE R., Dictionnaire de la chanson en Wallonie et à Bruxelles, Liège, Éditions Mardage, 1995, p. 98-99 [consulté le 05/11/2024, Dictionnaire de la chanson en Wallonie et à Bruxelles - Google Livres].  

PUISSANT J., « Campion Léon, Louis, Octave, dit Léo » dans maitron.fr [consulté le 05/11/2024, https://maitron.fr/spip.php?article163877].

Léon Louis Octave Campion, dit Léo Campion

Léo Campion naquit à Paris le 24 mars 1915[1]. Son père était un comptable d’origine belge, hennuyère pour être plus précis. Sa mère était mère au foyer d’origine parisienne. Le jeune Léo fit ses études à Montlhéry (Seine-et-Oise). À l’âge de vingt ans, il s’établit à Bruxelles pour effectuer son service militaire : l’auditaurat militaire jugera ce dernier comme « exemplaire ». À l’époque, rien ne laissait deviner l’anticonformiste qu’il devint ensuite : « J’avais alors les idées de tout le monde, c’est-à-dire que je n’en avais pas », confia-t-il en 1985. Tout changea ensuite, notamment en 1928 quand il se lia d’amitié avec Marcel Dieu dit Hem Day, militant anarchiste et secrétaire du Comité international de défense anarchiste. À ces fondements anarchistes, Léo Campion ajouta la Franc-maçonnerie : il fut en effet initié à la loge bruxelloise Les amis philanthropes le 7 avril 1930 et s’affilia sept ans plus tard à la prestigieuse loge du Grand Orient de France : La Clémente Amitié. Il milita ensuite pour le pacifisme et devint secrétaire de la section belge de l’IRG-WRI (Internationale des résistant(e)s à la guerre - War resister’s international) de 1931 à 1945. Il apporta son aide à un comité maçonnique pour l’objection de conscience créé en 1932 et participa de ce fait à plusieurs meetings en Belgique, au Royaume-Uni et en France où la sourcilleuse Action française exigea son expulsion. Parallèlement, il entama une carrière de dessinateur et devint un caricaturiste connu. Il collabora aussi au journal Rouge et noir de Pierre Fontaine, véritable creuset des esprits les plus brillants de la Bruxelles de l’époque. Il participa aussi à la création de journaux anarchistes bruxellois comme L’action rationaliste belge (1932), Ce qu’il faut dire (1934-1936), Rébellion (1937), etc. Plus tard, il fut l’un des fondateurs de l’hebdomadaire satirique Pan (1944).

L’épisode le plus saillant de son militantisme pour l’objection de conscience se déroula en 1933 quand Marcel Dieu et lui renvoyèrent leur livret militaire à Albert Deveze, Ministre libéral de la défense nationale. Il s’agissait de lui signifier que les deux amis ne participeront plus à la défense nationale, de façon directe ou indirecte. La réaction ne se fit guères attendre. Ils furent rappelés par mesure disciplinaire, et, refusant d’obtempérer, furent arrêtés pour désertion en juin 1933. Le procès qui s’ensuivit fut l’objet d’une intense campagne médiatique, menée notamment par Rouge et noir. Hem Day fut condamné à deux ans de prison tandis que son compagnon d’infortune vit sa peine limitée à dix-huit mois de détention. La sévérité de la justice relance d’autant l’agitation et les deux hommes sont soutenus par toute la gauche pacifiste. Ils entamèrent toutefois une grève de la faim, et, suite à celle-ci, les peines se virent réduites. Le 14 août 1933 surtout, ils furent renvoyés de l’armée, ce qui était leur but ultime. Les années suivantes, il continua ses activités militantes, mais fit également ses débuts à la scène en 1937, sur les planches du cabaret bruxellois Le Grillon.

En mai 1940, il fut arrêté et déporté au camp du Vernet (Ariège). Relâché ensuite, il fut très actif dans les milieux culturels en tant que chansonnier, en travaillant notamment avec Charles Trenet. Ses activités lui permirent de travailler tant à Bruxelles qu’à Paris durant le conflit, lui donnant l’occasion de rendre des services à la résistance. Pour récompense de ceux-ci, il se vit décoré de la croix de guerre à la Libération.

Après la guerre, il continua son militantisme anarchiste, tout en poursuivant sa carrière de chansonnier et d’acteur. Il devint célèbre avec la troupe de Jean-Louis Barrault et Madeleine Renaud en jouant dans Le Rhinocéros d’Eugène Ionesco. Il fit aussi du cinéma en participant par exemple à French Cancan de Renoir ou encore à La Lectrice où il donnait la réplique à Miou-Miou. Il participa également à des productions conçues pour la télévision. Parallèlement, il poursuivait sa vie littéraire en écrivant plusieurs livres de la même veine humoristique que celui nous intéressant ici, mais aussi des publications plus sérieuses comme son Sade Franc-maçon (1972) ou encore Le drapeau noir, l’équerre et le compas (1978). Il y défendait une vocation libertaire de la maçonnerie tout en reconnaissant que les maçons anarchistes étaient une infime minorité. Enfin, pour revenir dans la veine burlesque, il faut mentionner que le Léo Campion fut le premier Grand-maître de la Confrérie des Chevaliers du taste Fesses.

Il rendit le dernier souffle à Paris le 6 mars 1992.

 

[1] Pour cette notice, nous nous sommes principalement inspiré des textes de Jean Puissant, de Jean-François Füeg et du Dictionnaire universel de la Franc-Maçonnerie.

Dédicace présente juste après la couverture de l’ouvrage : Klette de Léo Campion, Paris, Calmann-Lévy, 1955, 193 p., in-16°. Quatrième de couverture signée par Pierre Dac.

Largeur : 116 mm

Hauteur : 177 mm

Cote : Sous-sol I 17.114