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Lettre à Adolphe Quetelet, 17 mars 1853

À Monsieur Quetelet, Secrétaire perpétuel de l’Académie Royale de Belgique

Monsieur,

Je m’empresse de vous exprimer toute ma reconnaissance pour la lettre bienveillante que vous m’avez fait l’honneur de m’adresser. Je serais heureux de voir l’Académie porter une appréciation sur l’œuvre que j’ai entreprise l’année dernière et peut-être pourrait-elle signaler à l’attention publique l’intérêt que présenterait la publication d’un semblable travail pour chacune de nos provinces.

L’erreur que vous indiquez relativement à la note de la p. 53 sera rectifiée dans le volume de l’année prochaine.

Des deux exemplaires du Nécrologe liégeois adressés à l’Académie, l’un vous était destiné. Je regrette, Monsieur, qu’une désignation insuffisante vous ait laissé quelque doute à cet égard : à l’avenir j’aurai soin de me conformer aux indications que vous avez bien voulu me donner.

Veuillez agréer, Monsieur, l’hommage de mes sentiments respectueux.

Liège 17 mars 1853

Ulysse Capitaine

 

 

 

Margaux Blétard

Université catholique de Louvain

Dans cette lettre, Ulysse Capitaine aborde une de ses œuvres importantes : le Nécrologe liégeois. Il s’agit d’un recueil de notices biographiques sur des personnalités de l’élite liégeoise décédées. Ce recueil connaîtra douze livraisons parues entre 1852 et 1868[1].  

L’auteur présente son objectif comme étant « de préserver de l’oubli le nom des Liégeois qui, par leurs vertus, leurs talents ou les services qu’ils ont rendus à la chose publique, ont mérité de conserver une place dans le souvenir de leurs concitoyens »[2]. Ses collaborations avec de nombreux quotidiens, dont La Meuse lui permettent de se positionner par rapport à la presse. Il souhaite dès lors pallier des lacunes qu’il a observées dans les journaux et il prône l’objectivité :

« La presse, absorbée par les disputes du jour, ne trouve guère de place à donner à la réclame dictée par un pieux souvenir, et laisse passer presque inaperçue la mort de nos plus dignes concitoyens […] Écrivant pour combler une lacune et accomplir ce que nous considérons comme un patriotique devoir, nous nous plaçons au-dessus des partis et des passions : l’impartialité devient surtout une règle impérieuse, lorsque l’on parle de ceux qui ne sont plus. Si flagorner les puissances du jour est une lâcheté, insulter à des restes inanimés serait une lâcheté plus grande encore. Nous éviterons donc les haines qui calomnient et les sympathies qui innocentent sans oublier toutefois, que les morts se survivent dans leur descendance »[3].

 

La volonté d’élargir cette étude biographique à toutes les provinces montre l’importance pour Ulysse Capitaine de garder une trace des personnalités belges. En passant du local au national, et ce pour des personnes ayant connu la transition de l’Ancien Régime à l’indépendance belge, l’auteur souhaite participer à la création d’une historiographie de la jeune Belgique.

Les nécrologies ne sont pas les seules œuvres d’Ulysse Capitaine dans lesquelles ce travail de mémoire transparait. Poursuivant l’entreprise d’Antoine Gabriel de Becdelière, cet érudit a écrit de multiples biographies, dont la première en 1849 portait sur le journaliste Henri Delloye intitulée Notice sur Henri Delhoye, Troubadour Liégeois. Ses participations à de nombreuses sociétés savantes sont également pour lui une voie dans ce sens, notamment à travers ses articles publiés dans Bulletin de l’Institut archéologique liégeois. En outre, Ulysse Capitaine a collaboré à la Biographie Nationale.

La réception du Nécrologe liégeois par les contemporains de l’auteur semble avoir été positive. En effet, le Journal historique et littéraire écrit : « M. Capitaine continue de consacer (sic[4]) à la mémoire de ses compatriotes un talent qui pourroit aborder de plus vastes sujets ; il y met une ardeur d’exactitude qui forme la première qualité de l’historien. Nous désirons que ses compatriotes apprécient suffisamment l’utilité de cette publication annuelle»[5].

De son côté, la Revue catholique : recueil religieux, philosophique, scientifique, historique et littéraire, explique « quoique nous différions essentiellement d’opinions avec l’auteur sur la manière de juger la conduite des catholiques dans les affaires politiques, et le rôle qu’il y fait remplir par l’ancien évêque de Liège, nous n’en croyons pas moins devoir signaler son travail à l’étude sérieuse de tous ceux qui voudront s’occuper du même sujet »[6].

En identifiant les personnalités importantes du tournant qu’a été l’indépendance de la Belgique, le Nécrologe liégeois est un travail-source intéressant pour les chercheurs.

 

Margaux Blétard

Université catholique de Louvain


[1] On trouve quatre volumes disponibles en ligne sur le site de la KBR [consulté le 30 juin 2021].

[2] CAPITAINE U., Le Nécrologe liégeois. Volume 1, Liège, 1852, p. 5.

[3] Ibidem, p. 5-7.

[4] Ce mot n’a pas été trouvé dans le Trésor de la Langue française, je suppose donc que c’est une erreur.

[5] Journal historique et littéraire, Liège, Chez P. Kersten, t. XXII,1855, p. 50, disponible en ligne [consulté le 30 juin 2021].

[6] Revue catholique : recueil religieux, philosophique, scientifique, historique et littéraire, Louvain-Bruxelles, P.-J. Verbiest et H. Goemaere, T. XV, 1857, p. 60, disponible en ligne [consulté le 30 juin 2021].

« Capitaine (Ulysse) », dans Bibliographie Nationale. Dictionnaire des écrivains belges et catalogue de leurs publications, 1830-1880, L 1, Bruxelles, 1882, p. 192-194.

d’OTREPPE de BOUVETTE A., « Hommage à la mémoire de M. Ulysse Capitaine », dans Essai de Tablettes liégeoises, 112e livraison, Liège, 1871, p. 27-28.

LE ROY A., Ulysse Capitaine, sa vie & ses travaux, Liège, J. Desoer, 1872.

PETY de THOZÉE J., « Nécrologie. Ulysse Capitaine, numismate liégeois », dans Revue de la Numismatique, 5e série, t. 3, 1871, p. 442-447.

RAXHON P., « CAPITAINE, Casimir, François, Ulysse », dans Nouvelle biographie nationale, Bruxelles, Académie royale des Sciences, des Lettres et des Beaux-arts de Belgique, vol. 2, 1990, p. 76-79.

TASSET E., Ulysse Capitaine, Liège, 1872.

Sur le Fonds « Ulysse Capitaine »

HELBIG H. et GRANDJEAN M., Catalogue des collections léguées à la Ville de Liège par Ulysse Capitaine dressé par H. Helbig & M. Grandjean en vertu d’une délibération du Conseil Communal en date du 9 juin 1871, 3 vol., Liège, 1872.

SCHLOSS C. et MARÉCHAL C., « Ulysse Capitaine, renaissance de la bibliothèque patrimoniale de Liège », dans Art & métiers du livre, no 284, mai/juin 2011.

 

Margaux Blétard

Université catholique de Louvain

Casimir François Ulysse Capitaine

Capitaine Casimir François Ulysse est un homme de lettres, numismate, journaliste, homme politique et industriel né le 24 décembre 1828 à Liège[1]. Fils de de Balthasar-Félix Capitaine, avocat, homme politique et industriel, et de Catherine-Élisabeth Scronx, il est issu d’une famille aisée d’origine luxembourgeoise. Après des humanités au Collège municipal de Liège, il poursuit des études de 1845 à 1848 à Paris où il entre à l’École centrale en 1846 avant de suivre des cours au Collège de France.

Il retourne ensuite à Liège où il publie en 1849 une biographie sur le journaliste Henri Delloye.

Il forme également son esprit à travers de nombreux voyages. En octobre 1850, il obtient une bourse du gouvernement libéral et part pour les Amériques. Il se rend alors à La Havane où il attrape la fièvre jaune qui l’oblige à rentrer[2]. Par la suite, il reprendra la route pour se rendre à Canne, Nice, San Remo, Pau, en Castille et à Rome.

De retour en Belgique en janvier 1851, il épouse en mai de la même année Mélanie-Hortense-Eugénie Pirlot, avec qui il aura 3 enfants : Alice, Cécile et Lucile.

Il continue dès lors ses recherches bibliographiques. Il sort une notice sur Hyacinthe Fabry. Son Nécrologue Liégeois parait entre 1852 et 1864. Il collabore à la Biographie nationale et publie une bibliographie liégeoise dans le Bulletin du Bibliophile belge en 1852. Il étudie aussi la langue et la littérature wallonnes, avec par exemple son Quelques Mots sur les premières inscriptions liégeoises écrites en langue romane, édité en 1860.

En plus de travaux sur la presse dont Recherches historiques et bibliographiques sur les journaux et les écrits périodiques liégeois publiés en 1850, Ulysse Capitaine écrit dans de nombreux quotidiens, dont La Meuse, quotidien fondé par son père, et Le Travail. Il y prône une position libérale, qu’il soutient également plus tard en tant qu'homme politique notamment avec sa fonction de conseiller provincial en 1870. Son opinion sur le journalisme est double. Défenseur de la liberté de la presse, il critique ceux qu’il estime être ses détracteurs comme le pouvoir ecclésiastique. A contrario, dans ses études bibliographiques, il dénonce le manque d’intérêt de la presse, « trop absorbée par les disputes du jour »[3] pour la mémoire des grands hommes. Ce reproche s’inscrit dans le débat traditionnel entre le journalisme et l’histoire.

Ulysse Capitaine intègre de nombres sociétés savantes. Avec son père, il fut un des créateurs de l’Institut archéologique liégeois. Il publie dès lors régulièrement dans le Bulletin de l’Institut archéologique liégeois jusque 1863. Secrétaire de la Société libre d’Émulation, il collabore avec l’archiviste Mathieu-Lambert Polain pour la rédaction d’un annuaire jusqu’en 1867. Il est le bibliothécaire et l’archiviste de la Société liégeoise de littérature wallonne dont il a participé à la fondation en 1856. Il est par ailleurs également membre de la Commission provinciale de statistique (1853), membre de la Commission administrative de l’Institut des Sourds-Muets et des Aveugles (1854), de la Commission administrative du Conservatoire de musique de Liège, du bureau du Comité liégeois pour la réforme douanière (1856), de la Commission royale des monuments (1861), de la Commission chargée de recueillir dans les archives de l’hôtel de ville de Liège les documents historiques (1862), du Comité liégeois de la caisse centrale des artistes belges (1863).

De plus, ses fonctions d’industriel lui permettent d’être nommé président de la Chambre de commerce de Liège de 1848 à 1860, juge titulaire au Tribunal de commerce de Liège en 1861, administrateur du Comptoir d’escompte de la Banque nationale de 1863 à 1871 et vice-président du Conseil supérieur du commerce et de l’industrie de Belgique.

En 1867, Ulysse Capitaine contracte les premiers symptômes d’une pleurésie. Il s’éteint à Rome le 31 mars 1871. Il est inhumé le 18 avril 1871 au cimetière de Robermont à Liège. Ulysse Capitaine laisse une importante collection de livres et de documents qu’il lègue à la Ville de Liège. De cet héritage, il subsiste quelques fonds dont « La Bibliothèque Ulysse Capitaine ». D’abord conservée par l’Université de Liège, puis par la Bibliothèque « Les Chiroux », elle fait actuellement partie des Fonds Patrimoniaux de la Ville de Liège.

 

[1] D’après la notice de la Nouvelle biographie nationale. Sur le site de la BNF, il est indiqué qu’il est né le 28 décembre (https://data.bnf.fr/fr/10429221/ulysse_capitaine/ ; dernière consultation le 5 juillet 2021) et son ami Alphonse Le Roy indique dans sa biographie qu’il est né le 23 décembre (Le Roy Adolphe, Ulysse Capitaine. Sa vie & ses travaux, Liège, 1872, p. 6 ; disponible sur https://books.google.be/books?id=Kas8AQAAIAAJ&hl=fr&pg=PA1#v=onepage&q&f=false ; dernière consultation le 5 juillet 2021).

[2] Il contracta « la fièvre des îles ». Voir Le Roy A., Ulysse Capitaine, sa vie & ses travaux., Liège, J. Desoer, 1872, p. 33-35.

[3] Capitaine Ulysse, Le Nécrologue liégeois. Volume 1, Liège, 1852, p. 6.

Feuille pliée en deux.

Longueur : 412 mm

Hauteur : 276 mm

Cote : 17986/597

 

Margaux Blétard

Université catholique de Louvain