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Lettre à Adolphe Quetelet, 25 juin 1865

Paris 25 juin 1865

Monsieur,

L’Académie royale des Sciences, des Lettres et des Beaux-arts de Belgique a bien voulu m’élire l’un de ses membres associés. Je suis fort touché de cet honneur ainsi que de l’empressement que vous avez mis à m’en transmettre la nouvelle. J’espère me montrer toujours digne de l’estime des hommes éclairés en continuant à consacrer ma vie au triomphe des saines doctrines littéraires sociales et politiques qui sont l’honneur de l’Europe civilisée.
Veuillez, je vous prie, Monsieur, être l’interprète de ma gratitude auprès de vos honorables confrères, et recevoir pour vous, avec mes remerciements, l’assurance de ma considération la plus distinguée.

 

Adolphe Thiers.


[Bas de la première page]
A Monsieur Quetelet, Secrétaire perpétuel de l’Académie royale de Belgique.

Adolphe Thiers fut élu membre associé de notre institution lors de la réunion de la Classe des Lettres et des Sciences morales et politiques du 10 mai 1865. Il fallait en effet pourvoir au remplacement de trois associés décédés. Pour la première place, Thiers obtint neuf voix contre huit pour son plus proche poursuivant, Léon Rénier1. Toutefois, avec vingt votants, Thiers n’avait pas la majorité et un second scrutin fut donc organisé. Renier l’emporta avec dix voix contre neuf pour Thiers. Pour la deuxième place, il obtint moins encore, deux voix au premier tour et une seule au second (sur vingt et vingt et un votants). Thiers obtint enfin la troisième place avec onze voix en sa faveur pour vingt et un votants2. Thiers fut donc élu de justesse mais il est difficile de savoir les motivations des votants (pour ou contre) surtout quand le vote est secret3 : est-ce bien l’auteur de l’Histoire du Consulat et de l’Empire que l’on a voulu distinguer ? Ou une autre raison a-t-elle forcé le destin ? Les archives de notre institution (y compris la correspondance des personnes ayant voté le 10 mai 1865) ne permettent pas de nous prononcer.
Thiers ne fréquenta jamais les séances de notre Académie et ne conçut rien pour elle. Il faut dire qu’il avait repris la vie politique deux ans auparavant, activité pour le moins chronophage comme chacun sait. De plus, la quête du pouvoir restait sa passion première, loin devant toute autre activité. Membre de l’Académie française, il fut d’ailleurs peu assidu aux séances, bien qu’il en suivit les batailles politico-littéraires entourant souvent l’élection de nouveaux membres4.


1 Né à Charleville le 2 mai 1809, décédé à Paris le 11 juin 1885. Archéologue français, membre de l’Académie des inscriptions et belles-Lettres, professeur au Collège de France. (BITARD A., Dictionnaire général de biographie contemporaine française et étrangère: contenant les noms et pseudonymes de tous les personnages célèbres du temps présent, Paris, 1878, p. 102).
2 Archives de l’Académie royale de Belgique, dossier n° 9339.
3 Pour cette période, nous ne disposons malheureusement pas des dossiers d’élection de la Classe des Lettres.
4 VALANCE G., Thiers. Bourgeois et révolutionnaire, Paris, Flammarion, 2007, p. 270, 274, 275.

Correspondances : M. Thiers à Mme Thiers et à Mme Dosne, Mme Dosne à M. Thiers 1841-1865, Paris, 1904, 543 p.

DE LANZAC DE LABORIE L., Correspondances du siècle dernier: un projet de mariage du duc d'Orléans (1836), Lettres de Léopold 1er de Belgique à Adolphe Thiers (1836-1864), Paris, Beauchesne, 1918, 344 p.

DESCAVES P., Monsieur Thiers, s.l., 1961, 124 p. (coll. Meneurs d’hommes, vol. 11).

DREYFUS R., Monsieur Thiers, Paris, Grasset, 1928, 356 p.

DREYFUS R., La république de Monsieur Thiers, Paris, Gallimard, 1930, 355 p.

DUC DE CASTRIES, Monsieur Thiers, Paris, Librairie Académique de Perrin, 1983, 477 p.

GUIRAL P., Adolphe Thiers, Paris, Fayard, 1986, 622 p.

JUSTE T., Monsieur Thiers, Verviers, s.d., 119 p.

MALO H., Thiers, 1797-1877, Paris, Payot, 1932, 597 p. (coll. Bibliothèque historique).

MARQUANT R., Thiers et le baron Cotta: étude sur la collaboration de Thiers à la Gazette d'Augsburg, Paris, Presses universitaires de France, 1959, 539 p.

POMARET C., Monsieur Thiers et son siècle, Paris, Gallimard, 1948, 442 p. (coll. La suite des temps, 19).

RECLUS M., Monsieur Thiers, Paris, Plon, 1929, 341 p. (coll. Le roman des grandes existences, 26).

VALANCE G., Thiers. Bourgeois et révolutionnaire, Paris, Flammarion, 2007, 447 p. (coll. Grandes biographies).

Adolphe Thiers

Né à Marseille le 16 avril 1797, décédé à Paris le 3 septembre 1877. Adolphe Thiers vit le jour à Marseille en 1797 dans une famille de condition modeste. Son père, Pierre-Louis, dirigeait une petite maison de commerce. Sa mère, Marie Magdeleine Amie, cousine d’André et de Marie Joseph Chénier, appartenait à une famille de négociants tombée dans la pauvreté. Après la mort de son mari, elle obtint une bourse au lycée impérial de Marseille pour son fils. Le jeune Adolphe s’y distingua par son intelligence. En 1815, ce dernier partit pour Aix où il rejoignit les rangs de l’école de droit. Quatre ans plus tard, il prit part à un concours de l’Académie d’Aix consistant en un éloge de Vauvenargues et remporta le prix.
En 1821, il quitta le barreau d’Aix et s’installa à Paris. Il chercha appui auprès des chefs du parti libéral. Il rencontra Laffite, La Fayette, Talleyrand et surtout Étienne, rédacteur en chef du Constitutionnel, journal de la bourgeoisie libérale. Thiers y débuta le 30 novembre 1821 et s’y distingua rapidement par son audace. Son activité journalistique lui laissait toutefois du temps libre et il conçut le projet d’une histoire de la Révolution française s’appuyant sur les témoignages des derniers survivants de cette période. Les deux premiers volumes parurent en 1823, le dixième en 1827. N’ayant pas été suivi par ses collègues du Constitutionnel dans son désir de combattre les ultras, il fonda le National avec François Auguste Mignet et Armand Carrel. Il combattit les fameuses ordonnances de juillet de 1830 et fut menacé d’être arrêté. Quand Paris se souleva, il prit position en faveur du duc d’Orléans qui devint roi des Français peu de temps après. Cela valut à Thiers d’être nommé dès le 12 août conseiller d’État, attaché à la commission des Finances et adjoint du ministre des Finances. Par la suite, il devint député des Bouches-du-Rhône, ministre de l’Intérieur du cabinet Soult, puis ministre de l’Agriculture et du Commerce avant de reprendre à nouveau l’Intérieur. Il veilla à la répression des émeutes républicaines d’avril 1835. L’année suivante, il devint pour la première fois président du Conseil et ministre des Affaires étrangères. Il s’opposa au roi sur la politique envers l’Espagne et dut par conséquent démissionner. En 1840, il retrouva la présidence du Conseil et les Affaires étrangères. Il veilla à maintenir l’entente cordiale avec l’Angleterre bien que la crise égyptienne l’opposa à Lord Palmerston et à la diplomatie des grandes puissances européennes, notamment l’Allemagne. En conséquent, le roi le désavoua et Thiers présenta sa démission.
Quoiqu’orléaniste, la révolution de février 1848 ne l’écarta pas de la politique. Il appuya Louis-Napoléon pour la présidence, surtout parce qu’il pensait que son élection était inéluctable. Il acceptait la république à condition toutefois qu’elle fût conservatrice et pourvoyeuse d’un poste intéressant pour lui. Le coup d’État du 2 décembre 1851 le poussa à l’exil, d’abord en Belgique puis en Angleterre. De retour en France en 1852, il rédigea sa monumentale Histoire du Consulat et de l’Empire dont le succès fut considérable. Napoléon III le désigna comme « Historien national » en 1857 et l’Académie (dont il était membre depuis 1834) lui attribua le prix biennal en 1862.
Toutefois, la passion politique l’habitait toujours : il se présenta aux élections de 1863. Battu à Aix mais élu à Paris, il devint une figure importante de l’opposition. Protectionniste, il dénonça le traité de janvier 1860. Il mit en garde contre l’unité italienne et, surtout, l’unification allemande. En 1870, il s’opposa en vain à la guerre entre la France et la Prusse. Suite à la défaite française, le gouvernement de Défense nationale lui demanda de faire la tournée des capitales européennes pour enrayer l’isolement diplomatique de la France. Le 17 février 1871, l’Assemblée nationale le nomma chef du pouvoir exécutif (elle le nommera président de la République le 31 août 1871) et le chargea des négociations avec Bismarck. Toutefois, Paris n’avait toujours pas capitulé : Thiers se heurtait à la Commune qui ne reconnaissait pas l’Assemblée nationale et - surtout - était demandeuse de réformes sociales ambitieuses. C’en était trop pour le conservateur Thiers : il organisa le siège de Paris et la répression impitoyable qui suivit. Thiers s’assura ensuite du paiement de l’indemnité de guerre exigée par l’Allemagne pour libérer le territoire. Pragmatique, il se montrait de plus en plus républicain, ce qui lui valut l’animosité de l’Assemblée nationale où le courant monarchiste était majoritaire, quoique divisé. L’assemblée obtint sa démission le 24 mai 1873. Ses obsèques grandioses furent suivies par un million de personnes dans les rues de Paris.

Support : une feuille de papier

Hauteur : 211 mm
Largeur : 268 mm

Cote : 11972