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Lettre à Adolphe Quetelet, 30 janvier 1826

                                                                                                                       Institut de France


                                                                                                              Académie Royale des Sciences


 

                                                                                                                                                                                                                                      Paris, le 30 janvier 1826



Le Secrétaire perpétuel de l’académie.

A Monsieur Quetelet Membre de l’académie royale de Bruxelles &c


L’Académie, Monsieur, a reçu l’ouvrage que vous avez bien voulu lui adresser et qui est intitulé : Mémoire sur les lois des naissances et de la mortalité à Bruxelles, in 4°.

J’ai l’honneur de vous remercier, au nom de l’Académie, de l’envoi de cet ouvrage, et de vous témoigner tout le prix qu’elle attache à cette publication. L’ouvrage a été déposé dans la bibliothèque de l’Institut, et l’académie a chargé un de ses membres de lui en faire un rapport verbal.

Conformément à votre demande, j’ai fait remettre chez l’ambassadeur des Pays-Bas, Monsieur le Baron Fagel, le tome IV de nos mémoires et le tome 7 de ceux de l’académie Royale des Inscriptions et Belles Lettres.

J’ai l’honneur de vous prier, Monsieur, d’agréer l’assurance de ma haute considération.

Baron Georges Cuvier

Le mémoire remis par Adolphe Quetelet à Georges Cuvier fut le premier ouvrage de statistique et de démographie conçu par cet auteur1. Celui-ci avait rédigé ce mémoire au retour de son séjour à Paris en 1823. Il s’était rendu dans la capitale française pour préparer un rapport sur la nécessité de construire un observatoire à Bruxelles et rencontra à cette occasion plusieurs statisticiens (Villermé, Fourrier, etc.) qui lui montrèrent l’intérêt de faire des études statistiques des populations2. Le Mémoire sur les lois des naissances et de la mortalité à Bruxelles fut lu en séance de l’Académie royale des Sciences et Belles-Lettres de Bruxelles3 le 4 juin 1825 et il fut décidé le même jour d’imprimer cet ouvrage dans le tome 3 des Nouveaux mémoires de l’Académie royale des Sciences et Belles - Lettres4. Influencé certes par des statisticiens français, Quetelet avait également conçu cet ouvrage pour favoriser le système des assurances sur la vie : « L’introduction de sociétés d’assurances sur la vie, dans nos provinces, et le désir de voir se consolider parmi nous ces établissements qui peuvent devenir si utiles quand ils sont dirigés dans de louables intentions, nous ont porté à faire des recherches sur les lois de la mortalité et à examiner en même temps ce qui concerne les lois des naissances »5. On y trouve des tables de mortalité et de population, avec la distinction des sexes : Quetelet indique l’emploi que l’on pouvait en faire dans les spéculations des assurances6.
L’Académie royale des Sciences acta la réception du mémoire de Quetelet dans son procès-verbal de la séance du 23 janvier 18267. Dans les archives de cette institution, il n’y a aucune trace du résumé verbal mentionné dans l’autographe nous intéressant8.
Enfin, pour ce qui est des volumes remis à l’ambassadeur des Pays-Bas9, rien de ce qu’ils contiennent ne semble avoir un rapport avec les recherches de Quetelet. Il est probable que celui-ci ne cherchait qu’à compléter les collections de la bibliothèque de l’Académie alors en voie de reconstitution10.

1 MAILLY É., « Essai sur la vie et les ouvrages de Lambert-Adolphe-Jacques Quetelet, né à Gand le 22 février 1796, mort à Bruxelles le 17 février 1874 », in Annuaire de l’Académie royale des Sciences, des Lettres et des Beaux-Arts de Belgique, Bruxelles, Hayez, 1875, p. 195. WAXWEILER É, « Quetelet (Lambert - Adolphe - Jacques) », in Biographie nationale, Bruxelles, Bruylant-Christophe & Cie, 1905, t. 18, p. 479.
2 Nous remercions vivement Jean-Jacques Droesbeke (https://www.ulb.ac.be/rech/inventaire/chercheurs/7/CH387.html) pour ces informations.
3 C’était alors l’appellation de notre académie. Les deux classes (des Sciences et des Belles-Lettres) tenaient leurs séances ensemble. La Classe des Beaux-Arts fut créée en 1845.
4 Nouveaux mémoires de l’Académie royale des Sciences et Belles - Lettres, Bruxelles, P. J. De Mat, 1826, p. XXXIII. Le Mémoire sur les lois des naissances et de la mortalité à Bruxelles y est repris des pages 493 à 512.
5 Mémoire sur les lois des naissances et de la mortalité à Bruxelles (…), op. cit., p. 496.
6 MAILLY É., « Essai sur la vie et les ouvrages de Lambert-Adolphe-Jacques Quetelet (…) », op.cit., p. 194.
7 Procès-verbaux des séances de l’Académie des Sciences pour la période 1795-1835. Nous remercions Florence Greffe, conservateur en chef du patrimoine (Service des archives) de l’Académie des sciences (Institut de France), pour son aide et sa rapidité.
8 Information fournie par Madame Greffe.
9 Mémoires de l’Académie royale des Sciences de l’Institut de France. Années 1819 et 1820, Paris, De l’imprimerie de Firmin Didot, 1824, tome IV, CCCXLVI-555 p. Histoire et mémoires de l’Institut royal de France, Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, Paris, De l’Imprimerie royale, 1824, tome septième, x-437 p.
10 THOMAS F., COCKSHAW P., « La bibliothèque de l’Académie royale de Belgique », in Bulletin de la Classe des Lettres, 6e série, tome XIV, 1-6, 2003, p. 168-169.

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Georges Cuvier

Georges Cuvier naquit le 23 août 1769 à Montbéliard qui faisait alors partie du duché de Wurtemberg1. Son père, Jean-Georges, était officier dans un régiment suisse au service de la France. Celui-ci enseigna le dessin à son fils qui entra dans une petite école puis au gymnase de sa ville. Il s’intéressa rapidement aux sciences naturelles et lut l’Histoire naturelle de Buffon. Son attrait pour cet auteur fut tel qu’il négligeât l’étude des auteurs latins. Il n’obtint que la troisième place d’un concours pour entrer à l’Université de Tubingue où il devait mener des études de pasteur selon les vœux de ses parents. Il fut présenté au duc Charles de Wurtemberg qui lui offrit une bourse à l’Académie caroline de Stuttgart. Cuvier y resta de mai 1784 à avril 1788. Il y apprit l’allemand ainsi que le droit et continua à se passionner pour l'histoire naturelle. Après son séjour à Stuttgart, il se rendit en Normandie et devint précepteur du fils du comte d’Héricy. Il se livrait à la dissection d’animaux et les comparait aux espèces fossiles. Il fit la connaissance de l’abbé Tessier, ancien membre de l’Académie des Sciences : ce dernier assura la promotion du jeune prodige. C’est en effet grâce à Tessier que Cuvier devint membre de la Commission des arts puis professeur d’histoire naturelle des Écoles centrales en mars 1795. Le mois suivant, il se rendit à Paris. Français depuis 1793 du fait du rattachement du duché de Wurtemberg, il obtint la suppléance de Mertrud au Jardin des plantes . En décembre 1795, il donna son premier cours d’anatomie comparée. Le 13 du même mois, il fut nommé membre résident de la section d’anatomie et zoologie de l’Institut. Il devint secrétaire pour les sciences physiques en 1800 puis Secrétaire perpétuel le 31 janvier 1803. Il enseignait aussi à l’École centrale du Panthéon, au Jardin des plantes et au Collège de France. En 1802, il devint titulaire de la chaire d’anatomie au Muséum d’histoire naturelle et enrichit considérablement les collections de cette institution. La même année, Bonaparte le nomma inspecteur général des études et le chargea de fonder les lycées de Marseille et de Bordeaux. En 1808, il devint conseiller de l’Université impériale : il s’occupa de la rénovation de l’enseignement supérieur de Paris. L’année suivante, il est chargé d’une enquête sur les établissements d’instruction publique dans les départements d’Italie du Nord. En 1811, il reçut une mission identique en Hollande, dans les villes hanséatiques et les nouveaux départements d’Allemagne du sud. Deux ans plus tard, il s’occupa de l’instruction publique à Rome. Lors de son séjour dans la ville éternelle, il apprit sa nomination comme maître des requêtes au Conseil d’État et adjoint au commissaire impérial chargé d’aller prendre à la frontière de l’est les mesures nécessaires pour prévenir l’invasion de l’ennemi. Les évènements l’empêchèrent bien entendu de mener à bien cette mission. La Restauration ne lui fut pas défavorable, bien au contraire. Louis XVIII le désigna Conseiller d’État pour le Comité de l’intérieur et assura la présidence de celui-ci de 1819 jusqu’à sa mort. Il resta aussi Conseiller de l’Université et en devint Chancelier entre 1821 et 1827. Il fut également grand maître de cette institution en 1819 et en 1831 mais n’assura cette charge qu’une année à chaque fois, préférant se consacrer à ses travaux. Il pouvait également lui arriver de décliner une offre comme celle du ministère de l’Intérieur en 1818. La même année, il fit son entrée à l’Académie française et fut créé baron en 1820. Il fut également grand maître des facultés de théologie protestante à partir de 1822 et se vit confié l’administration des cultes non catholiques au sein du ministère de l’Intérieur. Enfin, il fut élevé à la Pairie en novembre 1831, peu de temps avant sa mort survenue brusquement le 13 mai 1832.
Georges Cuvier publia beaucoup mais il serait trop long de détailler ici toutes ses publications. Rappelons les plus importantes. En 1795, il conçut avec Geoffroy Saint-Hilaire un Mémoire sur une nouvelle division des mammifères : ils y exposaient tous les principes généraux de la classification du règne animal. L’année suivante, il présenta son Mémoire sur les espèces d’éléphants vivantes et fossiles, premier de ses travaux sur les fossiles. En 1798 parut un résumé de ses leçons à l’école du Panthéon intitulé : Tableau élémentaire de l’histoire naturelle des animaux. En 1812, il fit publier tous ses mémoires sur les fossiles découverts dans les carrières de Montmartre dans un ouvrage intitulé : Recherches sur les ossements fossiles. Cet ouvrage connut trois éditions dont la dernière fut accompagnée d’une Description géologique des environs de Paris conçue avec Alexandre Brongniart. Ce même ouvrage était précédé d’un discours préliminaire qui, par la suite, prit pour titre : Discours sur la théorie de la terre, puis : Discours sur les révolutions du Globe. Fixiste, Cuvier soutenait la thèse que les espèces fossiles avaient disparu par l’effet de catastrophes subites, chaque couche géologique possédant ses flores et faunes particulières séparées par des périodes de destruction. Fixiste, il était logiquement hostile au transformisme et notamment à Lamarck. Il décéda à Paris le 13 mai 1832.

1 Pour cette biographie, nous nous sommes inspiré principalement de la notice de Y. Chatelain (cf. orientation bibliographique).

Lettre

Support : une feuille de papier, 5 plis, adresse au verso

Hauteur : 249 mm
Largeur : 398 mm

Cote : 17986/762

Portrait

Cuvier.

Lith. de Delpech
Signature de Georges Cuvier en fac-similé

Hauteur 271 mm
Largeur : 178 mm

Cote : 19345/1386