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Lettre à Charles Gosselin, 26 novembre 1832

[Nemours, 26 novembre 1832.]

Mon cher Editeur, vous pouvez aller mercredi soir chez M. Surville qui aura du manuscrit en assez grande quantité pour les Contes drolatiques. La nécessité où je suis de bien surveiller cette impression a changé, pour un moment, mes projets. En faveur de cet ouvrage je resterai du 1er au 16 décembre seulement à Paris. Ainsi faites avec Everat un marché pour que j’aie tous les soirs, à compter de ce jour, 2 feuilles mises en page, dont je puisse donner le bon à tirer nonobstant la mise en placards. Dans cette urgence, j’ai donc envoyé à mon beau-frère 7 contes (les trois autres nécessitant des recherches à Paris dans les bibliothèques) pour commencer aussitôt l’impression.

Maintenant, M. Surville vous parlera de Louis Lambert ; je ne vous répéterai pas ce que je lui ai mandé, mais je vous ajouterai ce que je ne lui ai point dit.

J’ai passé quinze jours et autant de demi-nuits à refondre et corriger Louis Lambert, depuis le jour où j’ai reçu à cet égard une proposition.

Je désire que, durant ma 15ne passée à Paris, nous réimprimions cet ouvrage, à 750 exempl[aires] in-18, sur grand raison vélin, et qu’il soit établi de manière à ce que vous puissiez gagner autant sur ce livre de luxe, que sur le 4e volume des Romans et contes.

Si l’affaire vous souriait, nous pourrions déterminer un plus fort tirage ; mais il faut tenir ce livre à 5 fr. coté, parce que les personnes qui l’achèteront ne regarderont pas à 5 francs. Seulement, il leur faut du luxe pour leur argent.

L[ouis] Lambert détaché, œuvre de mélancolie, ne nuira pas plus à la vente des Romans et contes, que Atala n’a nui au Génie du Christianisme. Il popularisera cette longue entreprise.

Ecrivez-moi promptement oui ou non à ce sujet, car, en cas de négation, je fais une édition à 12 ou 20 exemplaires, pour mes amis.

Le manuscrit est prêt (c’est-à-dire l’exemplaire est corrigé). Il est chez mon beau-frère qui, sur un mot de moi, le donnerait.

J’ai même écrit à Barbier, dans mon impatience, pour savoir s’il serait en mesure, comme neuf de caractère, à faire un in-18 comme celui de l’Ane mort et la femme guillotinée.

Si vous faites l’affaire, nous aurions bien, en 15 jours, le temps de faire graver un portrait et un frontispice. [Louis] Lambert fera six feuilles in-18 ou 7 très largement. Il y a 2 feuilles d’ajoutés.

Dans l’excessif désir qui me possède de me soustraire à tout engagement et dépendance, fussent-ils purement de parole, je crois que si le roman de Boulland paraît en janvier ou février, je ne repartirai pas pour l’Italie sans faire le Privilège ; mais les événements sont si capricieux que je ne sais pas ce que, à cette époque, je serai devenu.

Agréez, mon cher éditeur, mes compliments affectueux, et l’expression de ma considération distinguée

De Balzac.

Je crois que, dans votre intérêt, vous ferez bien de tirer tout votre nombre du 2d volume des [Contes] drolatiques.

J’ai une observation à vous faire sur les conventions de la réimpression de la Peau et sur celle des Contes. Je voudrais employer celle du Ier volume exclusivement aux œuvres que j’ai chez vous, et celle du second à la coordination de celles qui sont chez Mame. J’ai exigé de Mame la réciprocité. Sur les couvertures de mes ouvrages qui sont chez lui, l’une vous sera entièrement consacrée, et l’autre à lui.

[Adresse :] [Cachets postaux :]
Monsieur Ch. Gosselin Nemours, 26 nov. 1832.
Libraire, 9, rue St-Germain des Près [Paris :] 27 nov. 1832.
Paris.


 

L’autographe s’inscrit dans la correspondance de Balzac avec son éditeur Charles Gosselin, dont la librairie se tenait alors au 9, rue Saint-Germain-des-Prés1. Le courrier, daté du 26 novembre 1832, évoque principalement la publication de deux textes : le deuxième dizain des Contes drolatiques et Louis Lambert.

Les Contes drolatiques furent publiés en marge de la Comédie humaine, mais les deux œuvres relevaient d’une conception unique. Le Premier Dizain, volume mis en vente par Gosselin vers le 10 avril 1832, ne rencontra pas un grand succès. Les deux autres dizains ne furent pas mieux accueillis. L’ancien français forgé par Balzac -le romancier tentait de restituer la langue du XVIe siècle- irritait les puristes et lassait les lecteurs pressés. Enfin, le côté leste choquait une partie du lectorat2. Il faut attendre le XXe siècle pour que ces textes retiennent l’attention de la critique. La présentation de Pierre-Georges Castex à l’édition de la Pléiade de 1990 retrace l’évolution de ces travaux3.

Louis Lambert4 aborde un motif récurrent dans l’œuvre de Balzac : la destructrice dépense d’énergie du génie. Ce roman à portée philosophique, très important aux yeux de Balzac en ce qu’il résume ses expériences de jeunesse et ses idées, séduisit cependant peu le public de l’époque. Les recherches de Jean Pommier précisent le parcours de cette œuvre longuement mûrie et remaniée. Enrichie d’une édition à l’autre, elle ne compte pas moins de vingt-deux états successifs5.

Le courrier du 26 novembre 1832 fut rédigé à Nemours, dans la propriété de Madame de Berny, la Bouleaunière6. D’une vingtaine d’années l’aînée de Balzac, Laure de Berny fut sa maîtresse dans les années 18207, et devint ensuite une amie précieuse et fidèle, jusqu’à sa mort8. Balzac lui consacra la dédicace de Louis Lambert « Dilectae dicatum/Et nunc et semper/1822-1832 »9. L’exemplaire corrigé dont il est ici question fut offert à Madame de Berny, et légué par ses descendants à la Bibliothèque Lovenjoul10.

Nicole Felkay consacre à Charles Gosselin un chapitre de son étude des rapports de Balzac avec ses libraires11. Éditeur des grands noms du romantisme, il domina la librairie française de 1820 à 1845. Les deux hommes se connaissaient probablement depuis 1826, et Balzac publia pour la première fois chez Gosselin en 1831. Il s’agit de la première édition de La peau de chagrin, dont l’écrivain signale la réimpression à la fin de la lettre. Les relations qui liaient le romancier à son éditeur se détériorèrent rapidement et prirent fin en août 1834. Lassé par les retards de Balzac, qui repoussait systématiquement la remise de ses manuscrits et corrections, Gosselin rompit leurs relations et contrats, moyennant le rachat des ouvrages qui lui restaient.

Balzac se brouillait effectivement souvent avec ses éditeurs, notamment en raison de sa méthode de travail. Le manuscrit remis ne constituait jamais le texte définitif, mais une première ébauche, sur laquelle il revenait à de nombreuses reprises. La relecture des épreuves ne consistait pas en une simple correction, mais participait au travail de création : les placards correspondaient à de simples brouillons. Il imposait par conséquent aux imprimeurs une mise en page particulière, sur des feuilles grandes et longues, en double format, afin de se ménager, en haut, en bas, à gauche et à droite, huit fois plus de place pour les améliorations. Il refusait également de corriger sur du papier bon marché, et exigeait des placards sur feuilles blanches, moins fatigantes pour les yeux, puisque les lettres s’en détachaient nettement. L’épreuve remaniée, couverte de texte manuscrit en tout sens, demandait ensuite plusieurs heures d’un pénible « décryptage » dans les salles de rédaction. Balzac revoyait ainsi ses textes une petite dizaine de fois, en diminuant progressivement les corrections, avant d’accorder l’imprimatur12.

Le courrier évoque diverses personnes, plus ou moins liées à l’écrivain. Eugène de Surville, époux de Laure Balzac depuis le 18 mai 1820, servait à cette époque d’intermédiaire entre l’écrivain et son éditeur, pour la transmission de documents. Anne-Marie Meininger13 a consacré un article au beau-frère de Balzac, un ingénieur des Ponts et Chaussées14.

La lettre fait aussi référence à Adolphe Everat15, acteur important de l’imprimerie parisienne entre 1828 et 1840. Il exécuta diverses commandes de Gosselin en 1832, dont les contes de Balzac. L’éditeur lui remit le manuscrit du deuxième dizain des Contes drolatiques le 3 décembre 1832.

La lettre signale également un autre imprimeur, André Barbier16, ancien associé de Balzac dans l’achat de l’imprimerie Jean-Joseph Laurens, en 1826. Mais l’entreprise périclita et, en 1828, l’écrivain remit sa démission en faveur de Barbier, qui malgré son énergie, n’échappa pas à divers déboires professionnels17.

Balzac cite rapidement l’éditeur Auguste Boulland, avec lequel il avait traité en 1831 l’édition d’une Monographie de la vertu, jamais écrite18. Le Privilège, dont il est question dans le même paragraphe, resta également à l’état d’ébauche19.

Enfin, le post-scriptum mentionne la collaboration de Balzac et Louis Mame, deuxième fils d’une grande famille d’imprimeurs originaires d’Angers, installé à Paris20. À partir de 1829, Mame se spécialisa, entre autres, en mémoires apocryphes du XVIIIe siècle. Balzac entrait dans le cadre de cette entreprise avec ses Mémoires de Sanson. Les rapports entre l’écrivain et son éditeur étaient excellents en 1832 (ils projetaient la publication du Médecin de campagne), et Mame rendit visite à Balzac à la Bouleaunière le 11 novembre 1832. Mais le romancier tardait à remettre son manuscrit et leurs relations se détériorèrent rapidement.

Suite à ce courrier, Surville se rendit chez Gosselin le 30 novembre 1832. L’éditeur souhaitait tirer le deuxième dizain des Contes drolatiques à mille exemplaires, plus les exemplaires de journaux. Il acceptait également de publier Louis Lambert in-18 sur papier à grand vélin, moyennant quelques conditions en cas de seconde édition21. L’histoire intellectuelle de Louis Lambert fut éditée en janvier 1833, sans frontispice22.


Katherine Rondou
Collaboratrice scientifique à l'Université Libre de Bruxelles
Maître-assistant de langue française à la Haute Ecole Provinciale de Hainaut - Condorcet


1 PIERROT R., Honoré de Balzac, Paris, Fayard, 1994, p.177.
2 Ibid., p.193.
3 Honoré de BALZAC, Œuvres diverses, édition publiée par CASTEX P.-G., Paris, Gallimard, 1990, V.1, p.IX-p.XXIX.
4 Id. « Louis Lambert », dans : La comédie humaine, édition publiée par CASTEX P.-G., Paris, Gallimard, 1976-1981, V.10.
5 POMMIER J., Louis Lambert, les textes, Paris, Corti, 1954.
6 PIERROT R., Honoré de Balzac, op. cit., p.207; VACHON S., Les travaux et les jours d’Honoré de Balzac, Paris, Presses du Centre national de la recherche scientifique, 1992, p.129.
7 HANOTAUX G., La jeunesse de Balzac : Balzac imprimeur, Balzac et Madame de Berny, nouvelle édition augmentée de la correspondance de Balzac et de Madame de Berny, Paris, Ferroud, 1921.
8 ZWEIG S., Balzac, le roman de sa vie, Paris, Le Livre de Poche, 1996 (1946), p.69-87 (traduit de l’allemand par Fernand DELMAS).
9 PIERROT R., Honoré de Balzac, op. cit., p.207-208.
10 Honoré de BALZAC, Correspondance, textes réunis, classés et annotés par PIERROT R., Paris, Garnier, 1862, vol.2, p.180.
11 FELKAY N., Balzac et ses éditeurs, 1822-1837, essai sur la librairie romantique, s.l., Promodis, 1987, p.179-218.
12 ZWEIG S., Balzac, op. cit., p.171-182.
13 MEININGER A.-M., « Eugène Surville, modèle reparaissant dans la Comédie Humaine », in Annales Balzaciennes, vol.3, 1963, p.195-250.
14 PIERROT R., Honoré de Balzac, op. cit., p.82.
15 FELKAY N., « Adolphe Auguste Everat », in FELKAY N., Balzac et ses éditeurs, op cit., p. 285-295.
16 Id., « André Barbier », in Balzac et ses éditeurs, op. cit., p.279-285.
17 MEYER-PETIT J., Balzac, imprimeur et défenseur du livre, catalogue de l’exposition de la Maison de Balzac, octobre 1995-janvier 1996, Paris, Des Cendres, 1995, 236 p.
18 FELKAY N., « Adolphe Auguste Everat », in FELKAY N., Balzac et ses éditeurs, op. cit., p.132.
19 BARDECHE M., Balzac romancier, Bruxelles, Raoul Henry, 1944, p.229.
20 FELKAY N., « Louis Mame (1775-1839 », in FELKAY N., Balzac et ses éditeurs, op. cit., p.139-159.
21 Honoré de BALZAC, Correspondance, op. cit., vol.2, p.179.
22 Ibid., vol. 2, p.180.

Revue, articles et monographies relatifs à Honoré de Balzac

L’année balzacienne
, Garnier, puis Presses Universitaires de France : un volume par an depuis 1960. La revue propose une bibliographie exhaustive, mise à jour, des publications consacrées à l’écrivain.

BARBERIS P., Le monde de Balzac, Paris, Arthaud, 1973, 673 p.

BARDÈCHE M., Balzac romancier, Bruxelles, Raoul Henry, 1944, 390 p.

BAREL-MOISAN C., COULEAU C., Balzac, l’aventure analytique, Saint-Cyr-sur-Loire, Christian Pirot, 2009, 272 p.

BEGUIN A., Balzac lu et relu, Paris, Seuil, 1965, 254 p.

BOLSTER R., Stendhal, Balzac et le féminisme romantique, Paris, Minard, 1970, 228 p. (coll. Bibliothèque de littérature et d’histoire, 12).

BORDERIE R., Balzac, peintre de corps, la Comédie Humaine ou le sens du détail, s.l., SEDES, 2002, 243 p. (Collection du Bicentenaire).

BUI V., La femme, la faute et l'écrivain, la mort féminine dans l'œuvre de Balzac, Paris, Honoré Champion, 2003, 323 p. (coll. Romantisme et modernités).

BUTOR M., « La folie du savoir, Louis Lambert », in BUTOR M., Le Marchand et le Génie, improvisations sur Balzac, Paris, Éditions de la Différence, 1998, vol. 1, p. 397-428.

BUTOR M., Scènes de la vie féminine, improvisations sur Balzac, Paris, Éditions de la Différence, 1998, 3 vol.

COULEAU-MAIXENT C., Balzac, le roman de l’autorité : un discours auctorial entre sérieux et ironie, Paris, Honoré Champion, 2007, 855 p.

DERUELLE A., Balzac et la digression : une nouvelle prose romanesque, Saint-Cyr-sur-Loire, Christian Pirot, 2004, 242 p. (Collection Balzac, 5).

FELKAY N., Balzac et ses éditeurs, 1822-1837, essai sur la librairie romantique, s.l., Promodis, 1987, 381 p. (coll. Histoire du livre, 5).

HANOTAUX G., VICAIRE G., La jeunesse de Balzac : Balzac imprimeur, Balzac et Madame de Berny, nouvelle édition augmentée de la correspondance de Balzac et de Madame de Berny, Paris, Librairie des amateurs, 1921, 468 p.

LABOURET-GRARE M., « Corps et diachronie : variations sur le portrait balzacien », in BAILBE J.-M., Le Portrait, Rouen, Publications de l'Université de Rouen, 1987, p. 85-106.

LOWRIE J. O., The Violent mystique : thematics of retribution and expiation in Balzac, Barbey d'Aurevilly, Bloy and Huysmans, Genève, Droz, 1974, 171 p. (coll. Histoire des idées et critique littéraire, 143).

MEYER-PETIT J., Balzac, imprimeur et défenseur du livre, catalogue de l’exposition de la Maison de Balzac, octobre 1995-janvier 1996, Paris, Des Cendres, 1995, 240 p.

MICHEL A., Le mariage chez Honoré de Balzac, amour et féminisme, Paris, Les Belles Lettres, 1978, 342 p.

PIERROT R., Honoré de Balzac, Paris, Fayard, 1994, 582 p.

POMMIER J., Louis Lambert, les textes, Paris, Corti, 1954, XVIII-256 p.

VACHON S., Les travaux et les jours d’Honoré de Balzac, Paris, Presses du Centre national de la recherche scientifique, 1992, 336 p.

ZWEIG S., Balzac, le roman de sa vie, Paris, Albin Michel, 1950, 472 p. (traduit de l’allemand par DELMAS F.).

Correspondance et œuvres d’Honoré de Balzac

CASTEX P.-G. (éd.), Honoré de Balzac, La comédie humaine, Paris, Gallimard, 1976-1981.

CASTEX P.-G. (éd.), Honoré de Balzac. Œuvres diverses, Paris, Gallimard, 1990, XL-1857 p.

PIERROT R. (éd.), Honoré de Balzac, Correspondance, Paris, Garnier, 1960-1969, 5 t.

PIERROT R., YON H. (éd.), Honoré de Balzac, Correspondance, Paris, Gallimard, 2006, LXVIII-1604 p.

Honoré de Balzac

Honoré de Balzac1 naquit à Tours le 20 mai 1799 de Bernard-François Balzac, alors directeur des Vivres, et d’Anne-Charlotte-Laure Sallambier. La famille s’installa ensuite à Paris, où Balzac entama des études de droit et devint clerc de notaire. Il renonça cependant rapidement à cette carrière : il souhaitait se consacrer à l’écriture. Pendant environ dix ans, il produisit essentiellement des romans commerciaux, sous divers pseudonymes et parfois en collaboration.

Le Dernier Chouan (réintitulé Les Chouans ou la Bretagne en 1799 en 1834), premier roman signé Balzac, constitua sa véritable entrée en littérature. Par la suite, le romancier composa essentiellement des scènes historiques de la France sur le modèle de Walter Scott, mais en s’inspirant d’événements récents. L’œuvre, dont l’action évoquait les derniers soubresauts de la lutte des Chouans contre les républicains, s’inscrivit en définitive dans les Scènes de la vie militaire. Elle cherchait à mettre au jour les racines de l’histoire contemporaine.

Les ouvrages publiés après 1829 furent regroupés, à partir de 1842 (édition Furne), sous l’appellation La comédie humaine, en référence au poème de Dante. Plus d’une centaine d’œuvres constituent en définitive la création balzacienne, brusquement interrompue par la mort prématurée de l’auteur. L’avant-propos de 1842 explique les fondements de l’œuvre : prolonger les travaux de Buffon et consacrer le triomphe de l’évolutionnisme de Saint-Hilaire sur le fixisme de Cuvier, mais en prenant la société contemporaine pour sujet d’étude. Les textes, essentiellement romanesques, comprennent aussi des parties philosophiques et historiques. Ils s’organisent en trois parties (Etudes de mœurs, Etudes philosophiques, Etudes analytiques). Les Etudes de mœurs comportent six sections : les Scènes de la vie privée, les Scènes de la vie de province, les Scènes de la vie parisienne, les Scènes de la vie politique, les Scènes de la vie militaire et les Scènes de la vie de campagne. Le retour de nombreux personnages, d’une publication à l’autre, contribua, dès 1835 (édition du Père Goriot), à l’unification de cette fresque titanesque, l’un des piliers de la littérature française de la première moitié du XIXe siècle.

Refusé à plusieurs reprises à l’Académie française, régulièrement malmené par les critiques littéraires de l’époque, Balzac noua cependant des liens étroits avec de grands noms des Lettres françaises, conscients de son génie, comme George Sand, Théophile Gautier ou Victor Hugo, qui prononça son oraison funèbre.

Balzac mena une existence épuisante, entre son immense travail de création (il rédigea la Comédie humaine en seulement vingt ans), sa vie mondaine, de réguliers voyages en Europe et ses déboires financiers. Loin d’être secondaire, ce dernier aspect influença profondément la rédaction de ses romans. Littéralement obsédé par l’argent, Balzac se lança, sa vie durant, dans des entreprises financières hasardeuses (achat d’une maison d’édition et d’une imprimerie, création de journaux, exploitation de mines en Sardaigne, etc.), qui le criblèrent de dettes. Cette course à l’argent familiarisa le romancier aussi bien avec les domaines où il cherchait à faire fortune (le journalisme, le commerce, etc.), qu’avec la gestion des faillites et le monde des usuriers, sujets bien connus des lecteurs de la Comédie Humaine. Cette débâcle perpétuelle constitua également une pression constante sur sa création artistique : Balzac vendait régulièrement ses œuvres avant leur rédaction.

Nous connaissons à Balzac plusieurs aventures sentimentales, dont la plus célèbre reste sa liaison avec Madame de Hanska. Conscient de la précarité de ses diverses spéculations financières, et légitimiste fasciné par l’aristocratie, le romancier manifesta à plusieurs reprises, dans sa correspondance privée, le souhait d’épouser une riche aristocrate. Il y parvint quelques mois avant sa mort, après une attente de presque vingt ans. En 1832, Balzac noua une relation épistolaire avec une comtesse ukrainienne mariée, Eve de Hanska. La correspondance prit rapidement un ton amoureux, et l’écrivain devint l’amant de Madame de Hanska, du moins à l’occasion de rares rencontres échelonnées sur dix-huit années. Le compte de Hanski mourut en 1842, mais diverses difficultés repoussèrent le mariage au 14 mars 1850. La correspondance suivie de Balzac et Madame de Hanska constitue une très importante source de renseignements sur l’écrivain.

Après son mariage ukrainien, Balzac, déjà très affaibli, regagna Paris avec son épouse. Le romancier souffrait en effet depuis plusieurs mois de graves troubles cardiaques, auxquels il succomba à l’âge de cinquante et un ans. Il fut enterré au Père-Lachaise.

Katherine Rondou
Collaboratrice scientifique à l'Université Libre de Bruxelles
Maître-assistant de langue française à la Haute Ecole Provinciale de Hainaut - Condorcet


1 Pour cette brève biographie, nous nous sommes essentiellement inspirée des travaux de Stefan Zweig et de Roger Pierrot (cf . Orientation bibliographique).

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