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Lettre à Louis-Philippe, 2 novembre 1830

Monsieur mon frère et très-cher oncle :

J’ai eu l’honneur de recevoir la lettre, par laquelle votre majesté a bien voulu me communiquer en date de Paris du 10 septembre dernier, la perte irréparable qu’Elle et sa maison royale viennent d’éprouver par le décès de son très-cher oncle le duc de Bourbon prince de Condé. Votre majesté peut être persuadée que je partage bien sincèrement les sentiments que doivent lui avoir causé un évènement aussi douloureux et je saisis cette occasion pour renouveller à Votre Majesté l’assurance du sincère attachement, ainsi que la très haute considération avec laquelle je suis

Monsieur mon frère et très-cher oncle

Parme ce 2 novembre

1830

De votre majesté

La bonne sœur et nièce
Marie Louise

Nous avons ici affaire à une lettre type s’échangeant entre deux cours souveraines. La duchesse de Parme se devait de répondre au nouveau roi des Français Louis-Philippe lui annonçant la mort du duc de Bourbon et prince de Condé. Peu importe le fond de sa pensée, elle ne pouvait que manifester sa tristesse dans ce courrier et cela d’autant plus que le dernier prince de Condé était un homme très important en France. Sa fortune était en effet une des deux plus importantes du royaume avec celle de Louis-Philippe : il disposait de 80 millions de francs-or et son personnel comprenait pas moins de 650 personnes ! Et ne parlons pas de ses innombrables propriétés foncières…

Marie-Louise ne s’attarde pas sur les causes du décès du prince de Condé1, mystérieux à bien des égards. Dans un premier temps, on a conclu au suicide, le duc de Bourbon ayant été retrouvé pendu à l’espagnolette de sa fenêtre. Cependant, personne n’y croyait : les pieds du défunt touchaient le sol et la corde consistait en deux mouchoirs noués alors que le duc de Bourbon, blessé auparavant sur les champs de bataille, n’avait plus de doigts à la main droite, en plus d’un bras gauche invalide. En outre, il était un jouisseur invétéré et méprisait le suicide comme il l’avait dit à son confesseur peu de temps avant son décès. Cet ecclésiastique déclara d’ailleurs durant les funérailles que le prince de Condé était « innocent de sa mort devant Dieu ». Cette histoire devenait à ce point scandaleuse que les proches du « suicidé » - les Rohan - demandèrent un supplément d’instruction au Parquet de Pontoise qui avait conclu au suicide dans un premier temps. Un procureur fut désigné et mena une enquête durant quatre mois. Il conclut à la culpabilité de la jeune maitresse du prince de Condé, Sophie Dawes, baronne de Feuchères, qui bénéficiait en partie de l’héritage du défunt avec le duc d’Aumale, fils de Louis-Philippe Ier. Cependant, un procureur général fut envoyé de Paris pour intimer l’ordre au procureur de clore l’enquête, pour cause de raison d’État. Ce dernier s’inclina : la thèse du suicide fut officiellement retenue et l’héritage fut partagé entre les bénéficiaires.

On a cru longtemps à la thèse du meurtre par Sophie Dawes au vu de documents retrouvés lors de la chute de la Monarchie de Juillet. En effet, Louis-Philippe Ier et la baronne de Feuchères se connaissaient et s’étaient rendu des services par le passé. Du fait de ses origines très modestes (prostituée ? femme de ménage ?), elle s’était vue exclue de la cour de Charles X. Voulant la réintégrer, elle se tourna vers celui qui était encore le duc d’Orléans à l’époque. En échange de sa réintégration à la cour, ce dernier demanda à la baronne de tout faire pour qu’une partie de l’héritage du prince de Condé soit attribué au duc d’Aumale. Il est probable aussi qu’elle espérait que le duc d’Orléans vienne à son aide si d’aventure les proches du prince de Condé faisait tout pour l’exclure de la succession…Le prince céda au véritable harcèlement de sa maîtresse et signa le testament qu’elle lui proposait. Survint cependant les « Trois Glorieuses » en juillet 1830 : le nouveau roi des Français Louis-Philippe Ier, soucieux de l’héritage de son fils, craignait que le prince de Condé suive Charles X dans son exil et écrivit à Sophie Dawes de tout faire pour le retenir. La baronne fit-elle preuve de trop de zèle en décidant de la mort de son amant, pour ensuite maquiller celle-ci en suicide ? L’historien Pierre Cornu-Gentille ne croit guère à l’hypothèse du crime, pas plus qu’à celle du suicide d’ailleurs. Selon lui, le prince de Condé était bien trop attaché à ses habitudes et à sa maîtresse pour suivre Charles X dans son exil. Il plaide d’avantage pour la thèse d’un jeu érotique par suffocation ayant mal tourné. Certaines personnes avait en effet constaté que le corps du défunt trahissait une manifestation de virilité. En outre, du liquide séminal avait été retrouvé sur sa cuisse… Monsieur Cornu pense également que si Louis-Philippe Ier a fait étouffer l’instruction contre Sophie Dawes, c’est d’avantage parce qu’il craignait le scandale qui ne manquerait pas d’éclater si un procès mettait en lumière ses liens avec une femme rejetée de tous. Il convenait effectivement de tout faire pour ne pas déstabiliser le nouveau régime…

1 Les bibliothèques belges ne contenant pas d’ouvrages relatifs à l’énigme de la mort de prince de Condé, les lignes suivantes sont inspirées par une émission de radio ayant pour invité Pierre Cornu Gentille, dernier historien à s’être intéressé à cette histoire (cf. orientation bibliographique).

Ouvrages et article relatifs à Marie-Louise

CHASTENET G., Marie-Louise, l’Impératrice oubliée, Paris, 1986, 445 p. (Coll. J’ai lu).

FRASER A., Maria Antonietta - La solitudine di una regina, Milan, Mondadori, 2004, 554 p.

GANIÈRE P., « Marie-Louise d’Autriche » in TULARD J. (dir.), Dictionnaire Napoléon, Paris, Fayard, 1987, p. 1139-1142

MASSON F., L’impératrice Marie-Louise, 1809-1815, Paris : Manzi, Joyant et Cie, 1902, 426 p.

MENEVAL, Napoléon et Marie-Louise. Souvenirs historiques, Paris, D’amyot, 1843, 3 vol.

SPINOSA A., Maria Luisa d'Austria - La donna che tradì Napoleone, Milan, Mondadori, 2004, 340 p.

Ouvrages relatifs à la mort du duc de Bourbon, prince de Condé

ANDRÉ L., La Mystérieuse Baronne de Feuchères , Paris, Lagny, Grévin, 1925, X-282 p. (Coll. Enigmes et drames judiciaires d'autrefois).

CORNUT-GENTILLE P., La baronne de Feuchères : 1790-1840 : la mort mystérieuse du duc de Bourbon, Paris, Perrin, 255 p.

CORNUT-GENTILLE P., « L’énigme de Saint Leu », émission du 27 mars 2012 de Au cœur de l’histoire de Franck Ferrand (Europe 1) : cliquez ici

LANE J., Sophie Dawes, Queen of Chantilly, London, J. Lane, 1912, XVI-304 p.

Marie-Louise d'Autriche

Né à Vienne le 12 décembre 1791, décédé à Parme le 17 décembre 1847. Marie-Louise d’Autriche était la fille de l’archiduc François de Habsbourg-Lorraine (fils de l’empereur Léopold II) et de Marie-Thérèse de Bourbon-Sicile, fille du roi Ferdinand IX et de la reine Marie-Caroline de Naples1. Une ascendance pour le moins prestigieuse et dont l’aura augmenta encore trois mois après sa naissance, le jour de la mort de l’empereur Léopold II : son père accéda alors au trône impérial. Cinquante jours plus tard, la France déclara la guerre à l’Autriche. Ce conflit dura pas moins de 23 ans, entrecoupée de quelques trêves. C’est peu dire que la jeune Marie-Louise fut élevée dans la détestation de la France. L’exécution de sa grande tante Marie-Antoinette n’arrangera rien. Dès son plus jeune âge, elle souffrait des défaites imposées aux troupes de son père et sa haine empira encore quand la famille royale dut s’enfuir de Vienne en 1805 suite à l’entrée de Napoléon dans la capitale autrichienne. Au cours de ce court exode en Hongrie, elle logeait dans des auberges remplies de punaises qu’elle ne manquait pas de baptiser les « Napoléons » !

Son père n’en subissait pas moins la domination du conquérant français : le Saint Empire Romain germanique fut dissous par ce dernier et, de ce fait, François II devint François Ier d’Autriche qui n’était plus dorénavant que l’empereur héréditaire d’Autriche. Profitant de l’enlisement de l’armée française en Espagne, il passa à l’offensive en avril 1809. Marie-Louise ne doutait pas des victoires de son père qu’elle adorait. En vain : les troupes autrichiennes furent défaites peu de temps après. Comme en 1805, Marie-Louise et toute sa famille durent fuir devant l’avancée des Français qui entrèrent à nouveau dans Vienne .

Avant son retour dans la capitale autrichienne, elle fut assaillie d’inquiétudes. Dans les cours européennes, tout le monde savait que Napoléon désirait répudier sa femme Joséphine pour pouvoir se remarier et assurer l’avenir de sa dynastie. Sur une liste de dix-huit noms, sa préférence se porta sur la grande-duchesse Anne de Russie et Marie-Louise. Les négociations trainèrent avec le tsar. Las des tergiversations du tsar, l’empereur se tourna alors vers la cour d’Autriche, plus souple vis-à-vis des Français sous l’influence du nouveau chancelier Metternich. Celui-ci pensait effectivement qu’il fallait endormir la méfiance de Napoléon en attendant l’aubaine d’une entreprise trop périlleuse du souverain français. À cet effet, il fit savoir à Napoléon que François Ier était disposé à lui accorder la main de sa fille. La princesse vivait alors dans l’épouvante : son père adoré allait-elle faire d’elle l’épouse d’un « monstre », d’un « ogre », de l’« antéchrist » même ? La raison d’État étant bien souvent plus forte que ce genre de considérations, l’entourage de la princesse s’efforça de briser les résistances de la princesse en lui faisant miroiter les multiples avantages d’un statut d’impératrice. Personnalité faible, elle finit par céder en pensant au rôle à jouer sur la scène politique en faveur de son « cher papa ».

Dès lors, les négociations autour du mariage avec un personnage hier honnis se déroulèrent très rapidement. Le 11 mars 1810, elle fut unie à Napoléon dans la chapelle des Augustins proche du Palais. Elle quitta Vienne deux jours plus tard pour rejoindre son époux. Impatient, ce dernier vint à sa rencontre et la rencontra dans les environs de Soisson. Il fut vivement séduit par sa nouvelle épouse et le mariage civil fut célébré le 1er avril au Palais de Saint-Cloud. Cet événement enthousiasma profondément l’empereur : le voici l’égal des rois et lorsqu’il évoquait le souvenir de Louis XVI, il parlait alors de « son malheureux oncle ». De plus, cet homme vieillissant se découvrit une nouvelle jeunesse avec cette épouse douce et ardente dans l’intimité.

Bien vite, elle tomba enceinte et donna à son époux un garçon le 19 mars 1811. Mais l’accouchement du roi de Rome fut difficile et les médecins conseillèrent aux époux de renoncer à d’autres enfants. Le plus important était cependant que la dynastie pouvait compter sur une descendance et, dès lors, Napoléon se désintéressa quelque peu de son épouse.

En 1813, après le désastre de Russie, l’empereur partit combattre les Alliés en Allemagne et confia la régence à l’impératrice afin d’assurer l’accession au trône du roi de Rome en cas de malheur. Quand les troupes ennemies furent aux portes de Paris, Marie-Louise réunit le conseil de régence. Elle pensait rester afin de galvaniser la résistance et ainsi sauver peut-être le régime impérial. Son Beau-frère, le roi Joseph, lui conseilla de partir. Elle l’écouta : la cour prit la route et s’installa à Blois. L’impératrice y apprit l’entrée des Alliées à Paris, la défaite et l’abdication de Napoléon. Elle lui écrivit plusieurs lettres pour l’assurer qu’elle le suivrait dans son exil, ce à quoi Napoléon répondit en lui demandant d’amadouer son père pour adoucir leur sort. Elle rencontra son géniteur à Rambouillet : il lui conseilla de rentrer à Vienne se reposer quelque peu pour suivre ensuite Napoléon à l’île d’Elbe si tel était toujours son désir. En réalité, il n’était pas question pour François 1er de respecter cet engagement d’une quelconque manière. Il n’hésita d’ailleurs pas à prendre son fils en otage pour être certain de l’impossibilité de la fuite de sa mère. Il la fit même surveiller par un chevalier d’honneur, le comte de Neipperg, dont elle finit par tomber amoureuse. Dès lors, rejoindre l’île d’Elbe était hautement improbable. Son entourage n’eut aucun mal à la convaincre que son mariage était entaché de nullité puisque non reconnu par le pape. La marche triomphale de l’empereur vers Paris l’inquiéta et elle accueillit la défaite de Waterloo avec soulagement.

Le Congrès de Vienne fit d’elle une duchesse de Parme où elle se rendit avec Neipperg qui s’y révéla un bon administrateur. Elle se maria avec ce dernier et connut quelques années paisibles avant la mort de son mari en 1829. Les deuils se suivirent durant les années suivantes : le roi de Rome, devenu duc de Reichstadt suite au Congrès de Vienne, succomba en 1832, terrassé par la tuberculose. Son père trépassa également en 1835. Ne pouvant supporter la solitude, elle épousa secrètement son maître de cérémonies, le comte de Bombelles, avant de mourir en 1847.



1 Ce texte est inspiré par la notice biographique de Paul Ganière (cf. orientation bibliographique). 

Lettre

Support : une feuille de papier, un pli

Hauteur : 258 mm
Largeur : 409 mm

Cote : 19346/3073

Portrait

Marie Louise
, Lith. de Delpech (avec une signature autographe

Support : une feuille de papier

Cote : 19346/3073