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Lettre à Marc de Selys Longchamps, 3 mars 1937

3 mars 37

[Cachet de l’Académie royale de Belgique reprenant la date de la réception de la lettre, soit le 5 mars 1937]

Monsieur le Secrétaire perpétuel et cher confrère

Votre lettre du 20 février m’a rempli de confusion. Il y a longtemps, en effet, que je suis redevable à l’Académie d’une notice biographique sur Hector Denis et, aussi, sur Guillaume Degreef. Je vais m’y mettre et espère bien avant peu, vous remettre tout au moins un des deux papiers. Croyez moi tout vôtre.

E. Vandevelde

Monsieur de Selys Longchamp. Secrétaire perpétuel de l’Académie

Selon les archives de l’Académie consacrées à Émile Vandervelde, le projet d’une notice biographique consacrée à Hector Denis remonte au mois de novembre 19241, soit plus de dix ans après la mort de ce dernier. Bien entendu, la grande guerre était passée par là mais il faudra encore attendre la sortie de l’annuaire de l’Académie de 1938 pour y lire le texte d’Émile Vandervelde. On comprend mieux dès lors sa « confusion » et les remords relatifs à ce grand retard dont il fait part au début de son texte2. Il n’eut cependant pas le temps de se consacrer au parcours de Guillaume De Greef. Il est à remarquer toutefois que Vandervelde ne prend pas prétexte de sa vie politique trépidante pour justifier son retard. Et si en date du 3 mars 1937, il était depuis peu ministre démissionnaire du gouvernement Van Zeeland II pour ses positions en faveur des démocrates espagnols, il ne faut pas en conclure que le socialiste avait plus de temps libre à consacrer à ses travaux académiques. En effet, il se consacra avec vigueur à la défense de la cause espagnole, souvent à contre-courant d’autres socialistes belges de renom3.

Quoiqu’il en soit, il ne relève pas du hasard qu’Émile Vandervelde ait été intéressé par ses deux confrères décédés. Les points communs entre les trois hommes ne manquent pas : situés à gauche de l’échiquier politique4, sociologues, professeurs de l’Université libre de Bruxelles et, bien entendu, membres de l’Académie royale de Belgique. En outre, leurs chemins se croisèrent plusieurs fois et notamment au sein de l’Institut des Sciences sociales (fondé par Ernest Solvay en 1894 et remplacé en 1902 par l’Institut de Sociologie) que les trois hommes dirigèrent conjointement de 1897 à 19025. Émile Vandervelde n’évoque que très succinctement cet épisode dans sa notice biographique mais se montre plus prolixe quant à ses relations avec Hector Denis en qui, écrivit-il, il voyait davantage un maître qu’un collègue6.


1 Lettre de Claire Baril au Secrétaire perpétuel XXXX, 20 novembre 1924, in Archives de l’Académie royale de Belgique, n° 11651.

2 Lien ici, p. 1.

3 POLASKY J., Emile Vandervelde, le patron, s.l., Fernand Nathan- Editions Labor, 1995, p. 198-214.

4 Avec de grandes nuances il est vrai, qu’il serait trop long d’énumérer ici. Précisons toutefois que le passage de De Greef dans le monde politique fut anecdotique (lien ici, col. 362), au contraire d’Hector Denis et d’Émile Vandervelde bien entendu.

5 Lien ici, p. 2.

6 Ibidem, p. 2-4.

ABS R., Emile Vandervelde, Bruxelles, 1973, 383 p.

DE BROUCKERE L., JADOT R., PIÉRARD et alii, Émile Vandervelde, L’homme et son œuvre, Bruxelles, L’Églantine, 1928, 285 p.

MESSINE J. et alii, Emile Vandervelde, l’homme et son œuvre, Bruxelles, 1926

MESSINE J., Emile Vandervelde. Ein grosser Belgier, Zurich, Europäische Verlagsanstalt , 1948, 221 p.

MOMMEN A., « De Jonge Vandervelde en Marx », in Socialistische Standpunten, XX, 1973, p. 236-242.

PICARD R., « Émile Vandervelde et ses doctrines économiques », in Revue économique internationale, t. 4, 1939, p. 325-348.

POLASKY J., The democratic socialism of Emile Vandervelde : between reform and revolution, Oxford, Washington D. C. , Berg, 1995, XI-303 p.

POLASKY J., Emile Vandervelde, le patron, s.l., Fernand Nathan- Editions Labor, 1995, 298 p. (Coll. Archives du futur : Histoire, vol. XXXIV. Préface de Philippe Moureaux).

POLASKY J., « Vandervelde, Émile », in Nouvelle Biographie nationale, Bruxelles, Académie royale de Belgique, vol. 1, p. 344-354. Cliquez ici

VAN DEN BERGHE E., Emile Vandervelde ; sa doctrine, son action, Paris, Courtrai, 1928, 197 p.

VANLANGENHOVE F., « Notice sur Émile Vandervelde », in Annuaire de l’Académie royale de Belgique, Bruxelles, Académie royale de Belgique, 1968, t. 134, p. 91-130. Cliquez ici

WAUTERS A., « La Position doctrinale d’Émile Vandervelde », in Revue socialiste, t. 1, 1939, p. 6-10.

Émile Guillaume Vandervelde

Né à Ixelles le 25 janvier 1866, décédé à Bruxelles, le 27 décembre 1938. Émile Vandervelde était le fils d’un membre progressiste du barreau de Bruxelles. Il s’inscrivit en 1881 à l’Université libre de Bruxelles où il mena des études de droit. À la fin de son parcours universitaire, sa pensée se radicalisa progressivement suite à la lecture de Proudhon. En 1885, il quitta les libéraux pour rejoindre la Ligue ouvrière d’Ixelles et le combat pour le suffrage universel en 1886 le lança dans l’action politique. En 1891, il publia sa thèse intitulée : Enquêtes sur les Associations professionnelles d’artisans et d’ouvriers en Belgique. Durant la même décennie, il accrut son influence au sein du Parti Ouvrier Belge où il représentait l’aile gauche. Il entra au parlement en 1894 et y siégea sans discontinuer jusqu’en 1938. Son action politique d’avant-guerre se centra principalement sur le combat en faveur du suffrage universel et contre le pouvoir absolu du roi au Congo. Parallèlement à cette riche carrière politique, la science l’intéressait toujours et il retourna sur les bancs de l’université deux ans après la fin de ses études de droit pour y suivre des cours de biologie et de médecine. Son premier ouvrage parut en 1897 et avait pour titre : L’évolution régressive en biologie et en sociologie. L’année suivante, il écrivit en collaboration avec le botaniste Jean Massart : Le parasitisme organique et le parasitisme social. Par la suite, il publia six études consacrées à une analyse de la crise rurale en Belgique. Toutefois, en tant que socialiste, il se vit dans un premier temps refuser une carrière à l’université. Il participa dès lors à la création de l’Université nouvelle et dirigea aussi l’Institut des Sciences sociales de 1897 à 1902. Plus tard également, il enseigna l’Histoire des doctrines sociales à l’Université libre de Bruxelles.

Lors de la Première Guerre mondiale, il accepta un poste de ministre d’État proposé par le roi Albert II. Il voyagea beaucoup et rencontra force chefs de gouvernements pour coordonner avec eux les efforts militaires et diplomatiques. Surpris par la révolution russe de 1917, il se rendit à Petrograd pour encourager l’effort de guerre russe. Quoique d’abord impressionné par l’esprit démocratique des soviets, il s’éloigna plus tard du modèle russe devant l’évidence d’un durcissement du régime. En 1918, il participa aux rencontres de Lophem avec le Roi pour discuter de la reconstruction du pays. Les leaders socialistes obtinrent ensuite de nombreuses réformes dont le suffrage universel masculin. Vandervelde accepta ensuite de devenir le ministre de la Justice du premier gouvernement de l’entre-deux-guerres. Il défendit et fit triompher divers projets lui tenant à cœur comme la réforme pénitentiaire, la lutte contre l’alcoolisme, les droits syndicaux, la défense des locataires, la protection de l’enfance et les droits de la femme. En 1921, sentant monter l’hostilité des libéraux et des catholiques envers les futures réformes sociales, il quitta le gouvernement avec les autres ministres socialistes. Le Parti ouvrier belge sortit grand vainqueur des élections de 1925 : Vandervelde obtient le maroquin des Affaires étrangères. Le gouvernement Poullet-Vandervelde tomba moins d’un an plus tard au milieu d’une grande crise financière provoquée par l’incapacité du gouvernement à stabiliser la monnaie. Les socialistes acceptèrent d’entrer dans le nouveau cabinet Jaspar pour travailler à la restauration de l’économie belge, avant de rejoindre les rangs de l’opposition. Vandervelde se déclara d’ailleurs hostile à toute participation gouvernementale durant les années suivantes.

Durant les années 30, son statut de « patron » du Parti ouvrier belge fut remis en question par la montée d’une nouvelle génération de jeunes socialistes comme Henri De Man et Paul-Henri Spaak pour les plus connus. En 1935, sollicité par Léopold III, il accepta de former un nouveau gouvernement mais échoua à mettre sur pied une coalition de gauche. Il fut nommé ensuite ministre de la Santé publique du cabinet Van Zeeland. Du fait de son intérêt pour les questions internationales durant les vingt dernières années de sa vie, Vandervelde était davantage intéressé par les Affaires étrangères à la tête desquelles on trouvait alors Paul-Henri Spaak. C’est d’ailleurs le contexte international qui provoqua la véritable scission entre les deux générations de socialistes et, pour être plus précis, la guerre civile en Espagne. De Man et Spaak soutenaient en effet la neutralité du gouvernement belge tandis que Vandervelde plaidait pour une aide dans le combat contre le fascisme. Il démissionna d’ailleurs du gouvernement et attaqua ensuite le « socialisme national » de De Man et Spaak. Entreprise vaine : au congrès du parti en 1938, on vota en faveur de la politique des deux adversaires de Vandervelde. Au début de la même année, il se rendit en Espagne à l’invitation du gouvernement républicain et y parcourut le théâtre des opérations militaires. Il rentra très fatigué de ce voyage et s’éteignit quelques mois plus tard.

Lettre

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