Lettre à Edmond Marchal, 15 juin 1911

                                                                                                                                                                                                                                                                                        Saint-Pétersbourg 15 juin 1911

 

Monsieur,


Je vous prie de bien vouloir transmettre l’expression de ma gratitude profonde à la Classe des Sciences de l’Académie royale de Belgique pour l’honneur à moi fait de la nomination à l’associé de l’académie.

Veuillez, Monsieur, agréer mes remerciements les plus sincères et l’expression de ma plus haute considération.

 

Ivan Pavlov


Mon adresse de correspondance : Russie, Saint-Pétersbourg, Wedenskaÿa rue 4

À Monsieur le chevalier Edmond Marchal, le Secrétaire perpétuel de l’Académie royale de Belgique

Dans cette lettre au français incertain, Pavlov1 remercie la Classe des Sciences pour sa nomination en tant qu’associé. Sa célérité est remarquable puisqu’il réagit quatre jours après son élection. Il remplaçait Eduard Friedrich Wilhelm Pflüger, physiologiste allemand décédé le 17 mars 1910. Pavlov avait eu pour adversaire un autre physiologiste allemand en la personne de Paul Ehrlich, également prix Nobel de physiologie et médecine de 1908 : Ehrlich avait en son temps contribué à la naissance ou au développement de nombreuses disciplines biologiques telles que l’hématologie, l’immunologie, la pharmacologie, la cancérologie et surtout la chimiothérapie dont on peut considérer qu’il en est le père2. Un adversaire de qualité assurément mais qui récolta peu de voix lors du vote du comité secret de la Classe des Sciences : sur vingt-deux votants, trois seulement portèrent leurs choix sur l’allemand tandis que les dix-neuf autres votèrent pour le russe3. Le dossier personnel de Pavlov contient peu d’autres lettres de Pavlov (deux pour être tout à fait précis), d’un intérêt faible. Du reste, le russe n’a participé à aucun des travaux de l’académie et n’a pas rendu un seul ouvrage pour les publications de l’académie.


1 Pawlow ici mais nous possédons une lettre du 23 novembre 1933 où le nom Pavlov est utilisé. Nous ignorons au juste quand ce dernier s’est imposé (Archives de l’Académie royale de Belgique, n° 8339).

2 Encyclopaedia Universalis, thesaurus, vol. 2 p. 1178.

3 Archives de l’Académie royale de Belgique, n° 3938.

ASRATIAN E I., Pavlov, sa vie & son œuvre, Moscou, Éditions de l'Académie des Sciences de l'U.R.S.S., Éditions en langues étrangères, 1953, 174 p.

CUNY H.(éd.), Ivan Pavlov, Paris, Éditions Seghers, 223 p. (Coll. Savants du monde entier).

DONTCHEF-DEZEUZE M., L’image et les réflexes conditionnels dans les travaux de Pavlov, Paris, Librairie Félix Alcan, 1914, 174 p. (coll. Bibliothèque de philosophie contemporaine ; préface de M. G. Bohn).

GIURGEA C.E., BRONCHART M., L’héritage de Pavlov un demi-siècle après sa mort, Bruxelles, Pierre Mardaga Éditeur, 1986, 256 p. (Coll. Psychologie et sciences humaines).

GRAY J.A., Pavlov, Fontana Paperbacks, 1979, 240 p.

RICHARD J.-F., "Pavlov (Ivan Petrovitch) 1849-1936", in Encyclopaedia universalis, Corpus, Paris, Encyclopaedia universalis, 1996, vol. 17, p. 652-654.

SOKOLJNIKOV M.P., Ivan Pavlov, s.l., Ogiz, 1937, 104 p.

WYMER N., Ivan Petrovich Pavlov, s.l., Oxford University Press, s.d., 32 p. (coll. Lives of great men & women. Series IV. Medical scientists and doctors, 5).

Ivan Petrovitch Pavlov

Ivan Petrovitch Pavlov naquit dans un milieu modeste : son père était à l’époque un jeune prêtre pauvre qui eut toute les difficultés à nourrir sa famille de six enfants dont Ivan était l’aîné1. Celui-ci fut initié à la lecture par son père mais aussi aux indispensables travaux de jardinage pour nourrir la famille. Du fait d’un incident domestique à l’âge de huit ans (il était tombé d’une balustrade), il eut de graves problèmes de santé. Son parrain, abbé de son état, le prit en charge pour le soigner au sein de son monastère. Il ne fit pas que s’occuper de la santé de son filleul : il l’encouragea à d’innombrables lectures. Le jeune Ivan rejoignit le petit séminaire de Ryazan à l’âge de 11 ans puis, plus tard le grand séminaire du même endroit. Là, il se délecta des écrits de Pisarev ou encore des théories de Charles Darwin. À l’âge de 15 ans enfin, il se passionna pour un ouvrage de physiologie écrit par le scientifique anglais G.H. Lewes.

À l’âge de 21 ans, il rejoignit les rangs de l’université de Saint-Pétersbourg pour y étudier les sciences naturelles. À sa troisième année d’étude, il décida de devenir physiologiste. L’année suivante, il effectua son premier travail scientifique : celui-ci portait sur la physiologie des nerfs du pancréas. En 1875, il termina brillamment ses études et rejoignit l’Académie militaire médicale de Saint-Pétersbourg. Les deux premières années, il étudia la circulation du sang chez les chiens. Il découvrit de nouveaux faits relatifs à la variation de la pression sanguine et montra de l’originalité dans ses idées et ses méthodes. Alors qu’avant les animaux étaient endormis pour les expériences, Pavlov réussit à concevoir un procédé permettant de travailler avec des animaux conscients et ce sans aucune souffrance. Il impressionna ses supérieurs qui lui accordèrent la responsabilité d’un laboratoire. En 1883, il obtint sa thèse de doctorat en médecine. Il séjourna ensuite deux ans en Allemagne et y travailla avec des scientifiques de haut rang tels que Heidenhain et Ludwig. Il revint ensuite à Saint-Pétersbourg et reprit son travail à l’académie militaire. En 1890, il fut nommé à la tête d’un des départements de celle-ci. Un an plus tard, il devint également directeur de physiologie au sein du nouvel institut de médecine expérimentale de Saint-Pétersbourg. Durant les dix années qui suivirent, il étudia le système digestif via une série d’expériences sur des chiens. Il réussit ainsi à décrire le processus de la digestion comme jamais auparavant. Jusqu’aux travaux de Pavlov en effet, seuls quelques faits sans rapport étaient connus, ce qui compliquait le travail des médecins quand ils soignaient des patients souffrant de troubles digestifs. Ces travaux innovants lui valurent le prix Nobel de médecine et physiologie de 1904. À la même époque, ses recherches se portèrent sur les réponses physiques automatiques à certains stimuli, c’est-à-dire les « réflexes conditionnels »2. Il avait en effet constaté qu’en répétant plusieurs fois la sonnerie d’une cloche avant les repas d’un chien, celui-ci finissait par saliver avant la présentation de la nourriture, au seul son de la cloche. Ce reflexe disparaissait de lui-même si le tintement de la cloche n’était plus associé à la nourriture. C’est de cette expérience que naquit l’expression « chien de Pavlov » décrivant une personne réagissant de manière instinctive à une situation.

La révolution bolchévique le surprit et il ne manqua pas de dire tout le mal qu’il en pensait, même en public. Il fut fort logiquement interrogé par la police mais, par peur du scandale, les autorités se gardèrent bien de l’emprisonner ou encore de le harceler. Mieux même, il devint un citoyen privilégié et de grandes sommes d’argent furent dépensées pour son laboratoire. Il put même se déplacer à l’étranger pour y donner des conférences. Il resta actif jusqu’à la fin de sa vie mais tomba malade à la fin de 1935 après la mort d’un de ses fils. Il décéda d’une pneumonie l’année suivante.


1 Pour cette notice, nous nous sommes inspiré principalement de l’ouvrage de Norman Wymer et un peu de celui de E. Asratian, trop empreint de propagande soviétique (cf. orientation bibliographique).

2 Et non « conditionnés », terme inexact toujours utilisé de nos jours.

Feuille de papier, un pli

Hauteur : 178,5 mm
Largeur : 229,5 mm

Cote : ARB 8339