Lettre au maréchal Macdonald, 3 janvier 1825
A son excellence le maréchal de France Macdonald duc de Tarente grand chancelier de la Légion d’honneur etc.
Monseigneur,
J’ai l’honneur de vous envoyer ci-joint mon certificat de vie pour l’année 1824.
J’ai l’honneur d’être avec le plus profond respect
de votre excellence le très humble et obéissant serviteur
Le vicomte Cambronne
Nantes le 3 janvier 1825
La missive ci-dessus ne donnera sans doute pas d'indice quant à la véracité (ou non) du mot de Cambronne, mot en cinq lettres que le sérieux de notre site nous interdit de mentionner. Il s'agit simplement d'un document relatif au quotidien du militaire à la retraite : il communique un certificat de vie, très certainement pour continuer à jouir de sa pension accordée par les autorités en octobre 18221. Du reste, il ne faut guère attendre plus intéressant de la plume de Cambronne : l'homme n'aimait pas écrire et il ne s'adonnait à cet exercice que lorsque cela était absolument nécessaire. Nous n'avons d'ailleurs de lui ni souvenirs ni mémoires2 qui auraient sans doute fait les délices des historiens de l'ère napoléonienne.
Pour l'édition de cette lettre, nous avons considéré le v précédant la signature comme étant l'abréviation du mot vicomte, ce dont nous sommes absolument certain. Il avait obtenu ce titre en 1822 après avoir collaboré avec les autorités pour tenter de démasquer l'auteur d'un pamphlet envoyé par la poste et ayant pour titre3 : Les perfidies dévoilées et justice rendue à Napoléon le grand !4. Le titre seul donne déjà une idée très précise des opinions de l'auteur de cette brochure. Sans doute ce dernier (ou une personne ayant jugé bon d'envoyer l'opuscule à cet ancien serviteur de l'empereur défunt) pensait réveiller les sentiments d'attachement du militaire à la cause impériale. Entreprise vaine visiblement...
1 HUARD A., Connaissez-vous Cambronne, s.l., Bloud & Gay, 1959, p. 133.
2 Ibidem, p. 33.
3 Ibidem, p. 145.
4 Par D*****. À Francfort, 1821. VI-96 p. Cet opuscule est disponible sur Google books (consultation le 11 mai 2013).
BRUNSCHWICQ L., Cambronne, sa vie civile, politique et militaire écrite d'après les documents inédits des Archives nationales et des Archives du Ministère de la guerre, Nantes, Vve Vier, Impr. de G. Schwob et fils, 1894, VII-385 p. (préface par P. Chauvet).
GARNIER J., "Cambronne (Pierre-Jacques-Étienne)", in TULARD J. (dir.), Dictionnaire Napoléon, Paris, Fayard, 1999, vol. 1, p. 355, 356.
GARROS L., Le général Cambronne, Paris, Calman-Lévy, 1949, 288 p. (Coll. Nouvelle collection historique).
HUARD A., Connaissez-vous Cambronne, s.l., Bloud & Gay, 1959, 158 p. (Coll. connaissez-vous).
LE BOTERF H., Le brave général Cambronne, Paris, Éditions France Empire, 1984 - 358 p.
ROGERON DE LA VALLÉE F., Vie de Cambronne, Nantes, Impr. de Charpentier, 1853, 240 p.
SÉRIEYX W., Cambronne, Paris, Éditions Jules Tallandier, 1931, 253 p.
Pierre Jacques Étienne Cambronne
Cambronne fut un élève médiocre chez les Oratoriens de Nantes : il n'excellait que dans le dessin1. Il s'exalta bien vite pour les idées nouvelles : en 1789, on le vit soutenir les étudiants de l'école de Droit de Rennes qui s'étaient livrés à une violente manifestation à la suite de la suspension des États de Bretagne. Attiré par la carrière des armes, il s'engagea dans la Garde nationale en septembre 1791 et reçut le baptême du feu lors de la bataille de Jemappes. Il fut renvoyé à Nantes au début de 1793 mais reprit bien vite son service contre les vendéens : il fut désigné sergent de la légion nantaise. Il s'y révéla l'un des meilleurs dans les innombrables escarmouches avec les troupes contre-révolutionnaires : sa bravoure lui valut le grade lieutenant le 8 septembre 1793.
Il offrit ensuite ses services au corps expéditionnaire de Hoche en Irlande puis rejoignit celui de Augereau en Flandres. Il gagna ensuite les rangs de l'armée des Alpes et s'y distingua lors de la bataille de Zurich en septembre 1799. Ses indéniables qualités guerrières tardaient toutefois à lui apporter l'avancement mérité : en 1805, il n'était encore que capitaine. Il fit toutefois preuve d'un courage remarquable lors de la bataille d'Iéna (octobre 1806) et se distingua encore à Pulstuk (1806), Saragosse (1808), Essling puis à Wagram (1809). Napoléon le remarqua et le fit officier de la Légion d'honneur, baron de l'Empire et major commandant d'un régiment de la Jeune Garde. Il fut ensuite envoyé en Espagne et y resta jusqu'en février 1813. Il rejoignit ultérieurement la Grande Armée et participa aux batailles de Lützen, Bautzen, Dresde, Leipzig, Hanau (1813) et Craonne (1814). Lors de ce dernier combat, il fut blessé et rapatrié à Paris. Pas encore remis de ses blessures, il participa à la défense de la capitale parisienne et fut à nouveau blessé. Il choisit de suivre Napoléon dans son exil à l’île d’Elbe. Lors de la marche de l’empereur vers Paris, il se vit désigné pour commander l’avant-garde de la petite colonne impériale. Arrivé à Paris, le souverain le nomma général de division, comte de l’Empire et grand officier de la Légion d’honneur : il accepta la croix et le titre mais refusa le grade. Il défendit à nouveau l’Empire sur les champs de bataille lors de la bataille de Ligny et celle de Waterloo deux jours plus tard. C’est là que, commandant le dernier carré de vieille garde, il répondit aux Anglais le sommant de se rendre : « La Garde meurt et ne se rend pas ! ». Puis, devant l’insistance de l’ennemi : « M**** ! ». Il nia toute sa vie avoir prononcé ce mot même si il semble que cela fut le cas : en de telles circonstances, quoi de plus normal ? Le monde des Lettres s’empara de cet épisode à de multiples reprises (Victor Hugo, le chansonnier Salis, Edmond Rostand, Sacha Guitry, etc.) et apporta une belle postérité au nom de Cambronne, à tel point que l’on parle toujours du « mot de Cambronne ».
Ce mot lancé à l’ennemi ne lui évita pas un emprisonnement en Angleterre. Il souhaitait rentrer en France en 1815 malgré l’ordonnance royale du 24 juillet qui le menaçait nominativement (avec d’autres) de passer devant un conseil de guerre. Il embarqua malgré tout pour son pays natal le 15 décembre et fut écroué à son arrivée. Il comparut le 26 avril 1816 devant le conseil de guerre et répondit aux juges avec sa franchise habituelle : il fut acquitté. Il reprit petit à petit une vie normale. En 1819, il se maria avec une riche anglaise et fut ensuite nommé chevalier de Saint-Louis. L’année suivante, il prit le commandement de la première subdivision de la seizième division militaire de Lille. Il prit sa retraite peu de temps après et vint se fixer à Nantes où il passa ses derniers jours.
1 Pour cette notice, nous nous sommes inspiré de des travaux de Jacques Garnier et Albert Huard (Cf. orientation bibliographique).
Lettre
Support : une feuille de papier, un pli
Hauteur : 256 mm
Largeur : 398,5 mm
Cote : 19346/839
Portrait
Cambronne.
Forestier Sculp. Ambroise Tardieu Direxit
Hauteur : 217 mm
Largeur : 137 mm
Cote : 19346/839