Lettre à Jean-Baptiste Liagre, 13 janvier 1880

Paris ce 13 janvier 1880


Monsieur le Secrétaire perpétuel,

J’ai l’honneur de vous accuser réception du diplôme de membre associé de l’Académie royale des Sciences, Lettres et Arts de Belgique. Je serai fort honoré de recevoir le bulletin et l’annuaire de cette académie afin d’en suivre les travaux avec le soin qu’ils méritent.

Veuillez agréer, monsieur le Secrétaire perpétuel, l’hommage de tout mon respect.

Louis Pasteur

Cette lettre de Louis Pasteur est la seule en notre possession signée par le célèbre scientifique. Pasteur fut élu associé de la Section des Sciences mathématiques et physiques lors de la séance publique de la Classe des Sciences du 15 décembre 1879. Pour cette place, il avait pour concurrent James Prescott Joule, le célèbre physicien britannique dont l’unité de mesure du travail, de l’énergie et de la quantité de chaleur porte le nom. Le « combat » fut pour le moins inégal : pour cette première place d’associé, Pasteur l’emporta avec une majorité écrasante : 22 académiciens votèrent pour lui tandis qu’un seul se prononça pour Joule ! Un vote blanc fut également rendu1. Si nous possédons les noms des participants à cette séance2, il nous a été impossible d’identifier les deux académiciens n’ayant pas voté pour Pasteur. Quoiqu’il en soit, cette quasi-unanimité n’est guère étonnante vu la célébrité du scientifique français à l’époque. Cela n’était pas la première fois qu’il rejoignait les rangs d’une académie. Il avait été en effet nommé membre de l'Académie des sciences le 8 décembre 1862 pour ensuite rejoindre l’Académie de médecine le 25 mars 1873. Plus tard, l’Académie française l’élut immortel le 8 décembre 18813.

Si notre académie put s’enorgueillir de compter Louis Pasteur dans ses rangs, ce dernier ne lui rendit jamais le moindre article.



1 Archives de l’Académie royale de Belgique, n° 3906 ; n° 4031, p. 81

2 Il s’agit du Baron Michel Edmond de Selys Longchamps (directeur), Jean-Baptiste Liagre (Secrétaire perpétuel), Jean Stas, Laurent De Koninck, Pierre Van Beneden, Gottlieb Gluge, Louis Melsens, François Duprez, Jean Charles Houzeau de Lehaye, Henri Maus, Ernest Candeze, François Donny, Charles Montigny, Michel Steichen, Alexis Brialmont, Edouard Morren, Édouard Van Beneden, Constantin Malaise, François Folie, Alphonse Briart, Félix Plateau, François Crepin, Édouard Mailly, Joseph de Tilly, François Léopold Cornet (membres), Eugène Catalan (associé) et Alfred Gilkinet (correspondant).


3 DEBRÉ P., Louis Pasteur, Paris, Flammarion, 1994, p. 148, 303, 398
 

BAZIN H., Louis Pasteur, Saint-Cyr-sur-Loire, A. Sutton, 2009, 127 p. (Coll. Mémoire en images).

DARMON P., Pasteur, Paris, Fayard, 1995, 430 p.

DEBRÉ P., Louis Pasteur, Paris, Flammarion, 1994, 562 p.

DUBOS R., Louis Pasteur Franc-tireur de la science, Paris, Éditions de la Découverte, 1995, 453 p. (traduit de l’anglais par Élisabeth Dussauze, préface de Bruno Latour).

DUBOS R., BROCK T.D., GEISON G.L., Pasteur and Modern Science, Berlin, Heidelberg, New York, London, Paris, Tokyo, Springer-Verlag, XXII-168 p.

GEISON G.L., The Private Science of Louis Pasteur, Princeton, Princeton University Press, 1995, XIV-378 p.

LATOUR B., Pasteur, une science, un style, un siècle, Perrin, Institut Pasteur, 1995, 191 p.

MOREAU R., Les deux Pasteur : le père et le fils, Paris, L’Harmattan, 2003, 303 p. (Coll. Les Acteurs de la science).

MOREAU R., Pasteur et Besançon : naissance d’un génie, Paris, L’Harmattan, 2010, 431 p. (Coll. Les Acteurs de la science).

MOREAU R., Préhistoire de Pasteur, Paris, L’Harmattan, 2000, 487 p. (Coll. Les Acteurs de la science).

PINET P., Pasteur et la philosophie, Paris, L’Harmattan, 232 p. (Coll. Les Acteurs de la science).

Louis Pasteur

Né à Dôle (France) le 27 décembre 1822, décédé à Marnes-la-Coquette (France) le 28 septembre 1895. Louis Pasteur est le troisième enfant de Jean-Joseph Pasteur et de Jeanne-Étiennette Roqui. Son père dirigeait une tannerie1. Louis Pasteur rejoignit successivement le collège d’Arbois en 1831, l’institution Barbet (Paris) en 1838 et le collège royal de Besançon en 1839. Dans le même temps, il manifesta de réels talents artistiques en concevant ses premiers pastels en 1838. Il fut reçu bachelier ès lettres en 1840 et bachelier ès sciences à Dijon en 1842 après avoir essuyé un échec l’année d’avant. Il reçut en 1843 un premier prix de physique au lycée Saint-Louis et fut admis quatrième au concours d’entrée à l’École normale supérieure. Il devint licencié ès sciences en 1845 et soutint ses thèses de chimie et de physique devant la faculté de Paris en août 1847. L’année suivante, il fut nommé professeur-suppléant de chimie à la faculté des sciences de Strasbourg, professeur titulaire en novembre 1852. Deux ans plus tard, il fut désigné professeur de chimie et doyen de la nouvelle faculté des sciences à Lille. Entretemps, il fut l’auteur de plusieurs notes et communications rendues à l’Académie des sciences. Il commença ses études sur la fermentation en 1856 : un mémoire sur la fermentation lactique fut publié par la Société des sciences de Lille l’année suivante. Cet ouvrage peut être considéré comme l’acte de naissance de la microbiologie. Il continua ensuite ses recherches sur la fermentation tout en réfutant les théories des partisans de la génération spontanée. Il fut nommé en novembre 1863 professeur de géologie, de physique et de chimie à l’école des Beaux-Arts de Paris. Il s’intéressa ensuite aux maladies du vin et des vers à soie. Il était un proche du pouvoir impérial et fut même nommé sénateur d’empire en juillet 1870 bien que le décret ne fut jamais promulgué du fait de la guerre. Après celle-ci, il commença ses recherches sur la bière et conçut un nouveau procédé de fabrication pour la rendre inaltérable. Il fit valoir ses droits de mise à la retraite comme professeur de la Sorbonne en octobre 1872. Son activité ne ralentit pas pour autant par la suite. Ses recherches portaient en effet sur la septicémie et il conçut avec plusieurs collaborateurs des vaccins contre le choléra des poules (fin 1879) et contre la maladie du charbon (mai 1881). Peu de temps auparavant (décembre 1880), il avait débuté ses recherches sur la rage. Il se livra à ses premiers essais de vaccination antirabique dans le courant de 1885. Certains s’avérèrent infructueux2, même si la postérité a surtout retenu la vaccination de Joseph Meister dont on possède une interview audio3. En 1887, il tourna ses efforts vers la création d’une fondation éponyme qui fut inaugurée le 14 novembre 1888. Sa santé commençait toutefois à décliner : il fut victime de plusieurs attaques. L’ictus du premier novembre 1894 surtout le laissa très diminué. Il décéda le 28 septembre 1895 et fut l’objet d’obsèques nationales et d’une messe à Notre-Dame de Paris le 5 octobre.

1 Pour cette courte biographie, nous nous sommes inspiré de l’ouvrage de Patrice Debré (Cf. orientation bibliographique).
2 Comme celui de la fillette Louise Pelletier, mordue à la tête mais traitée par Pasteur 37 jours plus tard : elle ne survécut que quelques jours (DEBRÉ P., Louis Pasteur, Paris, Flammarion, 1994, p. 472).
3 http://www.youtube.com/watch?v=NciRLpayIp0 consultation le 23 avril 2013.

Support : une feuille de papier

Hauteur : 204.5
Largeur : 264 mm

Cote : 8338