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Lettre à Jacques Raillon, circa 1801

Pourquoi, mon cher confrère, suis-je si loin de vous ? J’irais vous présenter tous les remerciemens que je vous vous dois et pour l’honnêteté et pour l’empressement que j’ai trouvé chez vous, chaque fois que je vous ai montré l’occasion de m’obliger.

Recevez de loin tout ce que je vous droits de près, et croyez le dicté par l’estime et l’amitié, comme par la reconnaissance. Veuillez bien y ajouter mon respectueux hommage pour son excellence.

 

Barruel

Ce 17 octobre.

[Adresse]

À Monsieur l’abbé Raillon chez Son Excellence Portalis

Rue de l’université

Paris

Si nous pensons que le document ci-dessus fut sans doute conçu en 18011, nous n’avons pas réussi à déterminer la nature des relations entre Augustin Barruel et Jacques Raillon2, la littérature à notre disposition restant muette à ce sujet. Nul doute cependant que les deux hommes ont pu se rencontrer à plusieurs reprises lors de la Révolution française, du fait notamment de certaines idées en commun. En effet, comme Barruel, Raillon rejeta le serment à la Constitution civile du Clergé. Il prit également la défense des prêtres insermentés en concevant un Appel au peuple catholique (1792)3, édité à Paris avant son exil. Avant ce dernier, il avait également conçu un pamphlet dont il perdit le manuscrit4…. L’exil (l’un à Londres, l’autre à Venise) les éloignèrent sans doute mais une correspondance était toujours possible, nous ne savons.

1 La Lettre mentionne un éloignement géographique de Barruel (« Pourquoi (…) suis-je si loin de vous ? ») qui ne rentra en France qu’un an plus tard (cf. notice biographique) et Portalis semble déjà au service de Portalis pour parfaire l’éducation de son fils Marius, charge que Raillon assuma très peu de temps après la signature du Concordat le 15 juillet 1801 (FISQUET H., La France pontificale (…), Paris, E. Repos, libraire-éditeur, p. 293

2 Né à Bourgoin (Dauphiné) le 17 juillet 1762, décédé à Hyères (Var) le 13 février 1755. Curé de Montaigu, il refusa de prêter serment à la Constitution civile du Clergé. Cela lui valut d’être remplacé à ce poste. Menacé, il dut quitter la France et s’installa à Venise où il resta 10 ans. Il revint en France sitôt le Concordat signé. Il fut désigné évêque d’Orléans par Napoléon le 22 octobre 1810 mais cette nomination ne fut pas reconnue par Rome. Préconisé évêque de Dijon le 28 septembre 1829 mais ne reçut la consécration épiscopale que le 15 novembre 1829. Il fût ensuite transféré à l’archevêché d’Aix le 14 février 1832. Il décéda à Hyères le 13 février 1835.

3 MIGNE, Encyclopédie théologique, t. XL, col. 1183.

4 FISQUET H., La France pontificale (…), op. cit., p. 292

DAESCHLER R., « Barruel », dans Dictionnaire d’histoire et de géographie ecclésiastiques, Paris, 1932, t. VI, col. 937.

HASQUIN H., « la revanche des jésuites. Feller, Barruel, Dedoyar et Cie », dans HASQUIN H., Population, commerce et religion au siècle des lumières, Bruxelles, Éditions de l’Université de Bruxelles, 2008, p. 219-244 (Études sur le XVIIIe siècle, hors-série, 12).

PREVOST M. « Barruel », dans PREVOST M., ROMAN D’AMAT (dir.), Dictionnaire de biographie française, Paris, Librairie Letouzey et Ané, 1951, t. V, col. 627-628.

RIQUET M., Augustin de Barruel : un jésuite face aux jacobins francs-maçons 1741-1820, Paris Beauchesne, 1989, 196 p. (Bibliothèque Beauchesne Religions Société Politique, 16).

RIQUET M., « Un jésuite franc-maçon, historien du jacobinisme, le père Augustin Barruel (1741-1820), dans Archivum historicum Societatis Iesu, t. XLIII/85, p. 157-174.

 

Augustin Barruel

Augustin Barruel naquit à Villeneuve-de-Berg dans le Vivarais (France). Il était un des treize enfants de Madeleine Meunier et d’Antoine, lieutenant général du roi. Il entra au noviciat des Jésuites le 15 octobre 1756. La suppression de l’ordre en 1764 le contraignit à rejoindre les terres allemandes où il prononça ses premiers vœux. Il y professa en Bohême, en Moravie et à Vienne. La suppression générale des Jésuites le fit regagner la France. Il s’installa à Paris et y publia sa première œuvre intitulée : Ode sur le glorieux avènement de Louis-Auguste. Le prince Xavier de Saxe le prit pour précepteur de ses enfants en juillet 1774. Trois ans plus tard, il fut nommé aumônier de la princesse de Conti, charge qu’il conserva jusqu’à la Révolution mais dont il ne remplit pas les fonctions.

Sa carrière de polémiste commença en 1781 quand parut le premier volume des Helviennes, ou lettres provinciales philosophiques, œuvre qui parut jusqu’en 1788 et était une charge contre les philosophes du temps sur un ton humoristique.

En janvier 1788, il prit la direction du Journal ecclésiastique ou Bibliothèque raisonnée des sciences ecclésiastiques dont il fut quasi le seul rédacteur. On se doute que les débuts de la Révolution française le remplit d’épouvante : il s’opposa notamment au serment à la Constitution civile du clergé via son journal et d’autres brochures. Il publia le dernier numéro de son Journal ecclésiastique en juillet 1792 et fut contraint de se réfugier en Angleterre en septembre. Dans ce pays, il polémiqua sur la soumission exigée des prêtres via plusieurs articles ou brochures, parfois sous couvert d’anonymat. Toutefois, l’ouvrage le plus important de cette période fut sans conteste ses Mémoires pour servir à l’histoire du jacobinisme, conçues en cinq volumes de 1797 à 1799. Il y développait ce que l’on nomme aujourd’hui une « théorie du complot » au sujet de la Révolution française. Il déniait le caractère spontané de celle-ci et y voyait plutôt le résultat d’une conspiration de longue date ourdie au sein des loges contre la religion catholique et les systèmes politiques d’Ancien Régime. Cette thèse s’appuyait surtout sur l’épisode de l’infiltration des loges de Bavière par l’Ordre des Illuminés, groupement secret jugé dangereux qui fut interdit en 1785. Barruel crut bon de transposer la situation bavaroise aux Loges Françaises, une démarche dont la légèreté n’est plus à démontrer.

Barruel mit fin à son exil anglais en septembre 1802. Avant cela, l’abbé avait défendu le droit du Pape à signer le Concordat proposé le Premier Consul Bonaparte. Il défendit l’autorité du Pape en publiant en 1803 un ouvrage intitulé : Du Pape et de ses droits religieux à l’occasion du concordat (1803). Il fut également nommé chanoine de Notre-Dame de Paris. Il accueillit la première Restauration avec joie et conçut Du principe et de l’obstination des Jacobins, une défense de la monarchie (compatible selon lui avec le Bonheur à nouveau réclamé par le peuple français) tout autant qu’une réfutation du suffrage populaire. Il fut informé très tôt du départ de Napoléon de l’île d’Elbe et prit la sage décision de se retirer chez les siens en Vivarais : son domicile parisien fut en effet rapidement visité par la police. Son dernier désir fut de rejoindre à nouveau les rangs de la Compagnie de Jésus restaurée en 1814. Il y parvint en octobre 1816. Atteint d’infirmité en 1818, il rendit le dernier soupir le 5 octobre 1820

#1HASQUIN H., « la revanche des jésuites. Feller, Barruel, Dedoyar et Cie », dans HASQUIN H., Population, commerce et religion au siècle des lumières, Bruxelles, Éditions de l’Université de Bruxelles, 2008, p. 231-233 (Études sur le XVIIIe siècle, hors-série, 12).

Lettre

Support : une feuille de papier, un pli

Hauteur : 162 mm
Largeur : 228 mm

Cote : 19346/197