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Lettre à Jean-Baptiste Liagre, 18 juillet 1876

Down, Beckenham,

England. July 18th. 1876


Sir,

I have the honour to acknowledge with thanks the receipt of the various publications, wich you have been so good as to send me on behalf of the Royal Academy of Belgium.
I have the honour to be,

Sir,

Your obedient servant

Ch. Darwin


Monsieur J. Liagre
Le secrétaire perpetual de l’Académie
[Apostille en haut à gauche, dans une écriture autre que celle de Charles Darwin :]
Classe des Sciences. M. Darwin associé remercie pour le dernier envoi de publication

Le document étudié ici est le seul portant la signature de Charles Darwin conservé par le Service des Archives de l’Académie. Cette lettre destinée à Jean-Baptiste Liagre, alors Secrétaire perpétuel de l'Académie, contient assurément peu d’informations dignes d’intérêt.
Il eût été intéressant de connaître les publications reçues par le naturaliste mais nous n’en avons trouvé trace dans les archives de notre institution. Rappelons que l’auteur de L’origine de l’espèce humaine fut élu associé de la Classe des Sciences de notre institution le 15 décembre 1870 par 14 voix contre 8 et 2 voix pour ses concurrents directs. Les archives ne nous indiquent pas au juste qui se prononça pour Darwin. Il est certain toutefois que la Classe, dans son ensemble, fut plus favorable à son égard que sa section des Sciences naturelles qui, au terme d’un Comité secret du 8 octobre 1870, présentait Darwin au vote de la Classe, ex-aequo avec le naturaliste Sven Nilson mais en deuxième ligne, derrière J. Steenstrup, un zoologiste de Copenhague1. Si l’élection de Darwin par notre compagnie peut sembler chose normale pour beaucoup de nos contemporains (ne négligeons toutefois pas l’actuel courant hostile aux théories de l’évolution2), il n’en allait pas de même en 1870 : Charles Darwin n’avait-il pas été jugé indigne de siéger au sein de l’Académie des Sciences de Paris le 4 juillet de la même année3 ?
Édouard Van Beneden, élu correspondant de notre compagnie le même jour que Darwin et adepte des théories évolutionnistes de ce dernier lui écrivit d’ailleurs le 17 décembre 1870 : « En Belgique (…) la jeune génération a arboré le drapeau de l’indépendance intellectuelle et a jeté au loin les préjugés et les idées préconçues4. » Pour autant, il ne convient pas de conclure de ce qui précède que l’Académie était à l’époque entièrement acquise à la cause de l’évolutionnisme. Depuis de nombreuses années en effet, il existait un débat entre les transformistes et leurs adversaires, les premiers comprenant Jean-Baptiste d’Omalius d’Halloy et les seconds Pierre-Joseph Van Beneden (père d’Édouard) par exemple5. Il est néanmoins certain que le rapport de forces bascula en faveur du courant transformiste au milieu des années septante du dix-neuvième siècle6.

Olivier Damme,
Archiviste de l'Académie

1 HASQUIN H., « Darwin à l’Académie royale de Belgique. Science et foi : un couple infernal », in L’évolution aujourd’hui : à la croisée de la biologie et des sciences humaines. Actes du colloque des 29, 30 et 31 janvier 2009 à l’Académie royale de Belgique. Bruxelles, Académie royale de Belgique, 2009, p. 20, 21.

2 LECOURT D., « Intelligent design : science, morale et politique », in L’évolution aujourd’hui (…), op. cit., p. 337,338.

3 HASQUIN H., « Darwin à l’Académie royale de Belgique. Science et foi : un couple infernal », in L’évolution aujourd’hui, op. cit., p. 20, 21.

4 DE BONT R., « Les (més)aventures du Darwinisme en Belgique : 1859-1945 », in L’évolution aujourd’hui, op. cit., p. 301.

5 Pour plus de détails, nous recommandons au lecteur la consultation de l’article de Hervé Hasquin cité ci-dessus.

6 HASQUIN H., « Darwin à l’Académie royale de Belgique. Science et foi : un couple infernal », in L’évolution aujourd’hui, op. cit., p. 51.

Monographies et articles

BOWLER P.J., Evolution: The History of an idea, University of California Press, 2003, 464 p.

BROWNE J., Charles Darwin, The power of place, Princeton University press, 2001.

L’évolution aujourd’hui : à la croisée de la biologie et des sciences humaines. Actes du colloque des 29, 30 et 31 janvier 2009 à l’Académie royale de Belgique.
Bruxelles, Académie royale de Belgique, 2009, 357 p. (Mémoire de la Classe des Sciences, coll. In-8°, 3e série, t. XXXI, n° 206

LAMBERT D., REISSE J., Charles Darwin et Georges Lemaître. Une improbable mais passionnante rencontre, Bruxelles, Académie royale de Belgique, 2008, 288 p. (Mémoire de la Classe des Sciences, coll. In-8°, 3e série, t. XXX, n° 2057)

QUAMMEN D., The reluctant Mr. Darwin : An intimate Portrait of Charles Darwin and the making of His Theory of Evolution, W. W. Norton and Company, 2006, 304 p.

TORT P., Dictionnaire du darwinisme et de l’évolution, Presses Universitaire de France, 1996, 3 vol., XIV-4862 p., ill.

Éditions d’ouvrages de Charles Darwin

The Descent of man
, Penguin Books, 2004, 791 p.

KEYNES R.D. (éd.), Charles Darwin’s Beagle Diary, Cambridge, Cambridge University Press, 2001, 500 p.

L’origine des espèces au moyen de la sélection naturelle ou la lutte pour l’existance dans la nature
, Verviers - Gérard, Paris - diffusion Inter-forum,Marabout Université , 1973, 571 p. (coll. Le Mémorial des siècles).

L’origine des espèces au moyen de la sélection naturelle ou la préservation des races favorisées dans la lutte pour la vie
, Paris, GF Flammarion, 1992, 604 p.

Sites web

www.darwinisme.org
www.darwin-online.org.uk
www.aboutdarwin.com

Charles Robert Darwin

Né à Shrewsbury, Royaume-Uni, le 12 février 1809 ; décédé à Down, Grande-Bretagne, le 19 avril 1882.

 

Charles Darwin naquit au sein d’une famille aisée1 : son père Robert était un médecin reconnu qui mena habilement sa carrière. Grâce à un grand sens de l’économie, il permit à Charles de mener une vie matérielle aisée. Charles était également le petit-fils d’Erasmus Darwin, médecin également et surtout transformiste convaincu qui joua un rôle important dans l’Angleterre du XVIIIe siècle. On comptait parmi les amis d’Erasmus des personnalités telles que Benjamin Franklin, Jean-Jacques Rousseau ou encore Linné.



Le parcours scolaire de Charles se déroula sans aucun éclat : il préférait de loin les promenades dans la campagne, l’observation de la nature et la pêche. Il aimait toutefois s’adonner à d’interminables expériences de chimie. Son père l’envoya à Edimbourg pour y étudier la médecine mais Charles s’en désintéressa rapidement. Il rencontra néanmoins le transformiste Robert Edmond Grant avec qui il noua des liens d’amitié. Grant initia le jeune Darwin à la zoologie expérimentale et l’introduisit auprès de sociétés scientifiques. Loin des salles de cours, Darwin commença sa carrière de naturaliste, profitant de conseils de divers spécialistes et en allant sur le terrain observer les insectes et les oiseaux.

Conscient que Charles ne deviendrait jamais médecin, son père le convainquit de suivre des études de ministre du culte anglican à Cambridge. Il y continua à s’intéresser aux sciences naturelles, notamment en suivant les cours de John Stevens Henslow qui devint un ami jusqu’à la mort de celui-ci. Il termina ses études honorablement bien qu’il confessa plus tard que toutes ses études ne furent qu’une perte de temps ! Il mena ensuite des travaux de Géologie et effectua un voyage autour du monde durant cinq ans (1831-1836) à bord du bateau Beagle. Lors des escales à terre, il s’adonnait à diverses observations géologiques et récoltait fossiles et autres organismes vivants. Fixiste au début du voyage, il remit en cause la fixité des espèces durant l’été 1836 et devint transformiste mais un transformiste parmi d’autres dans un premier temps. Néanmoins, son apport à la théorie de l’évolution n’est pas marginal. En effet, Darwin, tout comme Alfred Russel Wallace qu’il convient de mentionner ici, furent les premiers à mettre en évidence les mécanismes par lesquels les espèces évoluent. Darwin proposera au public un énoncé clair et convaincant de la théorie dite de la sélection naturelle dans un article paru en 1858 et surtout avec la parution en 1859 de The Origin of species by means of Natural Selection or the Preservation of Favoured Races in the Struggle for Life. Ce livre connut d’emblée un grand succès et fut traduit en plusieurs langues. À la fin des années 1860 ; la théorie de la sélection naturelle était largement diffusée, en Angleterre bien entendu mais également dans plusieurs pays européens et également aux États-Unis. Il s’intéressa ensuite à l’origine de l’homme : il croyait en particulier au rôle de la sélection naturelle qu’il désignait par sélection sexuelle. Il fit part de ses réflexions dans l’ouvrage intitulé The Descent of Man and Selection in Relation to Sex, paru en 1871. Le succès de cet ouvrage fut considérable mais provoqua beaucoup moins de vagues d’indignations que le livre sur l’origine des espèces. L’année suivante, il publia The expression of the Emotions in Man and Animals. Dans cet ouvrage qui s’avéra à nouveau un Best seller, l’auteur y affirme que les expressions de l’homme ne diffèrent pas des expressions des animaux : Darwin éliminait un des critères qui, pour la majorité de ses contemporains, permettait d’établir une distinction entre l’homme et l’animal. Il publia également par la suite des ouvrages originaux de botanique et de zoologie : The variations of Animals and Plants under Domestication et, en juillet 1875, Insectivorous Plants. L’année suivante, il s’attela à l’écriture de son autobiographie dont la version intégrale ne fut publiée qu’en 1958. Durant les dernières années de sa vie, il conçut plusieurs ouvrages portant sur des sujets tels que la fertilisation des orchidées par les insectes, la fertilisation croisée et l’auto-fertilisation dans le monde végétal, les mouvements des plantes grimpantes. Sa dernière œuvre a pour titre : The formation of Vegetable Mould, through the Actions of Worms, with Observations of Their Habits et rencontra à nouveau un grand succès.

À la fin de 1881, il commença à souffrir de violentes douleurs dans la poitrine avant de s’éteindre dans sa maison de Down le 19 avril 1892. Suite à l’intervention de diverses personnes, dont le président de la Royal Society, il fut demandé à sa famille que la dépouille du naturaliste soit enterrée à Westminster Abbey, comme Isaac Newton. Les proches de Darwin marquèrent leur accord : Darwin fut inhumé à cet endroit le 26 avril 1882.

1 Pour cette biographie, nous nous sommes inspirés de celle reprise dans l’ouvrage de Dominique Lambert et de Jacques Reisse intitulé : Charles Darwin et Georges Lemaître. Une improbable mais passionnante rencontre, Bruxelles, Académie royale de Belgique, 2008, p. 65-108.

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