Lettre à Louis Dewez, 19 novembre 1823

A monsieur le

Secrétaire perpétuel de l’Académie,

Membre de l’institut, Inspecteur

des études & & &

 

 

Monsieur

 

 

J’ai reçu avec une reconnaissance profonde la communication que vous avez daigné me faire. L’Académie, en m’admettant dans son sein, ne m’a point payé du passé mais semble avoir conçu quelque espoir de mon avenir, et je sais à quoi m’oblige une bienveillance si flatteuse.

                Veuillez, Monsieur, présenter à l’académie l’hommage de ma respectueuse gratitude. Quant au titre de confrère que vous me donnez si généreusement, souffrez que je le repousse et que je prenne, comme je m’honore de l’avoir toujours fait, celui de votre disciple, qui me donnera plus de droits à partager les trésors de votre érudition.

Agréez, je vous prie,

Monsieur

L’humble expression de mes sentiments les plus distingués

Baron de Reiffenberg

De la Société asiatique de France, et des sociétés d’émulation de Liège, des Beaux-Arts de Gand &c.

 

Louvain ce 19 novembre 1823.

La deuxième phrase reprise dans le document ci-dessus n’était pas feinte. Frédéric de Reiffenberg fut en effet un membre très actif de notre institution. Il rendit pas moins de 28 mémoires et un nombre incalculable de contributions dans le bulletin de notre compagnie, principalement relatives à l'histoire nationale. Tous ses travaux ne furent cependant pas systématiquement publiés : on lui reprochait parfois de rendre des descriptions prolixes et son manque de sérieux historique. Pire encore : il nous faut revenir sur la question des plagiats du baron, qui toucha tant les publications de l’Académie (notamment le tome VIII des mémoires de l’Académie avec un supplément à l’art de vérifier les dates et aux divers recueils diplomatiques », 18371) que d’autres. Il s’était appuyé sur les manuscrits laissés par Simon-Pierre Ernst, académicien décédé depuis décembre 1817. La réaction du milieu académique et littéraires fut aussi immédiate que violente : en plus des demandes de démissions, Reiffenberg eut à subir les moqueries au sujet de sa soif de titres et décorations, les doutes quant à ses titres de noblesse et l’on se renseigna même sur sa vie familiale pour y débusquer les plus infâmes turpitudes2. Il dut quitter l’université de Liège mais put compter sur son réseau d’amis (dont le baron de Stassart) pour ne pas sombrer dans l’oubli et redémarrer sa vie professionnelle à Bruxelles en assurant la direction de la Bibliothèque royale3.

1QUERARD J.-M., Les supercheries littéraires dévoilées (…), Paris, t. IV, p. 61.

2QUETELET A., « Notice sur Frédéric-Auguste-Ferdinand-Thomas baron de Reiffenberg (…) », in Annuaire de l’Académie royale de Belgique, 1852, p. 120, 121.

3STECHER J., « Reiffenberg (Baron Frédéric-Auguste-Ferdiand-Thomas de », in Biographie Nationale, Bruxelles, Académie royale de Belgique, 1905, t. XVIII, col. 899-901

QUETELET A., « Notice sur Frédéric-Auguste-Ferdinand-Thomas baron de Reiffenberg (…) », in Annuaire de l’Académie royale de Belgique, 1852, p. 93-178.

STECHER J., « Reiffenberg (Baron Frédéric-Auguste-Ferdiand-Thomas de », in Biographie Nationale, Bruxelles, Académie royale de Belgique, 1905, t. XVIII, col. 887-918.

VAN LENNEP J., Les bustes de l'Académie royale de Belgique. Catalogue raisonné, Bruxelles, Académie royale de Belgique, 1993, p. 318, 319. (Mémoires de la Classe des Beaux-Arts, Coll. in-8°, 3e s., t.6

Baron Frédéric Auguste Ferdinand Thomas de Reiffenberg

Né à Mons le 14 novembre 1795, décédé à Saint-Josse-ten-Noode le 18 avril 1850. Polygraphe, historien

 

Il appartenait à une vieille famille noble d'Allemagne. Il fit ses études primaires et suivit quelques cours au collège de sa ville natale. Il termina ses humanités au lycée de Bruxelles en 1813. Par tradition familiale, il se tourna alors vers une carrière militaire. Il fut sous-lieutenant du premier régiment d'infanterie hollando-belge en 1814. Il fut promu au grade de premier lieutenant l'année suivante et assista à la bataille de Waterloo sans y prendre part. Le 25 janvier 1818, il obtint sa démission et se tourna vers l'enseignement en se faisant nommer régent de poésie latine de l'athénée d'Anvers. Avant cela, son activité fébrile lui avait fait créer le Mercure belge, journal hebdomadaire dans lequel il traitait de l'actualité historique et philologique. En 1819, il fut nommé régent de l'athénée de Bruxelles et s'installa dans la ville brabançonne. Il y fut reçu avec enthousiasme par les membres de l'Académie restaurée et par les réfugiés français (David, Bory de Saint-Vincent, Arnault, etc.). Tout en concevant des comédies et un opéra, il répondit à une question de l'Académie de 1820 en rendant un travail Sur l'état de la population des fabriques et des manufactures et du commerce dans les provinces des Pays-Bas pendant les XVe et XVIe siècle. Ce travail couronné ne fut pas le seul puisqu'il en rendit un autre l'année suivante portant sur Juste Lipse qui rencontra le même succès. Il fallut néanmoins attendre le 8 juillet 1823 pour qu'il fut élu membre de la Classe des Lettres. Il en fut un membre très actif  (cf. analyse). Ce travailleur infatigable ne se consacra pas uniquement à notre compagnie. Il fut en effet nommé professeur de philosophie de l'Université de Louvain en mai 1822, malgré ses prises de positions libérales dans certains journaux. La Révolution belge le mit dans l'embarras vu la réorganisation universitaire. Convoitant un temps un poste d'inspecteur d'instruction publique, il fut nommé professeur ordinaire de l'université de Liège en 1836 : il y enseignait l'histoire du Moyen-âge et celle du pays. Il dut toutefois abandonner ce poste quand il fut accusé de plagiat dans différentes publications, dont celles de l'Académie... Il dut quitter Liège mais ses relations lui permirent d'être nommé conservateur (non en chef) de la Bibliothèque royale de Belgique, poste qu'il occupa jusqu'à son décès. Sa gestion laissa parfois à désirer tant ses travaux historiques et ses relations épistolaires avec les sociétés savantes et le monde savant de l'Europe le prenaient tout entier. Il s'occupait également de la Commission royale d'histoire nouvellement créée (1834) et chargée de rassembler et éditer les "chroniques belges inédites". Il en assurait le secrétariat.

 

Lettre

Support : une feuille de papier, un pli

Hauteur : 240 mm
Largeur : 404 mm

Cote : 12303

Buste

Buste en marbre

Hauteur : 735 mm

Largeur : 535 mm

Profondeur : 300 mm

Sculpteur : Jean Geefs

(VAN LENNEP J., Les bustes de l'Académie royale de Belgique. Catalogue raisonné, Bruxelles, Académie royale de Belgique, 1993, p. 318, 319. (Mémoires de la Classe des Beaux-Arts, Coll. in-8°, 3e s., t.6).

Photo : Luc Schrobiltgen