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Lettre à Paul-Henri Spaak, 19 janvier 1954

                                                                                                                                                                                                                                                                                                10, Downing Street,                                                                                                                                                                                                                                                                                                                 Whitehall.

                                                                                                                                                                                                                                                                                                      January 19, 1954.


My dear Spaak,
Thank you for your letter of January 14. I am much obliged to you for suggesting that I should open the European Movement Economic Conference on January 29, but the pressure of affairs is so great that I must regreffully decline.
With all good wishes,

                                                                                                                                                            I remain,
                                                                                                                                                      yours sincerely,

                                                                                                                                                    Winston Churchill


Monsieur Paul-Henri Spaak
[Traduction]

 

                                                                                                                                                                                                                                                                                                  10, Downing Street,
                                                                                                                                                                                                                                                                                                                   Whitehall.

                                                                                                                                                                                                                                                                                                          19 janvier 1954.


Mon cher Spaak,

Je vous remercie pour votre lettre du 14 janvier. Je vous suis reconnaissant d’avoir pensé à moi pour l’inauguration de la conférence économique du Mouvement européen le 29 janvier. Cependant, la marche des affaires est si importante que je dois à regret décliner votre invitation.

                                                                                                                         Avec tous mes vœux et mes sentiments les plus sincères,
                                                                                                                                                         Winston Churchill


Monsieur Paul-Henri Spaak


 

La manifestation évoquée ci-dessus par Churchill eut lieu à Westminster du 29 janvier au 1e février 19541. Le Mouvement européen était quant à lui une association chargée de la promotion de l’intégration européenne à la fin des années 40 et durant la décennie suivante. Il avait été créé en octobre 1948 et avait pour présidents d’honneur (avec Léon Blum et Alcide de Gasperi), l’auteur et le destinataire de ce document2. Grâce aux démarches de Churchill, le Mouvement européen bénéficiait des largesses américaines provenant de la CIA3. Alors Premier ministre du Royaume-Uni, on comprend que son emploi du temps ait empêché Churchill d’honorer l’offre de Paul-Henri Spaak. Pourtant, Churchill fut très tôt ce que l’on nomme aujourd’hui un « européen convaincu ». Dès 1929 en effet, il avait écrit « Les États-Unis d’Europe » pour le Saturday Evening4. En 1943, il s’était prononcé pour une union du continent européen devant la Chambre des communes5. Après la Seconde guerre Mondiale, il continua à défendre cette idée à travers toute une série de discours dont le plus célèbre fut sans conteste celui prononcé à l’Université de Zurich le 19 septembre 1946 où il se prononça pour une entente entre la France et l’Allemagne6.

1 http://www.oac.cdlib.org/findaid/ark:/13030/kt7779r94m/entire_text/ [consultation le 4 avril 2017].
2 DUMOULIN M., Spaak, Bruxelles, Éditions Racine, 1999, p. 427 (préface d’Étienne Davignon).
3 Ibidem, p. 448.
4 MANCHESTER W., Winston Churchill, Paris, Laffont, 1990, vol. 1, p. 665 (trad. Odole Demange).
5 Archives de l’Académie royale de Belgique, Archives Spaak, dossier 400.
6 http://www.ina.fr/audio/PHL10004138

BÉDARIDA F., Churchill, Paris, Fayard, 1999, 571 p.

GILBERT M., Churchill A life, New York, Wiley, 1992, 1066 p. (coll. Owl books, 1).

JENKINS R. Churchill A Biography, Paris, Pan Books, 2002, 1020 p. (coll. New Ed )

KERSAUDY F., Winston Churchill : le pouvoir de l'imagination, Paris, Tallandier, 2015, 600 p.

KERSAUDY F. (éd.), Mémoires de guerre / Winston Churchill. Texte traduit, présenté et annoté, Paris, Tallandier, 2009-2010, 2 vol.

MANCHESTER W., Winston Churchill, Paris, Laffont, 1990, 2 vol., 793-659 p. (trad. Odole Demange)

 

Sir Winston Leonard Spencer Churchill

Né à Blenheim Palace, Royaume-Uni, le 30 novembre 1874 ; décédé à Londres, le 24 janvier 1965. Winston Churchill naquit dans un milieu privilégié. Son père était un descendant du duc de Marlborough (dont Winston écrivit une biographie bien plus tard) et un homme politique conservateur de haut vol : il fut en effet chancelier de l’Échiquier et Secrétaire d’État pour l’Inde. Sa mère quant à elle était la fille du propriétaire du New York times. Le jeune Winston fut un élève assez moyen. En 1893, il réussit toutefois à rejoindre les rangs de l’école militaire de Sandhurst, l’équivalent britannique de Saint-Cyr. Nommé sous-lieutenant, il remplit plusieurs missions militaires à Cuba (1895) et en Inde contre des tribus afghanes. Cette dernière expérience lui inspira son premier livre intitulé : The Story of the Malakand Fielf force (1898). Il s’essaya ensuite à la politique mais échoua. Ses rêves de gloire le poussèrent alors à rejoindre l’Afrique du Sud comme correspondant de guerre. Il fut fait prisonnier par les Boers mais parvint à s’échapper, non sans informer son journal de ses aventures. Grâces à celles-ci, il se fit connaitre par son pays : il décida donc se lancer dans la campagne électorale de 1900 et se fit élire député conservateur de Oldam. Il s’éloigna toutefois des conservateurs pour rejoindre les libéraux en 1904. Il fut élu député libéral de Manchester en 1906 et bénéficia d’un poste de sous-secrétaire d’État. Deux ans plus tard, on lui confia le maroquin du Commerce et de l’Industrie. Il était alors défenseur de la démocratie sociale et fit tout pour limiter le temps de travail, combattre le chômage, etc. Le poste de ministre de l’Intérieur lui permit en 1910 de se façonner une image d’homme d’ordre : on le vit participer à un assaut de la police donné à un immeuble tenu par des anarchistes.
Il devint Premier Lord de l’Amirauté en 1911 : persuadé de l’imminence d’un conflit européen, il poussa vigoureusement à un réarmement de la flotte britannique. Il conserva ce poste jusqu’au début de la bataille des Dardanelles (1915) où il fut rendu responsable de l’échec du débarquement à Gallipoli. Il démissionna et demanda un commandement en France où il se battit dans les tranchées comme lieutenant-colonel. En 1917, il fut rappelé aux affaires par Lloyd George qui lui attribua le portefeuille des Munitions. Quatre ans plus tard, il dirigea le ministère des Colonies et y défendit l’indépendance de l’Irlande. Il fut battu aux élections de 1922 et fut rejeté par les libéraux. Il resta sans parti jusqu’en 1924 où il fit à nouveau parti de la famille conservatrice. Il remporta les élections et devint chancelier de l’Échiquier (ministre des Finances) : il mena une politique monétaire rigide qui se solda par un chômage considérable. Obnubilé par la menace bolchévique, il était alors un virulent conservateur et combattait les syndicats avec vigueur. En outre, il rencontra Mussolini à Rome en janvier 1927 et exprima publiquement son admiration pour le Duce. Son gouvernement tomba le 4 janvier 1929 : il quitta le pouvoir pour dix ans mais fut réélu plusieurs fois député durant les années 30. Dès 1933, il dénonça le régime nazi et appela au réarmement durant les années suivantes. Toutefois, sa lucidité quant à la menace allemande ne rencontrait pas encore l’opinion. Elle permit de revenir aux affaires quand la guerre devint inévitable. Il devint Premier lord de l’Amirauté en octobre 1939 puis, l’année suivante, Premier ministre d’un gouvernement d’Union nationale à la tête duquel il promit du sang et des larmes. Il n’en assura pas moins la victoire de son pays sur l’Allemagne nazie comme chacun sait. L’Académie royale de Belgique, et plus particulièrement sa Classe des Lettres et des Sciences morales et politiques, voulut rendre hommage à son courage d’homme d’État en le nommant associé le 5 novembre 1915. De passage à Bruxelles, il participa à la séance publique de cette classe le 15 du même mois1. Son prestige ne lui rapporta cependant pas la gloire politique attendue. Lâché par les travaillistes, il ne put reconduire un gouvernement d’union nationale. Des élections furent organisées en juillet 1945 et sanctionnèrent sévèrement les conservateurs. Leader de l’opposition, il défendit l’idée d’une union des peuples européens et se prononça pour la formation d’un conseil de l’Europe. Il insistait également sur la nécessité d’une union entre les Américains et les Anglais pour assurer la paix face à la menace soviétique. Il commença également la rédaction de ses Mémoires de Guerre qui lui permirent d’obtenir le prix Nobel de littérature en 1953. Les élections de 1951 et l’essoufflement des travaillistes lui permirent de revenir au 10 Downing Street. Toutefois, sa santé déclinante ne lui permit pas de mener la politique désirée. Il dut se résoudre à quitter le pouvoir en 1955.

1 Bulletin de la Classe des Lettres et des Sciences morales et politiques, 5e série, tome XXXI, 1945, p. 207-220.

Support : une feuille de papier

Hauteur : 241 mm
Largeur : 191 mm

Cote : ARB Archives Spaak - caisse 40 - farde 400