Lettre au baron de Stassart, 2 mai 1854

                                                                                                             Monsieur le Baron de Stassart,

J’agrée avec sensibilité et reconnaissance votre magnifique livre de 1100 pages. Votre bilan littéraire est considérable et frappé au coin du talent.

Je vous remercie Monsieur de nouveau pour votre aurore spirituelle et vous serre la main affectueusement en formant des vœux bien sincères pour votre prompt rétablissement.

 

                                                                                                               Votre très attaché ami
                                                                                                               Alexandre Rodenbach
                                                                                                               Représentant.
                                                                                                               Bruxelles 2 mai 1854.

Le livre évoqué ci-dessus est très certainement celui reprenant les Œuvres diverses du Baron de Stassart (…)1 parues en 1854. Il est fort probable aussi qu’Alexandre Rodenbach était au courant qu’un compte rendu de son Coup d’œil d’un aveugle sur les sourds-muets paru en 1829 y était repris en pages 1019 et 1020. Ce texte de Stassart paru dans Le Journal de la Belgique et la Revue encyclopédique en 1829 est très élogieux : « L’ouvrage (…) ne peut manquer d’accroitre beaucoup sa réputation littéraire » ; « Ce plan (…) que M. Rodenbach propose pour les aveugles méritent de fixer l’attention de tous les administrateurs qui se piquent d’être les amis de l’humanité. », etc…
Au vu du contenu de la correspondance échangée entre les deux hommes2, il semble que leurs relations, commencées en plein bouillonnements prérévolutionnaires et révolutionnaires, ont toujours été empreintes de bienveillance. Ils se rendirent divers services durant cette période charnière de l’histoire de nos régions3. Cela n’est guère étonnant quand on sait que le baron de Stassart était devenu à cette époque un lien entre libéraux et catholiques, unis4 contre les autorités orangistes.

1 Bruxelles, Charles Muquardt / Paris, Augustre Aubry, 1854, 1090 p.
2 Archives de l’Académie royale de Belgique, 19345/1629.
3 Comme quand Rodenbach défendit Stassart dans L’écho du Nord du 23 février 1830 (Archives de l’Académie royale de Belgique, 19345/1629 ; THIELEMANS M.-R., Goswin, baron de Stassart 1780-1854. Politique et Franc-maçonnerie, Bruxelles, Académie royale de Belgique, 2008, p. 287 (Mémoire de la Classe des Lettres, in-8°, 3e série, tome XLV, n° 2050).
4 Du moins autant que possible tant certaines dissensions qui éclateront plus tard étaient déjà bien présentes… (THIELEMANS M.-R., Goswin, baron de Stassart (…), op. cit., p. 277, 278.

DE BRUYNE M., « De eerste stoommachine in de textielstad Roeselare draaide in 1837 in de brouwerij Rodenbach », in Rollariensia, 1982, XIV, p. 5-20.

DE BRUYNE M., De Rodenbachs van Roeselare. Een historische studie, Antwerpen, Roeselare, Edicon, 1986, 263 p.

GODDEERIS J., « Alexander Rodenbach en de Rodenbachs te Roeselare », in De gidsenkring, juin 1986, 24, nr.3, p. 2-77.

LAMBERT B., VANCOPPENOLLE G., « De moutast van de brouwerij Rodenbach te Roeselare, of hoe een hinderlijkeruïne veranderde in een representatief gebouw », in M & L. Monumenten en Landschappen, mai-juin 1989, n° 3, pp. 12-24.

 

Alexandre Rodenbach

Né à Roulers le 28 septembre 1786, décédé à Roulers le 17 août 1869.Sa famille était originaire du Grand-Duché de Hesse. Il était le deuxième fils de Jean Rodenbach, négociant de Roulers. Alexandre perdit la vue à l’âge de onze ans, malgré les efforts de son père qui le soumit à quatre opérations assuréespar les meilleurs oculistes du temps. Il fut élevé à Paris, au sein de l’Institut créé par le Célèbre Valentin Haüy. Alexandre était l’un des élèves les plus brillants, à ce point que quand le roi Louis de Hollande demanda un élève à Haüy pour propager ses méthodes en Hollande, ce dernier lui envoya Rodenbach. Il s’acquitta de cette mission avec tous les honneurs et cela d’autant plus qu’il maitrisait parfaitement le néerlandais. Il rentra à Roulers en 1810 pour s’occuper du commerce de ses parents. En 1821, il racheta la brasserie Norbert (toujours à Roulers) : c’est le début de la brasserie Rodenbach dont les breuvages sont toujours disponibles actuellement. La carrière commerciale d’Alexandre Rodenbach ne l’empêcha pas de se livrer à ses travaux littéraires. En 1823, il publia en effet sa Lettre sur les aveugles, faisant suite à celle de Diderot et, l’année suivante, Coup d’œil d’un aveugle sur les sourds-muets. La question de son handicap n’avait pas le monopole de ses écrits : il écrivit en effet sur diverses questions historiques dont certaines portant sur Roulers.
Durant les troubles prérévolutionnaires, Alexandre Rodenbach s’investit dans la politique et contribua au mouvement pétitionnaire. Il collabora activement au journal répondant au nom du Catholique des Pays-Bas. Quand la révolution éclata, il entretenait l’agitation au sein de la West-Flandre. Durant le mois de septembre, il se rendit à Lille où, avec Barthélemy Dumortier, il convoqua une assemblée des bannis (27 septembre). Il retourna ensuite à Bruges où il fomenta des troubles avec Adolphe Bartels. Il y provoqua la débandade de la garnison hollandaise avec une proclamation adressée aux officiers de l’armée colportée dans les casernes. Le 4 novembre, les habitants de Roulers l’envoyèrent siéger au Congrès. Les élections suivantes lui permirent de siéger à la Chambre : il y resta jusqu’en 1866. Il appuya l’expulsion des Nassau puis vota pour le duc de Leuchtenberg. Il appuya la politique du Régent mais refusa de donner sa voix à Léopold de Saxe Cobourg, jugeant inacceptables les conditions posées par les grandes puissances pour le couronnement de ce nouveau monarque.
Il participa activement à l’érection d’un Institut pour les aveugles et les sourds-muets à Bruxelles. Il y fit adopter ses perfectionnements au système de Haüy. Lorsque la loi communale fut discutée, il réussit à imposer un amendement obligeant les autorités communales à allouer un budget pour l’entretien et l’instruction des aveugles et des sourds-muets indigents. Il participa également à la translation de l’Université catholique de Malines à Louvain en 1835. Il fut aussi, jusqu’à son dernier souffle, bourgmestre de Rumbeke : il s’y distingua dans cette charge en venant en aide à la population durant les terribles années 1846 et 1847 où la famine et le typhus décimèrent la Flandre. Au-delà des limites de sa petite commune, il jouissait d’une grande réputation internationale. En 1855 par exemple, l’Institut impérial des jeunes aveugles de Paris organisa une fête en son honneur. Toujours à Paris, il représenta la Belgique lors de l’inauguration de la statue de Haüy à Paris en 1861. Il reçut également un grand nombre de décorations comme celle de Saint-Michel de Bavière, du Dannebrog, de Wasa, du Christ du Portugal et de la rose du Brésil, etc. L’Espagne le nomma commandeur de l’ordre de Charles III et le pape le créa aussi commandeur de l’ordre de Saint-Grégoire le Grand tout comme Napoléon II qui lui accorda la légion d’honneur. Rien d’étonnant donc que son pays lui accorda la Croix de fer en 1835 et le désigna chevalier de l’Ordre de Léopold en 1854. Son œuvre posthume (Aide-mémoire de l’aveugle de Roulers) fut publiée en 1870.

Support : une feuille de papier

Hauteur : 273 mm
Largeur : 422 mm

Cote : 19345/1629