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Lettre à Paul Henri Spaak, 24 septembre 1945

Sénat                                                                                                                                                            Bruxelles, 59, rue d’Arlon

                                                                                                                                                                     le 24 septembre 1945

 

 

Mon cher Ministre,

 

                Votre témoignage de sympathie m’a touché particulièrement et je vous remercie vivement de vos cordiales félicitations.

                Vous appréciez trop favorablement la part que j’ai eue dans l’œuvre commune du gouvernement durant ces difficiles et tragiques années.

                Je me souviens avec plaisir du réconfort que j’ai trouvé dans votre amitié, en même temps que de l’efficacité de votre concours. La manière dont vous avez rempli vos délicates fonctions à une époque où les intérêts vitaux du pays étaient en jeu, restera l’une des meilleures raisons d’espérer en notre avenir. J’aime à croire que vous êtes satisfait des premiers résultats de votre voyage en Amérique.

 

                  Nous avons, ma femme et moi, été très sensible à l’aimable attention de Madame Spaak, à l’occasion de l’accident qui m’est survenu. La blessure se trouve en bonne voie de cicatrisation et le chirurgien me fait espérer que je conserverai toute mon aptitude à la marche.

 

Croyez-moi, je vous prie,

Votre bien attaché,

Hubert Pierlot.

 

Monsieur P.-H. Spaak

Ministre des Affaires Étrangères.

Hubert Pierlot répond ici à une lettre chaleureuse de Paul-Henri Spaak datée du 4 septembre 19451. On peut dire que la bienveillance affichée ici n’est pas feinte. On sait que Spaak prit le maroquin  des Affaires étrangères du gouvernement de Pierlot, un gouvernement élargi du fait du contexte guerrier2. Globalement, les deux hommes restèrent solidaires durant toute la durée du mandat en ces temps difficiles et Spaak lui resta fidèle jusqu’au bout3.

Bien entendu, lors de cet exercice conjoint du pouvoir, les positions politiques des deux hommes divergeaient parfois. Comme par exemple quand la question européenne s’invita dans les débats gouvernementaux en octobre 1942. Aux positions pro européennes de Spaak, Pierlot opposait son souci de l’indépendance nationale. Il voyait l’Europe  comme manquant totalement d’homogénéité tant d’un point de vue politique que d’un point de vue économique4. Globalement toutefois, Pierlot n’eut  pas à se plaindre de la loyauté de l’homme politique socialiste. Si le Parti socialiste décida de la fin du gouvernement Pierlot en février 1945, Spaak semble avoir été étranger à la manœuvre. 

1 Archives de l’Académie royale de Belgique, fonds Paul Henri Spaak, farde 517, f° 7372.

2DUMOULIN M., Spaak, Bruxelles, Éditions Racine, 1999, p. 139.

3 Ibidem, p. 701.

4 GROSBOIS T., Pierlot 1930-1950, Bruxelles, Éditions Racine, 2007, p. 222.

5 Ibidem, p. 346, 347.

GROSBOIS T., Pierlot 1930-1950, Bruxelles, Éditions Racine, 2007, 398 p.

UGUEUX W., « Pierlot (Hubert – Marie – Eugène, comte) », in Biographie nationale, T. XL, 1977-1978, col. 704-715.

VAN DEN DUNGEN P., Hubert Pierlot (1883-1963), La Loi, le Roi, la Liberté, Bruxelles, Le Cri, 2010.

 

Hubert – Marie – Eugène, comte Pierlot

Né à Cugnon (province de Luxembourg) le 23 décembre 1883, décédé à Uccle le 13 décembre 1963.

Ses études secondaires se déroulèrent successivement  à l’école abbatiale de Maredsous puis au collège Saint-Michel à Bruxelles. Il décida d’effectuer ses études universitaires à l’Université de Louvain. Il fut proclamé Docteur en droit et licencié en sciences politiques. Il s’inscrivit au barreau de la cour d’appel de Bruxelles en 1908 et en resta membre jusqu’à sa mort.

En août 1914, il s’engagea comme volontaire. Il participa au combat dans l’infanterie et termina comme lieutenant au 30e régiment de Ligne. Le monde politique s’ouvrit à lui ensuite. En février 1919, il devint chef de cabinet du Premier ministre Delacroix, poste qu’il occupa jusqu’en décembre 1920. Les élections de 1926 lui ouvrirent les portes du Sénat, institution dont il occupa les bancs jusqu’en février 1946. Charles de Brocqueville lui confia le portefeuille  de l’Intérieur de janvier 1934 à 1935. À la faveur d’une réorganisation du Parti catholique, il présida l’Union Catholique d’avril 1935 à fin 1936. Il effectua son retour au pouvoir dans le gouvernement Van Zeeland. Il occupait le poste de ministre de l’Agriculture de 1936 jusqu’au 18 mai 1938.

Il devint premier ministre le 20 février 1939. Il assuma le portefeuille des Affaires étrangères du 20 février au 31 août 1939. Lors de l’entrée en guerre, il élargit son gouvernement dans un souci d’union nationale. Devant l’avancée des troupes allemandes, son gouvernement fut forcé de gagner la France, non sans s’être opposé au roi Léopold III sur la marche à suivre. La France envahie et Hitler ne reconnaissant pas l’existence du gouvernement belge, Pierlot fut forcé de gagner l’Angleterre. Le gouvernement en exil participa à l’effort de guerre des Alliées, notamment en leur mettant à disposition les richesses  du Congo mais en s’impliquant également dans les combats (Brigade Piron par exemple). Lors de son retour en Belgique, il dirigea un gouvernement réunissant Catholiques, socialistes, libéraux et communistes. Ces derniers se retirèrent de cette coalition en décembre 1944, suivis de peu par les socialistes (cf. analyse) : Hubert Pierlot n’eut d’autre choix que de présenter sa démission le 12 février 1945. Il fut nommé ministre d’État le 3 septembre 1945.

Après une série d’attaques violentes à son égard pour la conduite de son gouvernement et notamment sur ses désaccords avec Léopold III au début de la guerre, il se défendit dans une série d’article parus dans Le Soir en juillet 1947, il s’attira la fureur du palais et d’une bonne partie du monde catholique. La vie politique de Pierlot s’arrêta là. Il se retira et vécut isolé jusqu’en 1963.

Support : une feuille de papier

 

Hauteur : 215 mm

Largeur : 136 mm

 

Cote : ARB Archives Spaak - caisse 43 - farde 517