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Lettre à Pierre Daru, 24 septembre 1809

J’ai reçu, Monsieur l’Intendant Général, la lettre par laquelle vous m’observez, que dans le cas où les draps qui doivent être expédiés de Gratz sur Adembourg devraient être confectionnés dans les magazins de cette dernière ville on n’y trouvera pas à cet égard autant de ressources que dans la première. Mon intention n’est pas de faire confectionner dans les magazins de l’armée. Les régiments ont le plus grand besoin d’habillement, je fais distribuer à chaque corps des draps et les conseils d’administration font confectionner par leurs ouvriers ; les régiments sont tenus d’être habillés sous le plus bref délai, ils y sont intéressés eux même et ils employent tous les moyens pour obtenir ce résultat. Je prescris le même ordre au Général Baraguey d’Hilliers pour les troupes qui sont en Carniole et Carinthie, au moyen d’une réquisition dans le pays. L’intention de Sa Majesté est que ses troupes soient complétement habillées et chaudement, et cela sur le champ. Sur ce, Monsieur l’Intendant Général, je prie dieu qu’il vous ait en sa sainte garde.


Eugène Napoléon
Vienne le 24 septembre 1809

En ce mois de septembre 1809, Eugène de Beauharnais prenait du repos après une campagne militaire victorieuse. À la tête de l’armée d’Italie, il avait en effet vaincu les Autrichiens lors de la bataille de Raab (Györ en hongrois) le 14 juin puis avait rejoint Napoléon pour participer à la bataille de Wagram (4-6 juillet), même s'il convient de préciser que c’est surtout son second, Macdonald, qui se distingua lors de cette bataille. S’ensuivit la bataille de Znaïm (10-12 juillet) qui entérina la victoire des français : un armistice fut conclu le 12 et de longues négociations eurent ensuite lieu pour aboutir au traité de Vienne du 14 octobre 18091.

Eugène résida trois longs mois à Vienne à la suite de Wagram. Son quotidien se résumait à fréquenter ses amis, aller à l’opéra ou encore passer les troupes en revue en compagnie de l’Empereur2. C’est peut-être lors d’une de ses revues que l’Empereur manifesta son intention que « ses troupes soient complétement habillées et chaudement ». Il est vrai que selon une lettre d’Eugène à son épouse datée du 23 septembre, le temps commençait à se refroidir3. Il y avait donc urgence du fait de la possibilité d’une rapide dégradation des conditions climatiques mais aussi de la volonté de Napoléon à laquelle se pliait alors le vice-roi d’Italie. Ne disait-il pas en 1807 : « avec l’empereur je ne connais qu’une chose : obéir ! »4 ? On comprend mieux dès lors le ton autoritaire de ce courrier adressé à l’intendant général Pierre Daru et la réquisition ordonnée au général Baraguey d'Hilliers pour les troupes présentes en Carniole et Carinthie, deux régions montagneuses susceptibles d’être l’objet d’un refroidissement plus conséquent.



1 BLÉMUS R., « Eugène de Beauharnais, L'honneur à tout vent », Éditions France-Empire, Paris, 1993, p. 193-196.

2 Ibidem, p. 196.

3 DU CASSE A. (éd.), Mémoires et correspondance politique et militaire du prince Eugène, Paris, M. Lévy frères, 1858-1860, vol. VI, p. 75.

4 PILLEPICH A, « Eugène de Beauharnais », in TULARD J. (dir.), Dictionnaire Napoléon, Paris, Fayard, 1987, p. 706.

Monographies et articles

AUTIN J., Eugène de Beauharnais : de Joséphine à Napoléon, Paris, Perrin, 2003, 7e éd., 454 p. (1re éd. 1989).

BLÉMUS R., « Eugène de Beauharnais, L'honneur à tout vent », Éditions France-Empire, Paris, 1993, 344 p.

DE BAVIÈRE A., Eugène de Beauharnais, beau-fils de Napoléon, portrait biographique, Paris, Éditions Alsatia, 1943, 335 p.

DE BERNARDY F., Eugène de Beauharnais, Paris, Perrin, 1973, 591 p.

DE LEUCHTENBERG G., Le prince Eugène de Beauharnais à la tête de la Grande Armée (16 janvier-15 avril 1813), Paris, M. Imhaus et R. Chapelot, 1915, XXII-338 p. (préface de Frédéric Masson).

LEVY A., Napoléon et Eugène de Beauharnais, Paris, Calmann-Lévy, 1926, 339 p. (Coll. Histoire intimes du temps du Ier Empire).

NAFZIGER F., GIONNINI M., The defense of the Napoleonic kingdom of Northern Italy, 1813-1814, Westport, Praeger, 2002, XXIV-381 p., ill.

OMAN C., Napoleon's viceroy, Eugène de Beauharnais, London, Hodder and Stoughton, 1966, 528 p.

PILLEPICH A, « Eugène de Beauharnais », in TULARD J. (dir.), Dictionnaire Napoléon, Paris, Fayard, 1987, p. 706, 707.

PILLEPICH A. Eugène de Beauharnais. Honneur & fidélité [Exposition, Rueil-Malmaison, Musée national des châteaux de Malmaison et Bois-Préau, 14 septembre 1999 - 03 janvier 2000],  Paris, Réunion des musées nationaux, 1999, 165 p., ill.

TESSADRI E.,  Il Viceré: Eugenio di Beauharnais, Milano, Ed. Nuova, 1982, VIII-335 p.

VON BAYERN A., Eugène Beauharnais der Stiefsohn Napoleons, ein Lebensbild, Munchen, Bruckmann, 1940, 568 p.



Correspondance

Les Beauharnais et l'Empereur. Lettres de l'impératrice Joséphine et de la reine Hortense au prince Eugène, Paris, Plon, 1936, IX-284 p. (Coll. Les témoins de l’épopée, 5)

DU CASSE A. (éd.), Mémoires et correspondance politique et militaire du prince Eugène, Paris, M. Lévy frères, 1858-1860, 10 vol.

Eugène de Beauharnais

Eugène de Beauharnais(1) eut pour parents Marie-Josèphe Tascher de la Pagerie (plus connue sous le prénom de Joséphine, donné par son deuxième mari Napoléon Bonaparte) et le vicomte Alexandre de Beauharnais, président de l’Assemblée constituante lors de la fuite du roi à Varennes. Comme bien d’autres personnes en vue à l’époque, Alexandre de Beauharnais fut guillotiné le 23 juillet 1794. Né huit ans avant la Révolution française, on se doute que celle-ci eut une grande influence sur l’enfance du jeune Eugène. Ce fut effectivement le cas : ses études au collège d’Harcourt furent interrompues et quand son père trépassa, il était seul à Paris avec sa sœur Hortense puisque sa mère était également emprisonnée. Quand cette dernière fut libérée, elle plaça son fils auprès du général Hoche comme officier d’ordonnance puis le remit en pension à Saint-Germain. Déçu par le remariage de sa mère avec Bonaparte, il n’en devint pas moins son aide de camp en 1797 et finit par s’enthousiasmer de l’ascension de son beau-père. Eugène profita d’ailleurs de cette situation pour s’élever dans la hiérarchie et devenir colonel des chasseurs à cheval de la Garde consulaire.

Sitôt l’empire proclamé, il fut également désigné prince français, archichancelier d’État et surtout vice-roi d’Italie. Mieux même : Napoléon le chargea de présider le Conseil des ministres et le Conseil d’État et de diriger l’administration en son absence et sous son strict contrôle. À l’extérieur, la troisième coalition se forma mais Masséna, à la tête de l’armée d’Italie, repoussa les Autrichiens hors du pays. Il choqua néanmoins Eugène par ses malversations. La victoire d’Austerlitz s’avéra profitable au vice-roi d’Italie : il remplaça en effet Masséna à la tête de l’armée d’Italie (décembre 1805), se maria avec bonheur avec Auguste-Amélie, la fille du nouveau roi de Bavière, et surtout devint fils adoptif de l’empereur (janvier 1806). Sa première campagne militaire en tant que commandant en chef de l’armée d’Italie fut celle de 1809 contre l’Autriche. Commencée par le cuisant échec de Sacile (le 16 avril), la suite s’avéra victorieuse. De retour à Milan, il fut rappelé en France par l’affaire du divorce de sa mère avec l’Empereur. Il conseilla à celle-ci la docilité et obtint, sans avoir rien demandé, un apanage italien et l’hérédité du Grand-Duché de Francfort à la mort de Dalberg (mars 1810). Cependant, le blocus continental conduisait l’administration de l’Empire à peser de plus en plus sur l’activité économique du royaume d’Italie. Eugène tenta de s’opposer à cela mais fut peu écouté. Le mécontentement s’amplifiait et n’étaient plus le fait des seuls partisans du pape et des Habsbourg.

En 1812, il se distingua sur les bords de la Moskowa et de la Bérézina avant de diriger la retraite de Posen à Lützen. À l’automne 1813, il avait été chargé de contenir l’avancée des Autrichiens vers le sud-ouest mais perdit l’Illyrie. Il apprit alors la défection du roi de Bavière et la défaite de Leipzig : la situation lui semblait désespérée et sa femme commença alors à prendre l’ascendant sur lui. Il refusa toutefois les avances tendant à le faire changer de camp mais ne céda pas non plus à l’ordre de Napoléon de se replier sur les Alpes (janvier et février 1814). Eugène et sa femme se replièrent sur Mantoue avec l’espoir que les alliés leur laisseraient la couronne d’Italie. L’abdication de Fontainebleau et le soulèvement de Milan (avril 1814) les forcèrent cependant à prendre le chemin de l’exil. Il vint une dernière fois en France où il fut reçu par Louis XVIII. Il eut le temps de voir une dernière fois sa mère mourante et se lia d’amitié avec le Tsar. Il se rendit également au congrès de Vienne et désapprouva le retour de l’île d’Elbe. Par la suite, il vécut en Bavière sous la protection de son beau-père le roi de Bavière avec le titre de duc de Leuchtenberg et un apanage sur la principauté d’Eichstädt. Il était donc totalement dépendant de sa belle-famille mais, par une habile politique de ventes et d’achats et de constructions, il put rétablir sa situation matérielle bien mieux qu’aucun autre Napoléonide.

Usé par une vie trépidante, Eugène rendit l’âme suite à une crise d’apoplexie à l’âge de 43 ans.

(1) Cette notice se base principalement sur la notice biographique d’Alain Pillepich parue dans le Dictionnaire Napoléon (cf. orientation bibliographique).

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