Lettre au baron de Stassart, 12 octobre 1841
Monsieur le Baron !
Plusieurs sociétés de littérature, de la Flandre et du Brabant, se réuniront dans la grande salle de l’Université de Gand. Le 24 de ce mois, à 2 heures après midi, pour donner une fête, à laquelle sont invités les littérateurs wallons les plus distingués. On y exécutera le magnifique Stabat Mater de Monsieur Ermel de Paris (né gantois) qui a remporté le premier prix de composition musicale au concours de Gand de la présente année. La fête sera terminée par un banquet dans la grande salle du Casino, à 6 heures du soir.
Je suis chargé de vous inviter à cette fête flamande et à ce banquet. Veuillez, Monsieur le Baron, nous faire l’honneur d’y assister et nous informer de votre acceptation avant le 10 de ce mois.
Agréez, je vous prie, l’expression de ma haute considération.
Willems
Gand, le 12 octobre 1841
[Adresse]
Monsieur
Monsieur le Baron de Stassart, Directeur de l’Académie royale des Scinces et belles – lettres
À Bruxelles
[Cachets des postes de Gand et de Bruxelles des 12 et 13 octobre 1841]
[Cachet en cire]
[Annotation du baron de Stassart dans le coin supérieur gauche de la missive]
Répondu le 15 octobre
En 1841, Jan Frans Willems et le baron de Stassart se connaissaient déjà depuis un certain temps. Outre le fait que tous deux étaient membres de notre académie depuis quelques années, ils eurent l’occasion de polémiquer dès 1829. Le baron avait en effet écrit dans un article du Journal d’Anvers et de la Province qu’à ses yeux, le français était la langue nationale des Belges. Willems ne manqua pas de répondre à cette affirmation, en soulignant que le flamand n’en était pas moins la langue de la majorité des Belges. Ce désaccord n’empêcha pas les deux hommes de s’apprécier quelques années plus tard, comme le démontre la lettre ci-dessus. Le Baron de Stassart répondit favorablement à cette invitation et se rendit à Gand en compagnie d’Adolphe Quetelet[1].
[1] THIELEMANS M.-R., Goswin, baron de Stassart 1780-1854. Politique et Franc-maçonnerie, Bruxelles, Académie royale de Belgique, 2008, p. 599 (Mémoire de la Classe des Lettres, in-8°, 3e série, tome XLV, n° 2050).
Membre de notre académie, Jan Frans Willems a fait l'objet de plusieurs publictions de notre institution à consulter ici.
On lira aussi :
DEPREZ A., Jan Frans Willems, Bruxelles, Kredietbank, 1993, 48 p.
DEPREZ A., « Willems, Jan Frans », in Nieuwe encyclopedie van de Vlaamse Beweging, 3, 1998, p. 2745-2750.
DE SMEDT M., De literair-historische activiteit van Jan Frans Willems (1793-1846) en Ferdinand Augustijn Snellaert (1809-1872), Gent, Koninklijke Academie voor Nederlandse Taal- en Letterkunde, 1984, 406 p. ( Koninklijke Academie voor Nederlandse Taal- en Letterkunde, VIe reeks, 114).
DE SMEDT M., « Willems, Jan Frans », in Nationaal biografisch woordenboek, 11, 1985, col. 852-860.
D'HONDT B., Van Andriesschool tot Zondernaamstraat. Gids door 150 jaar liberaal leven te Gent, Gent, Liberaal Archief, Snoeck, 2014, p. 61-62.
STYNEN L., Jan Frans Willems. Vader van de Vlaamse Beweging, Antwerpen, De Bezige Bijn 2012, 507 p.
Jan Frans Willems
Jan Frans Willems naquit à Bochout le 11 mars 1793 au sein d’une famille de la petite bourgeoisie. À l’âge de douze ans, il se rendit à Lier où il suivit des cours de latin, de chant et d’orgue, peut-être dans l’optique de devenir sacristain. Il a également suivi une instruction au sein d’une famille allemande (les Bergmann) chez qui il se familiarisa avec les idéaux des romantiques allemands. Enfin, il suivit les cours des rhéteurs de Lierse.
Ses premiers vers furent conçus en 1807 et avaient pour titre Hekeldicht op den Maire en Municipaliteit van Bouchout. Véritable satire contre le maire de Bochout, cet ouvrage de circonstance avait pour but la défense de son père qui s’était vu remercier par l’administration de fait de son ignorance du français. En 1809, il devint clerc de notaire à Anvers. Neuf ans plus tard, il rejoignit les archives de la même ville : ce nouveau poste fut fondamental pour la suite. Il avait en effet accès à pléthore de fonds relatifs à l’histoire des Pays-Bas. Politiquement, il se déclarait partisan fidèle de la maison d’Orange qui régnait alors sur nos régions. Sans surprise il défendait l’usage du néerlandais comme langue administrative officielle, ce qui valut l’hostilité de beaucoup. Parlant français dans son milieu familial, il n’en défendait pas moins la langue flamande de façon agressive en public, même s’il était conscient que le flamand des provinces du sud du Royaume des Pays-Bas n’était pas comparable à celui des provinces du Nord : il était donc vain de songer à une uniformisation totale. Ses prises de positions lui valurent donc force inimitiés et revers professionnels cuisants mais son parcours académique fut riche de récompenses, dues à ses recherches en histoire et en littérature flamande du Moyen-âge. Il fut en effet nommé membre de de la Koninklijke Maetschappij tot Aenmoediging der Schone kunsten (Anvers, 1820) ; membre agrégé de l’Académie royale des Beaux-Arts d’Anvers (1822), membre de la Commission pour l’édition des anciennes chroniques nationales (1826), docteur honoris causa de l’Université de Louvain, membre de la Commission royale d’histoire (1834) et, enfin, membre de notre Académie (Classe des Lettres) en 1835. Il participa aussi à la fondation de la Maetschappij tot Bevordering der Nederduitsche Tael en letterkunde et devint président d’honneur du groupe De Tael is gansch het volk. Il présida aussi des évènements culturels de Gand en 1841 dont celui mentionné dans le document nous intéressant ici. Bref : on reconnaissait enfin ses efforts durant toutes ses années mais cela ne fut pas sans conséquences sur sa santé. Il rendit son dernier souffle à 53 ans en effet.
En 1851, le Willems-fonds fut fondé pour poursuivre son œuvre. Il existe toujours.
Hauteur : 273 mm
Largeur : 440 mm
Cote : 19345/2016bis