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Lettre au baron de Stassart, 30 novembre 1818

                                                                                                                                                  Monsieur le Baron,

J’ai vu avec intérêt les communications que vous avez bien voulu me faire par votre lettre du 25 novembre. Plus la situation au midi de la France est déplorable, plus il est à désirer que le gouvernement permite (sic) dans la volonté récemment annoncée par lui, de réprimer fortement les excès du fanatisme. Si cet espoir ne se réalisait point et si d’aussi funestes agitations devaient se prolonger indéfiniment, ceux qui préféreraient l’exil à des vexations toujours renaissantes, ne trouveraient nulle part une hospitalité plus cordiale que dans les Pays-Bas. Le caractère du roi, la conduite tenue par ses ancêtres dans des circonstances analogues, le système obligé de l’administration actuelle concourent à la garantir et rien ne doit vous empêcher, Monsieur le Baron, de répondre dans ce sens à ceux de vos anciens administrés qui vous consulteront sur le parti qu’ils ont à prendre.
J’ai l’honneur d’être avec ma haute considération

 

                                                                                                                                                             Monsieur le Baron,                                                                                                                                                             Votre très humble et                                                                                                                                                             Très obéissant serviteur

La Haye
Le 30 novembre 1818.
[Apostille en haut à droite, de la main du baron de Stassart]
Sans réponse.

Trois ans avant la rédaction de la lettre ci-dessus, les protestants français subirent ce que l’on appelle la Terreur blanche, du nom des meurtres et vexations commis sous la Restauration par les Ultras (de religion catholique, faut-il le rappeler) qui confondaient aisément bonapartisme et protestantisme. Cet épisode eut principalement pour cadre géographique Nîmes et son arrière-pays, l’Hérault, l’Aveyron, Castres et sa région et une partie de l’Ariège. Et qu’importe si les protestants, en dépit des louanges contenues dans les adresses officielles à l’Empereur, ne furent guères enthousiastes envers le régime de Napoléon Bonaparte1
Sous l’Empire, Goswin de Stassart fut sous-préfet de l’arrondissement d’Orange et préfet du département du Vaucluse. Bien entendu, il conservait des relations avec des personnes du sud de la France et notamment des protestants comme le pasteur Martin-Rollin qui ne manquait pas de lui faire part des vexations et des violences subis par les protestants de cette région2, et notamment à la fin de cette année 18183. Même si nous ne possédons pas les brouillons de ses communications au Secrétaire d’État Falck, il est probable que Stassart y plaidait la cause de différentes personnes.
La réaction de Falck n’est guère étonnante. En tant que Secrétaire d’État du Royaume des Pays-Bas, il ne pouvait que manifester son désir d’accueillir les protestants. Les autorités de ce Royaume multiconfessionnel comprenant un Sud (en gros, nos régions) à grande majorité catholique et un nord (les Pays-Bas actuels) essentiellement protestant avec une importante minorité catholique, ne pouvaient que pratiquer une politique basée sur le pluralisme et la tolérance. La situation était donc bien différente de celle de la France4 même si tout ne se déroula pas au mieux dans le meilleur des mondes. On sait en effet que dans le sud, des opposants refusaient par exemple l’accession des protestants à des fonctions officielles, ou encore que le roi Guillaume dut composer avec la résistance farouche de l’archevêque de Broglie. Certains ordres ne furent pas reconnus et leurs membres contraints à l’exil. Au milieu des années 1820 toutefois, la résistance violente a pratiquement disparu, même si une méfiance profonde régnait entre les deux confessions chrétiennes5.

1 CARBONNIER-BURKARD M., CABANEL P., Une histoire des protestants en France, Paris, Desclée de Brouwer, 1998, p. 124-126.
2 Il lui avait notamment envoyé une Défense des protestants du Bas-Languedoc (s.l., 1815, 16 p.).
3 BROWNING W.S., A History of the Huguenots, London, Whittaker, MDCCCXL, p. 286 ; LAUZE DE PÉRET C.R., Éclaircissement historique en réponse aux calomnies dont les protestants du Gard sont l’objet, Paris, Boulet, 1818.
4 Même si Louis XVIII était assurément plus modéré que les Ultras et freina autant que possible la réaction (cf. notre biographie de ce monarque dans l’exposition virtuelle).
5 WITTE E., Le Royaume perdu. Les orangistes belges contre la révolution (1828-1850), Bruxelles, Samsa, p. 27-29 (Traduction du néerlandais par Anne-Laure Vignaux).

« Anton Reinhard Falck », in FREDERIKS J.G., VAN DEN BRANDEN F.J., Biographisch woordenboek der Noord en Zuidnederlandsche letterkunde, 1888-1881, p. 246-247.

DE BEAUFORT W.H., « FALCK (Anton Reinhard) », in BLOK P.J., MOLHUYSEN P.C., Nieuw Nederlandsch biografisch woordenboek, 1911, deel 1, p. 845-847.

FALCK (Anton Reinhard), in VAN DER AA A.J., Biographisch woordenboek der Nerderlanden, Haarlem, J.J. van Brederode, 1859, deel 6, p. 32-35

JUSTE T., « Falck (Antoine-Reinhard, baron) », in Biographie nationale, Bruxelles, Bruylant, 1878, t. 6, col. 858-862.

QUETELET A., « Notice sur Antoine Reinhard Falck », in Annuaire de l’Académie royale des Sciences et Belles-Lettres de Bruxelles, Bruxelles, Hayez, 1844, p. 79-107.

Antoine-Reinhard, baron Falck

Né à Utrecht le 19 mars 1776, décédé à Bruxelles le 16 mars 1843. Il fit ses premières études à l’Athenaeum d’Amsterdam et les compléta ensuite à l’Université de Leyde pour y apprendre le droit. En 1799, il rendit une dissertation doctorale sur le mariage intitulée : De matrimonio. Il perfectionna encore ses études par un voyage en Allemagne en 1799 et en 1800. Deux ans plus tard, il se rendit en Espagne comme secrétaire de la délégation batave à Madrid. Cette délégation rappelée, Falck n’eut d’autre choix que le retour en Hollande qu’il retrouva érigée en République batave pour Louis Bonaparte. Falck eut l’avantage de plaire au nouveau souverain : il remplit les fonctions de secrétaire du ministère des Affaires étrangères et du département des colonies. Toutefois, lorsque Napoléon réunit la Hollande à l’empire français, Falck refusa toute collaboration. Il devint même très suspect à la police et cela à juste titre : en 1813 en effet, il joua un très grand rôle lors du soulèvement national contre la domination étrangère. Le prince d’Orange, qui deviendra plus tard Guillaume Ier, le récompensa en le désignant Secrétaire d’État. Falck prit une part considérable dans la fondation du nouveau Royaume des Pays-Bas mais aussi dans celles des Universités de Liège, de Louvain et de Gand. Il avait aussi participé au rétablissement de notre académie (1816) dont il deviendra membre en 1818. Il fut nommé ministre du Commerce, des Colonies, de l’Instruction publique et des Beaux-arts en 1820, charge qu’il assura jusqu’en 1824. Durant cette période, il continua de favoriser les sciences dans la partie méridionale du royaume. Comme Bruxelles ne possédait pas encore d’Université, il organisa des cours gratuit de niveau supérieur connu sous le nom de Musée des Sciences et des Lettres de Bruxelles. Cette institution avait pour professeurs rien moins que Quetelet, Dewez, Van de Weyer, etc. À l’extrême fin de son mandat, il eut également soin d’aider Quetelet dans son projet d’Observatoire. Le roi le nomma Ambassadeur à Londres en 1824. Il y resta jusqu’en 1832, très bien vu par les hommes d’État qu’il y rencontra.
Lorsqu’éclata la Révolution belge, il considéra bien vite comme inévitable la séparation du Nord avec le Sud. Il ne participa d’ailleurs jamais au mouvement contre révolutionnaire orangiste. En avril 1832, il est suspendu de tous devoirs politiques et revient à La Haye : il put reprendre ses lectures, correspondre avec des savants, etc. Après la signature du traité de Paix du 19 avril 1839 avec la Belgique, Guillaume Ier le nomma ministre plénipotentiaire des Pays-Bas à Bruxelles. Il continua à refuser de participer aux manigances du parti orangiste pour remettre la main sur les territoires belges. Sa présence fut très appréciée à Bruxelles et il eut à cœur de renforcer les liens avec la nouvelle monarchie belge. Il participait également à des séances de l’Académie où il avait conservé de belles amitiés. Il mourut à Bruxelles : sa dépouille fut transportée à Utrecht et descendue dans le caveau familial.

Lettre

Support : 1 feuille de papier

Hauteur : 208 mm
Largeur : 249 mm

Cote : 19345/700

Photographie

Tableau conçu par J.A. Kouseman, Iconografisch bureau, ‘s-Gravenhage

Cote : 15459