Lettre au baron de Stassart, 7 décembre 1845
Monsieur le Baron,
Je m’empresse d’avoir l’honneur de vous annoncer que le roi assistera, avec le plus grand plaisir, à l’installation de l’Académie réorganisée, le 16 de ce mois, à une heure.
Je suis, Monsieur le Baron,
Sylvain Van de Meyer
[Apostille en haut à gauche, de la main du baron de Stassart]
Reçu le 7 décembre 1845 et répondu le 9.
C’est en tant que membre de l’Académie (dont il fut élu correspondant en 1835, durant une période où l’Académie tentait de s’adjoindre des Belges de premier plan1) et non en tant que ministre de l’Intérieur que Sylvain Van de Weyer s’adressa au baron de Stassart en ce mois de décembre 1845. Il évoquait donc la séance du 16, réunion de toute première importance pour l’histoire de notre Académie et que le roi et le ministre de l’Intérieur honorèrent de leurs présences. Il s’agissait en effet d’entériner les différents arrêtés royaux du 1er décembre concernant la réorganisation de l’Académie. Il serait trop long d’énumérer le contenu de tous ces textes. Retenons toutefois les points principaux. De Académie royale des Sciences et Belles-Lettres de Bruxelles, notre institution devenait l’Académie royale des Sciences, des Lettres et des Beaux-Arts de Belgique. Comme son nom l’indique, elle comportait dorénavant trois classes : celles des Sciences (dédiée aux sciences physiques et naturelles ainsi qu’aux mathématiques), des Lettres et des Sciences morales et politiques (consacrée à l’histoire, à l’archéologie, aux littératures ancienne et moderne, à la philosophie et aux sciences morales et politiques) et une nouvelle des Beaux-Arts (traitant de la peinture, la sculpture, la gravure, l’architecture, la musique ainsi que des sciences et lettres en rapport avec les beaux-arts). Ces trois classes organisaient dorénavant leurs réunions séparément alors qu’avant cela, les deux anciennes classes s’assemblaient ensemble. Une seule réunion commune était prévue pour le mois de mai. Chaque classe comprenait trente membres, ce qui allait à l’encontre des volontés de Van de Weyer qui, dans un rapport au roi daté du 19 novembre 1845, suggérait à ce dernier d’attribuer 30 membres pour la Classe des Sciences, 50 pour celle des Lettres (dont il faisait partie…) et 10 seulement pour les Beaux-Arts.
D’autres arrêtés royaux également datés du 1er décembre apportaient d’autres nouveautés. Un prix quinquennal récompensant un travail relatif à l’histoire de Belgique était ainsi institué. Créée par arrêté royal du 22 juillet 1834, la Commission royale d’Histoire rejoignait les rangs de l’Académie. Enfin, celle-ci se voyait confier la mission de créer une biographie nationale dont le premier volume ne vit toutefois le jour qu’en 1866
On le voit, notre institution était profondément réformée et fonctionna telle quelle (à quelques détails près) jusqu’aux importantes réformes du début du XXIe siècle…
1 Voyez à ce sujet l’article d’Els Witte : « ‘Cet heureux privilège de ne connaître aucune barrière politique’. De Brusselse Academie tijdens de Scheiding van het Koninkrijk der Nederlanden en de wording van België (1827-1845)”, à paraître prochainement.
BARTELOUS J., Nos premiers ministres de Léopold Ier à Albert Ier 1831-1934, Bruxelles, Collet, 415 p. (préface de Pierre Harmel).
JUSTE T., Les fondateurs de la Monarchie belge : Sylvain Van de Weyer, Ministre d’État, etc. d’après des documents inédits, Bruxelles, 1871, 2 vol.
VANDER LINDEN H., « Weyer (Jean-Sylvain, van De », in Biographie nationale, Bruxelles, Bruylant, 1938, t. 27, col. 245-273.
VAN LENNEP J., Les bustes de l'Académie royale de Belgique : Histoire et catalogue raisonné, précédés d'un essai "Le portrait sculpté depuis la Renaissance", Bruxelles, Académie royale de Belgique, 1993, p. 316-317 (Mémoires de la Classe des Beaux-Arts : Collection in-8°, 3e série, t.6).
VAN MEERBEECK L., Inventaire des papiers de Sylvain Van de Weyer, Bruxelles, Archives Générales du Royaume, 1960, IX-27 p. (Inventaires [des] Archives Générales du Royaume = Inventarissen [van het] Algemeen Rijksarchief, 1960, no.129).
Jean Sylvain Van de Weyer
Né à Louvain le 19 janvier 1802, décédé à Londres le 23 mai 1874. Jean-Sylvain ou Sylvain Van de Weyer naquit au sein de la bourgeoisie louvaniste. Son père avait été capitaine des volontaires de Louvain lors de la Révolution brabançonne et, plus tard, huissier et commissaire de police de la même ville. La famille se déplaça toutefois à Amsterdam lorsque le père fut nommé commissaire spécial d’Amsterdam. Le jeune Sylvain y fréquenta l’école de marine de la même ville car on le destinait d’abord à une carrière de marin. Sitôt les troupes françaises parties, la famille Van de Weyer revint à Louvain. Sylvain s’inscrivit à la faculté de droit de la même ville en 1819. Il devint docteur en droit le 4 août 1823. Il décida alors de s’installer à Bruxelles. Outre qu’il y exerçait sa profession d’avocat, il se vit nommé bibliothécaire de la ville de Bruxelles en 1824. Il s’intéressait beaucoup à la philosophie et à la littérature et publia en 1827 un ouvrage sur François Hemsterhuis, philosophe néerlandais. L’année d’avant, il avait créé avec onze amis (dont Louis de Potter, Adolphe Quetelet et Philippe Lesbroussart) une Société belge pour la propagation de l’instruction et de la morale. Au barreau, il défendait des opposants au régime, même si les autorités tentaient de le gagner à leur cause. En effet, il fut nommé professeur d’histoire de la philosophie au Musée des Sciences et des Lettres de Bruxelles en 1827 : il y avait pour collègues Quetelet et Lesbroussart. La même année, on lui avait également attribué les fonctions de conservateur des manuscrits de la Bibliothèque de Bourgogne et de membre de la commission pour la publication des anciennes chroniques belges, embryon de la future Commission royale d’Histoire. La politique l’intéressait de plus en plus, ce qui lui valut de fréquenter le baron de Stassart et de défendre Louis de Potter. La condamnation de ce dernier à huit années de bannissement eut pour conséquence que Van de Weyer perdit son poste de conservateur des manuscrits de Bourgogne.
Quand les événements révolutionnaires éclatèrent, il participa aux pourparlers avec la maison d’Orange. En outre, il fit partie du comité central du gouvernement provisoire, chargé du pouvoir exécutif. Il se prononça pour la candidature du prince d’Orange au trône de Belgique et négocia en ce sens à Londres. Il fut élu membre du Congrès national par le district de Bruxelles et membre suppléant par celui de Louvain. Le gouvernement le nomma également président du comité diplomatique à la tête duquel il défendait les intérêts belges au sein des capitales anglaise et française. En février 1831, ralliant la majorité, il vota pour l’élection du Duc de Nemours comme roi de Belgique. À son initiative, le gouvernement provisoire proposa l’installation d’une régence. Surlet de Chokier le nomma provisoirement ministre des Affaires étrangères le 26 février 1831, poste qu’il occupa un peu plus d’un mois. Il se prononça ensuite pour l’élection de Léopold de Saxe-Cobourg-Gotha : il assista à l’inauguration du roi à Bruxelles le 21 juillet 1831. Il s’occupa ensuite de représenter la diplomatie belge auprès de la Cour de Saint-James. Son plus gros succès fut incontestablement la signature du Traité des XXIV articles reconnaissant l’indépendance de la Belgique (8 juin 1839).
Après la chute du cabinet Nothomb en juin 1845, il fut chargé de constituer un ministère d’union nationale : il en devint Premier ministre et ministre de l’Intérieur le 30 juillet. Cet ultime essai d’union des partis catholique et libéral fut éphémère et se maintint jusqu’au 31 mars 1831. Van de Weyer eut malgré tout le temps d’instituer les agrégés universitaires, de préparer la réorganisation des athénées et collèges et de favoriser la création de nouvelles écoles primaires par les communes. En outre, en collaboration avec Adolphe Quetelet, il avait participé à la réorganisation de l’Académie royale de Belgique (cf. analyse).
Il retourna ensuite à sa carrière diplomatique et collabora activement à la conclusion d’un traité de commerce entre l’Angleterre et la Belgique (27 octobre 1851). Il s’occupa également des pourparlers entre la Hollande et la Belgique au sujet de la libération de l’Escaut en 1863. Quatre ans plus tard, il participa aux tractations diplomatiques au sujet de la question du Luxembourg. Il offrit sa démission le 3 juin 1867 mais ne l’obtint que le 26. Il conservait son titre de ministre d’État décerné en 1863. Durant toutes ces années, il ne négligea pas les lettres et rédigea par exemple des Opuscules historiques, philosophiques et littéraires (Londres 1850). Il assista aux cérémonies du centenaire de l’Académie royale de Belgique (1872) dont il avait rejoint les rangs presque 40 ans avant (cf. analyse). Le 1er octobre 1876, la ville de Louvain lui éleva une statue, conçue par Guillaume Geefs.
Lettre
Support : 1 feuille de papier
Hauteur : 208 mm
Largeur : 275 mm
Cote : 19345/2009
Buste
Buste en marbre conçu par Guillaume Geefs