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Lettre au baron Goswin de Stassart, 10 juillet 1849

                                                                                                                                                                                                                                                                                                                   Laeken le 10 juillet 1849

 

                                                                                                                                                                Mon cher Baron de Stassart !
 

C’est avec une bien sincère affliction que je vous écris ces lignes, et je vous prie de croire que le fatal événement qui vous plonge dans une juste douleur, et vivement déploré par moi. Madame de Stassart a été une amie fidèle et c’est ainsi que la Reine et moi nous l’avons toujours considéré.

Je ne puis que faire des vœux pour que vous trouviez assez de forces pour résister à la douleur qui vous accable, et vous prie de croire aux sentiments affectueux que je vous porte

 

                                                                                                                                                                                     Léopold


[Enveloppe]

A Monsieur le Baron de Stassart &c &c à Bruxelles

La mort a ceci de particulier qu’elle pare très souvent une personne décédée d’une myriade de qualités. En outre, un oubli des défauts et des turpitudes semble être la règle générale, du moins dans un premier temps… C’est le cas ici, encore que Léopold ne reconnaît que la fidélité de la baronne de Stassart, dame de palais de Louise-Marie, la première reine des Belges. La correspondance de cette dernière est cruelle envers l’épouse de Goswin de Stassart. Elle écrivit en effet à sa mère, la reine des Français Marie-Amélie : « Madame de Stassart, pauvre chère femme ! Elle ne nous revient guère, ni au roi, ni à moi. C’est M.d.M1 qui nous en a affublés »2. Avant d’ajouter : « Monsieur de Stassart est président du Sénat, une des personnalités du pays »3, reconnaissant sans doute ainsi la raison politique de cette nomination. La collaboration entre le premier roi des Belges et le baron de Stassart dura un temps. Désirant se rapprocher de Bruxelles et de son épouse, ce dernier troqua son poste de Gouverneur de la province de Namur contre celui de Gouverneur du Brabant en 1834 à la suite de manœuvres peu honorables. Il est probable que Léopold Ier le récompensa de cette manière en espérant le voir jouer un rôle dans l’élimination de l’orangisme au sein de la maçonnerie belge. Lorsqu’il fallut pourvoir au poste de Grand Maître du Grand Orient de Belgique, Stassart répondait parfaitement aux vœux du roi : le président du Sénat était partisan d’une maçonnerie soutenant le pouvoir et ne s’occupant pas de politique. Stassart consulta le souverain en 1835 avant d’accepter le poste. Plus tard, suite à l’affaiblissement de l’orangisme et au désir du roi de se rapprocher du conservatisme catholique, ce dernier n’avait plus d’intérêt à soutenir la maçonnerie et, par conséquent, se ligua avec l’Église4 en 1838 pour priver Stassart de la présidence du Sénat. De plus, le baron de Stassart avait eu le tort de s’opposer à la politique du ministère de Theux. Il est curieux toutefois que Stassart ne se soit jamais douté du rôle du souverain dans son éviction5

1 Nous n’avons pas réussi à déterminer de qui il s’agit. S’agit-il d’un personnage des Tuileries qui selon Marie-Rose Thielemans appuyèrent en partie l’entrée de Caroline de Stassart à la cour ? Nous l’ignorons. (THIELEMANS M.-R., Goswin, baron de Stassart 1780-1854. Politique et Franc-maçonnerie, Bruxelles, Académie royale de Belgique, 2008, p. 463 (Mémoire de la Classe des Lettres, in-8°, 3e série, tome XLV, n° 2050).

2 KERCKVOORDE M., Louise d'Orléans : première Reine des Belges, Paris, Louvain-la-Neuve, Duculot, 1989, p. 41 (traduit du néerlandais par Lucienne Plisnier et Flooris Van Deyssel).

3 Idem.

4 L’Église qui, rappelons-le, avait condamné la maçonnerie en 1838 et interdit aux catholiques de fréquenter les loges (THIELEMANS M.-R., Goswin, baron de Stassart 1780-1854 (…), op. cit., p. 466.

5 THIELEMANS M.-R., Goswin, baron de Stassart 1780-1854 (…), op. cit., p. 465-466.

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Léopold Ier, roi des Belges

Léopold naquit à Cobourg le 16 décembre 17901. Il était le huitième fils de François, duc de Saxe-Cobourg-Saalfeld et avait donc peu de chance de régner un jour sur cette petite principauté qui se transforma en duché de Saxe Cobourg et Gotha en 1826 grâce à son grand frère Ernest. Léopold fut élevé dans la religion luthérienne. Il fit ses études sous la direction d’un pasteur du collège ducal. Il aimait particulièrement l’histoire politique, les langues vivantes et la mécanique. La musique, très en vogue au sein de la cour, l’intéressait également. Comme dans toutes les cours allemandes, son éducation militaire fut très soignée : il fut capitaine en 1797, colonel l’année suivante et général du régiment à cheval de la garde du tsar en 1801. En 1805, devant l’avance de Napoléon en terre allemande, il décida de participer au combat contre l’empereur mais la victoire d’Austerlitz le priva de son baptême du feu. Il fut au côté de son frère Ernest quand celui-ci défendit les intérêts de sa principauté à la cour de l’empereur. Celui-ci exigea le départ de Léopold de l’armée du Tsar, ce qu’il fit sans toutefois rejoindre les rangs français. De 1808 à 1812, Léopold poursuivit ses études et prit fait et cause pour la résistance allemande en 1812. Il réintégra les rangs de l’armée russe l’année suivante et s’y distingua plusieurs fois notamment à Connewitz, avant la bataille de Leipzig. Il participa également à la campagne de France et entra à Paris le 31 mars 1814 avec l’état-major entourant le tsar.
Après Waterloo, il fut désigné lieutenant général. Parallèlement à sa carrière militaire, il avait, en l’absence de son frère Ernest, gouverné le duché. Il fit mener des travaux publics et procéda à un assainissement des finances publiques. Il sut aussi soigner ses relations en fréquentant le tsar, les princes autrichiens, Metternich et fut familier de la reine Hortense et de l’impératrice Joséphine. Il conclut un mariage avantageux avec Charlotte, héritière du trône d’Angleterre. Cette union ne fit pas long feux : après avoir mis au monde un enfant mort-né, la princesse Charlotte rendit l’âme. Naturalisé anglais, il continua toutefois à jouer un rôle politique durant les années suivantes. Il désirait toujours le pouvoir et une occasion se présenta à lui en 1830 quand la Grèce désirait un souverain. Soutenu par le gouvernement anglais, il accepta le trône le 11 février 1830 avant d’y renoncer le 21 mai car les frontières n’étaient pas délimitées précisément.
La Belgique avait également besoin d’un souverain après le rejet du prince d’Orange et du duc de Nemours et la régence de Surlet de Chokier. Léopold fut élu roi des Belges le 4 juin 1831 par 152 voix sur 196 votes exprimés. Il joua un rôle déterminant dans l’élaboration du traité des XVIII articles (préliminaires de paix avec la Hollande) et accepta définitivement la couronne le 26 juin. Il regrettait le peu d’étendue des pouvoirs royaux concédés par la constitution. N’ayant pu obtenir une révision de celle-ci, il fit contre mauvaise fortune bon cœur en accentuant ses prérogatives. Centralisateur donc, conservateur et unioniste, il consolida les institutions de 1831 à 1848, étendit son influence en Europe de 1848 à 1862 et se survécut ensuite. Il suggéra des lois limitant la liberté de la presse, expulsa des étrangers indésirables et renforça la police. Il voulut éviter la mainmise du parlement sur l’exécutif : il n’avait aucune confiance dans les parlementaires et prenaient contact directement avec ceux-ci pour que fut menée une politique à sa convenance. Il n’appréciait pas davantage les partis, à ses yeux destructeurs de l’ordre social et dont les querelles pouvaient apporter de l’eau au moulin des puissances considérant la Belgique comme un problème. En politique extérieure, il voulut éviter tant les collusions franco-belges que la guerre générale qui aurait pu avoir raison de la Belgique. Il mena une habile politique matrimoniale en épousant lui-même Louise-Marie d’Orléans, en mariant son neveu Albert avec Victoria ou encore en essayant de placer des Saxe Cobourg sur les trônes vacants. Il voulut donner une valeur intangible aux traités de Vienne et de Londres. Il rendit son dernier soupir le 10 décembre 1865 à Laeken.

1 Pour cette notice, nous nous sommes inspiré de la notice d’Alois Simon parue dans la Biographie nationale et de celle reprise dans le dictionnaire dirigé par Hervé Hasquin (cf. orientation bibliographique).

Lettre

Support : une feuille de papier, bords dorés

Hauteur : 227,5 mm
Largeur : 379 mm

Cote : 19345/1161

Enveloppe

Hauteur : 83 mm
Largeur : 139 mm

Cote : 19345/1161

Portrait

Léopold. 1er Roi des Belges

Schubert Lith.e. Lith de Loux. Publié par Auguste Wahlen. Iconographie des contemporains.

Hauteur : 246 mm.
Largeur : 165 mm

Cote : 19345/1161