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Lettre au baron Goswin de Stassart, 14 février 1806

Enregistrée n°

Division

Bureau

Réponse au n° d’entrée

Observation Importante

On est invité à rappeller en marge de la réponse l’indication du bureau et le n°
d’enregistrement


 

Paris le 14 février an 1806.


 

Le Ministre des Cultes

Grand Officier de la Légion d’honneur

 

À Monsieur de Stassart, auditeur du Conseil d’État, intendant du Tyrol



Je suis très sensible, Monsieur l’auditeur intendant, à votre bon souvenir et aux vœux que vous m’adressez à l’occasion du renouvellement de l’année. Vous avez été témoins oculaire d’une partie des grandes choses qui ont mis les cent jours de l’an 14 au dessus des plus belles années de l’histoire. Ce privilège que tout le monde n’a pu partager avec vous, vaut bien que l’on vous en félicite.

Je vous reverrai, Monsieur, avec plaisir, lorsque les fonctions honorables que vous remplissez vous auront rendu à la mère patrie

Recevez, en attendant, l’assurance de ma considération distinguée.



 

Portalis

Portalis répond ici à une lettre de vœux du baron de Stassart pour le nouvel an 1806. Signalons que c’est précisément le 1e janvier 1806 que fut officiellement abandonné le calendrier républicain1. Le ministre des Cultes évoque donc les cents jours de l’an XIV, soit la période s’étalant du 1 vendémiaire (23 septembre 1805) au 10 nivôse (31 décembre 1805). On peut raisonnablement penser que les « grandes choses » évoquées par Portalis sont les batailles d’Ulm (19 octobre 1805), de Trafalgar (21 octobre 1805) et d’Austerlitz (2 décembre 1805), toutes remportées par Napoléon et ses hommes. Quand Portalis évoque une partie des « grandes choses » dont Goswin de Stassart fut témoin oculaire, il a peut-être à l’esprit des vers que l’intendant du Tyrol avait fait imprimer dans divers journaux2 suite à son passage par le champ de bataille de Gunzbourg, à vingt kilomètres d’Ulm où, le 9 octobre, le maréchal Ney battit les autrichiens. Ces vers étaient dans l’air du temps, tout à la gloire de Napoléon comme on pouvait l’attendre de la part d’un de ses serviteurs :
« En parcourant ces lieux, théâtre de la guerre,
Je croyais voir l’effroi, le deuil et la misère
Affreux cortège du vainqueur
Je trouve un peuple heureux et plein de confiance,
Qui cultive ses champs et bénit la clémence
Du héros pacificateur »3.
Nous n’avons trouvé trace d’une quelconque entrevue entre Portalis et Stassart à son retour du Tyrol. Du reste, le jurisconsulte trépassa peu de temps après en août 1807. La nature des liens unissant les deux hommes nous a également échappé, les biographies du père du Code civil dépouillées par nos soins et la dernière en date consacrée au baron de Stassart ne disant rien à ce sujet.


1 LIRIS E., « Calendrier révolutionnaire », in SOBOUL A. (dir.), Dictionnaire historique de la Révolution française, Paris, Presses universitaires de France, 2005, 1989, p. 179-180 (rééd. Quadrige, 2005).

2 Le Journal de Paris, le Courrier des Spectacles, Le Bulletin et Les petites annonces.

3 THIELEMANS M.-R., Goswin, baron de Stassart 1780-1854. Politique et Franc-maçonnerie, Bruxelles, Académie royale de Belgique, 2008, p. 61, 62 (Mémoire de la Classe des Lettres, in-8°, 3e série, tome XLV, n° 2050). Bien entendu, Stassart a peut-être mentionné ce dont il a été témoin dans sa missive du début 1806. N’ayant pu disposer de document, nous ne pouvons rien affirmer avec certitude.

CHARTIER J.-L. A., Portalis le père du Code civil, Paris, Fayard, 2004, 441 p. (préface de Jean Tulard).

Le discours et le code : Portalis, deux siècles après le code Napoléon
, Paris, Litec, 2004, LXVI-398 p.

D’ONARIO J.-B., Portalis l’esprit des siècles, Paris, éditions Dalloz, 2005, 365 p. (préface de Marceau Long).

DUCOUDRAY É, « Portalis », in SOBOUL A. (dir.), Dictionnaire de la Révolution française, Presses universitaires de France, 1989, p. 853-854.

GAGNEBIN B., Portalis, Genève, Librairie de l’Université, 1956, 21 p.

GANGHOFER R., « Portalis », in AMBRIÈRE M., Dictionnaire du XIXe siècle européen, Presses universitaires de France, Paris, 1997, p. 934²

LEDUC É, Portalis : une grande figure de l'histoire napoléonienne (1746-1807), Saint-Brieuc, Presses bretonnes,  VIII-365 p. (coll. Panthéon).

LANGLOIS C., « Portalis (Jean-Étienne-Marie) », in TULARD J. (dir.), Dictionnaire Napoléon, Paris, Fayard, 1999, vol. 2, p. 539-542.

LAVOLLÉE R., Portalis, sa vie et ses œuvres, Paris, Didier, 1869, IV-380 p.

LONG M., MONIER J.C., Portalis, l’esprit de justice, Paris, Éditions Michalon, 1997, 120 p. (coll. Le bien commun).

PLESSER M.A., Jean Etienne Marie Portalis und der Code civil, Berlin, Duncker & Humblot, 1997, 246 p. (coll. Freiburger Rechtsgeschichtliche Abhandlungen, Neue Folge, 28)

SCHIMSÉWITSCH L.; Portalis et son temps. L’homme. Le penseur. Le législateur, Paris, Les presses modernes, 1936, 351 p. (thèse pour le Doctorat en Droit, Université de Paris).

Jean-Étienne-Marie Portalis

Né au Beausset (Var, France) le 1er avril 1746, décédé à Paris le 25 août 1807. Portalis naquit dans un millieu aisé : sa mère (Marie Magdelaine David) était la fille d’un notable local et son père (Étienne), était professeur de droit canon à l’université d’Aix1. À l’âge de sept ans, il fut envoyé au collège de l’Oratoire à Toulon, puis, du fait d’une maladie, à celui de Marseille. Il s’y fit remarquer par ses talents et fut initié aux philosophes du siècle par les oratoriens. À seize ans, il quitta cet établissement et voulut faire carrière au barreau. Il rejoignit donc les rangs de l’université d’Aix-en-Provence. Ses études brillantes furent menées sous la direction de Jean Joseph Julien, un jurisconsulte réputé. En 1765, vainqueur des épreuves de droit canon, de droit romain et d’histoire des institutions de l’Antiquité, il rejoignit le parlement d’Aix en tant qu’avocat. En 1778, il devint assesseur, soit l’un des quatre administrateurs de la Provence. Dix ans plus tard, il fut désigné porte-parole des avocats aixois et rédigea les protestations de ces derniers suite aux édits de Lamoignon. Il montrait par là sa proximité avec la noblesse parlementaire. En 1789, on lui demanda de représenter le tiers aux élections. Les intrigues de Mirabeau, exclus de la noblesse en raison de ses débauches, l’empêcha de briguer ce poste. Il revint à sa carrière d’avocat un temps puis se retira dans sa maison de campagne, découragé par l’évolution de la Révolution et peiné de la suppression du parlement ainsi que de la partition de la Provence en trois départements. Il accueillit des nobles, des magistrats et des prêtres poursuivis et cela se sut. Face aux intimidations de toute sorte (incendie, etc), il dut se résoudre à quitter sa maison de campagne et se rendit à Aix dans un premier temps et à Lyon ensuite où il reprit sa profession d'avocat. Cela ne fut pas sans problèmes puisque son frère (David) fut décrété d’arrestation par l’Assemblée législative. Il ne put rejoindre son cabinet à plusieurs reprises et se fit le plus discret possible. Il sortit de sa réserve cependant après l’exécution de Louis XVI en composant en janvier 1793 une défense du souverain défunt. Sa situation s’aggrava de suite et il dut quitter Lyon en juillet. Il fut arrêté à Paris le 31 décembre et accusé d’être contre-révolutionnaire. Il évita toutefois un emprisonnement à la Conciergerie grâce à une connaissance mais fut dénoncé à Robespierre. Celui-ci apposa son nom sur une liste des supects pour l’accusateur public Fouquier-Tinville : Jean Étienne Marie ne dut sans doute son salut qu’à la chute du premier le 9 thermidor an II (27 juillet 1794). Sa carrière politique commença ensuite avec le Directoire : il fut élu grâce au vote conservateur de Paris et par le Var. Du fait de son âge, il siégeait au Conseil des Anciens et défendit avec force l’abolition de la législation frappant les émigrés et les prêtres réfractaires. Il se montra également partisan de la liberté de la presse et se prononça pour la suppression des clubs. Après les élections de l’an V, il fut élu président au Conseil des Anciens. Monarchiste modéré, le coup d’État du 18 fructidor an V lui fut forcément funeste et le contraignit à l’exil en Holstein. Il y séjourna deux ans et y côtoya des émigrés français. Il apprit à mieux connaître la philosophie allemande, Herder notamment. Il développa sa pensée dans un ouvrage paru après sa mort et intitulé : De l’usage et de l’abus de l’esprit philosophique durant le XVIIIe siècle. Il s’y montrait critique envers ce siècle tant pour les systèmes élaborés que pour la Révolution. Tout en répugnant à toute intervention populaire dans le débat public, il approuvait toutefois certaines réformes ayant eu pour conséquence l’égalité de tous devant la loi et devant l’impôt.
Suite au coup d’État du 18 brumaire an VIII (9 novembre 1799) de Napoléon Bonaparte, Portalis regagna la France. Il fut présenté à Bonaparte : Jean Étienne Marie, dès la campagne d’Italie, avait pressenti que ce jeune général pouvait procéder à une régénération de l’État. Bonaparte le nomma dans un premier temps commissaire du gouvernement près du conseil des prises. Ses mérites étaient enfin reconnus et Jean Etienne Marie voua de ce fait une admiration sans borne à Bonaparte. Il afficha en public une fidélité sans faille : il approuva la répression envers les ennemis du régime, défendit le projet de consulat à vie, prôna l’établissement de l’hérédité pour la famille de l’Empereur, etc. Il faut préciser que Bonaparte lui accorda les plus hautes responsabilités, notamment la plus grande partie de la rédaction du Code civil dont les derniers textes furent adoptés le 30 nivôse an XII (21 mars 1804). Portalis s’occupa aussi de la mise en œuvre du concordat de 1801 réglant les rapports entre l’Église catholique et la France. Cela ne fut pas sans mal : « philosophe sans impiété et religieux sans fanatisme », Portalis dut faire accepter par les milieux romains la prééminence de l’État, le refus d’accorder au catholicisme le statut officiel de religion dominante, une théorie du mariage civil à fort ton gallican ou encore une condamnation sans appel de l’ordre monastique. Il obtint cependant la reconnaissance des responsables religieux (les évêques en particulier) pour avoir obtenu l’autonomie dans leur action pastorale, la direction du clergé et la réintroduction progressive du respect de la religion dans l’esprit du peuple. Tout ce travail, notamment à la tête du ministère des Cultes (à partir du 10 juillet 1804) n’en provoqua pas moins l’impatience de l’empereur. Pour aider Portalis, il proposa de nommer près de lui son fils Joseph-Marie pour l’aider en tant que secrétaire général. La santé du ministre restait toutefois médiocre et il mourut le 25 août 1807. Il eut droit à des obsèques grandioses à Paris et sa dépouille fut déposée au sein du Panthéon.


1 Pour cette notice, nous nous sommes inspiré principalement de la notice de Claude Langlois et de la biographie de Jean-Luc A. Chartier (cf. orientation bibliographique).

Lettre

Support : une feuille de papier, un pli

Hauteur : 230 mm
Largeur : 390 mm

Cote : 19345/1529

Portrait

Jean Étienne Marie Portalis

Lithographie de Delpech, Paris (avec une signature de Portalis en fac-similé)

Hauteur : 273 mm.
Largeur : 178 mm

Cote : 19345/1529