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Lettre au baron Goswin de Stassart, 25 mars 1838

                                                                                                                                                                     Monsieur le Baron

Je vous dois mille remerciements pour les deux intéressants volumes que vous m’avez fait l’honneur de m’adresser. Il appartient à bien peu d’homme de se faire lire avec le même attrait-et dans les Fables, et dans un tableau des progrès de la civilisation. On dit que la poésie et la philosophie sont sœurs. Vous avez épousé les deux sœurs, Monsieur, et elles vous traitent également bien.
Agréez, je vous prie, l’assurance bien sincère de ma haute considération.

Guizot


Paris, 25 mars 1838

[apostille du baron de Stassart en haut à gauche]
Sans réponse

La personne familière de la correspondance du baron de Stassart sait très bien que ce dernier avait pour habitude d’envoyer des exemplaires de ses fables à certains de ses correspondants. Ces fables connurent un grand succès en leur temps, y compris en dehors de la France et de la Belgique. Elles furent traduites en néerlandais, en allemand, en anglais, en suédois, en provençal et même en liégeois et en namurois1. Il est probable que la sixième édition de ces fables parue en 18372 fut envoyée à l’ancien ministre de l’Instruction publique. Quant à l’autre ouvrage mentionné par François Guizot, il s’agit certainement des Pensées de Circé3, ouvrage où le baron de Stassart se posait en moraliste. Cet ouvrage connut plusieurs éditions et vit son nombre de pages augmenter considérablement de 1814 à leur quatrième éditon dans les Œuvres diverses éditées plus tard par le baron de Stassart4.
Signalons que François Guizot fut élu membre associé de notre académie (Classe des Lettres et des Sciences morales et politiques) le 9 février 1846 après avoir obtenu onze voix, soit une courte majorité. Il le fut avec deux autres français : François-Auguste Marie Mignet (dix-huit voix) et Arthur Martin Dinaux (13 voix)5. Il ne participa à aucuns travaux de notre Compagnie et n’y vint jamais.

1 THIELEMANS M.-R., Goswin, baron de Stassart 1780-1854. Politique et Franc-maçonnerie, Bruxelles, Académie royale de Belgique, 2008, p. 518 (Mémoire de la Classe des Lettres, in-8°, 3e série, tome XLV, n° 2050).
2 DE STASSART G., Fables, Paris, Lacrosse, 1837. 402 p.
3 Ou plus exactement : Cent soixante-deux pensées, maximes, réflexions, observations, etc., extraites des mémoires sur les mœurs de ce siècle, par Circé, chienne célèbre, membre de plusieurs sociétés savantes. La bibliothèque Stassart de notre institution en conserve trois éditions : deux de 1814 (Paris, Didot ; Bruxelles, Stapleaux) et une de 1815 (Bruxelles, Stapleaux).
4 THIELEMANS M.-R., Goswin, baron de Stassart (…), op. cit., p. 520, 522.
5 Archives de l’Académie royale de Belgique, 9320.

Actes du colloque François Guizot, Paris, 22-25 octobre 1974, Paris, Société de l'histoire du protestantisme français, 1976, 511 p.

BILLARD J., De l'école à la République : Guizot et Victor Cousin, Paris, Presses Universitaires de France, 1998, 232 p.

DE BROGLIE G., Guizot, Paris, Perrin, 2002, 549 p.

ROSANVALLON P., Le moment Guizot, Paris, Gallimard, 1985, 414 p. (coll. Bibliothèque des sciences humaines)

THEIS L., François Guizot, Paris, Fayard, 2008, 553 p.

THEIS L., Guizot, la traversée d'un siècle, Paris, CNRS éditions, 2014, 198 p.

VALENSISE M. (dir.), François Guizot et la culture politique de son temps : colloque de la Fondation Guizot-Val Richer, Paris, Gallimard, Le Seuil, 1991 320 p. (préface de François Furet).

François Pierre Guillaume Guizot

Né à Nîmes le 4 octobre 1787, décédé au Val-Richer (France) le 12 septembre 1874. François Guizot naquit au sein d'une famille de la bourgeoisie cévenole, aussi aisée que profondément calviniste1. Premier des deux fils d’Élisabeth Bonicel et d’André Guizot, le jeune François eut la douleur de perdre son géniteur assez tôt. Avocat girondin prometteur, ce dernier fut en effet guillotiné le 8 avril 1794. Fuyant une existence précaire, la mère et ses deux orphelins rejoignirent Genève cinq ans plus tard. François revint à Paris durant l’automne 1805 pour y faire le droit, avec l’espoir de prendre la succession de son père à Nîmes. Toutefois, son intelligence subjugua les salons et les cercles littéraires parisiens. Jean-Baptiste Suard, pilier de l’Institut, l’initia au journalisme et l’appuya pour une chaire d’histoire à la faculté des lettres de Paris en 1812. Pour obtenir ce poste, Guizot s’était livré à une nouvelle édition de l’Histoire de la décadence et de la chute de l’Empire romain de Gibbon, conçue en collaboration avec sa première femme, Pauline de Meulan. Il ne se contenta pas de ce travail et conçut d’autres traductions, plusieurs livres et de nombreux articles
La chute de l’Empire lui fut très favorable. Il entra en politique en devenant secrétaire général du ministère de l’Intérieur détenu par l’abbé de Montesquiou. Il reprit toutefois son poste de professeur lors du retour provisoire de Napoléon. Il ne renonça cependant pas à la politique en tentant de minorer l’influence des ultra-royalistes autour de Louis XVIII. Il se positionna d’ailleurs à la gauche du spectre politique dès le début de la Restauration, tout en cumulant les postes de conseiller et maître des requêtes du Conseil d’État, etc. En 1816, il écrit son premier texte polémique intitulé : Du gouvernement représentatif et de l’état actuel de la France. Il y plaidait pour une monarchie constitutionnelle inspirée du modèle anglais. Sa volonté de donner une interprétation libérale de la Charte poussa Guizot à rejoindre un groupe de personnalités que l’on nomma les « doctrinaires », où le futur ministre de l’Instruction publique se montra le plus actif. C’est ce courant qui influença fortement le nouveau ministère de décembre 1818. Celui-ci tomba juste après l’assassinat du duc de Bury, le 13 février 1820 : les ultras prirent alors le pouvoir jusqu’à la fin de la Restauration. Guizot n’eut d’autre choix que de rejoindre l’opposition et se consacra également à son œuvre d’historien en écrivant notamment une Histoire de la Révolution d’Angleterre, une Histoire de la civilisation en Europe, etc. Il fut considéré comme le plus grand professeur d’histoire de son temps et ce rang ne lui fut jamais contesté. Il prit également la plume pour attaquer le gouvernement, provoquant l’ire de la droite. Cela ne pouvait que faire réagir les autorités qui suspendirent la chaire de Guizot de 1822 à 1828. À la fin de 1827, il créa l’association : aide-toi, le ciel t’aidera, chargée d’organiser l’action des libéraux pour les élections. Député de Lisieux en janvier 1830, il combattit le ministère Polignac et rédigea les protestations des députés suite à la parution des ordonnances de juillet.
Il rejoignit le premier gouvernement de la Monarchie de juillet en tant que ministre de l’Intérieur. Il était maintenant conservateur et s’opposait aux partisans d’une politique plus démocratique du régime. Ministre de l’Instruction publique de 1832 à 1837, il organisa l’enseignement primaire avec la loi du 28 juin 1833 qui obligeait chaque commune à ériger une école primaire pour garçons dirigée par un fonctionnaire public. Son ministère étant en quelque sorte un ministère de la Culture avant l’heure, il avait la tutelle de l’Institut, de la Bibliothèque royale, etc. Il ressuscita l’Académie des Sciences morales et politiques et créa le Service des monuments historiques et la Société d’histoire de France. Trop intransigeant aux yeux de ses collèges, il dut quitter le gouvernement en avril 1837. Le pouvoir le rappela pour lui offrir un poste d’ambassadeur à Londres en 1840. En octobre, il fut rappelé à Paris où on lui confia le maroquin des Affaires étrangères avec pour mission de rectifier les imprudences de son prédécesseur Thiers. Bien vite, il s’empara de la réalité du pouvoir en gouvernant avec le roi. Sa politique était toujours conservatrice et opposée à l’élargissement de la base électorale. Il tomba avec la Monarchie de juillet. Il ne revint jamais dans l’arène politique et consacra sa retraite à son œuvre, en rédigeant notamment ses Mémoires pour servir à l’histoire de mon temps.

1 Pour cette notice, nous nous sommes inspiré principalement de la biographie conçue par Laurent Theis parue chez Fayard (cf. orientation bibliographique).

Lettre
Support : une feuille de papier

Hauteur : 208 mm
Largeur : 259 mm

Cote : 19345/883

Portrait
« Guizot » ; avec une signature en fac-similé ; Lith. de Delpech.

Hauteur : 275 mm
Largeur : 181 mm

Cote : 19345/883