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Lettre au baron Silvercruys, 10 novembre 1948

THE WHITE HOUSE

                   Washington

 

U.S. Naval Base,

Key West, Florida,

November 10, 1948.

 

 

My dear Mr. Ambassador :

                I have received your gracious note of November 5th conveying to me the congratulations of the Prime Minister of Belgium upon my election, to which you have courteously added your own felicitations. Please express to Mr. Spaak my gratitude for this message from one of the world’s great statesmen and accept, MR. Ambassador, the assurance of my sincere appreciation of your own cordial sentiments.

Very sincerely yours,

Harry S. Truman

 

His Excellency,

Baron Robert Silvercruys,

Belgian Ambassador,

Washington, D.C.

 

[traduction]

 

THE WHITE HOUSE

                   Washington

 

U.S. Naval Base,

Key West, Floride,

No10 novembre 1948.

 

Monsieur l’Ambassadeur,

J’ai reçu votre note du 5 novembre me transmettant les félicitations du Premier ministre de Belgique au sujet de mon élection, auxquelles vous avez courtoisement ajouté les vôtres. Je vous prie de transmettre toute ma gratitude à Monsieur Spaak que je considère comme l’un des plus grands hommes au monde. Je vous prie d’accepter, Monsieur l’ambassadeur, l’assurance de mon appréciation sincère de vos sentiments cordiaux.

 

Très sincèrement,

Harry S. Truman

 

Son excellence

Le baron Robert Silvercruys,

Ambassadeur belge,

Washington D.C.

À la lecture du document ci-dessus, d’aucuns pourraient songer qu’il ne s’agit là que d’un exemple parmi tant d’autres de langage diplomatique suite à une lettre de félicitation envoyée au président américain pour son élection réussie. Cette dimension n’est évidemment pas à écarter mais l’estime de Truman pour Spaak était bien réelle. Il faut dire que ce dernier avait joué un rôle clef dans l’application du Plan Marshall et que sa politiue rencontrait les intérêts américains. À Washington, on avait d’ailleurs décrit le politicien belge à Truman comme « Vigoureusement anti-communiste, il est sans doute le plus habile homme d’État d’Europe »1. Surtout, en ce mois de novembre 1948, le discours de Spaak du 28 septembre de la même année devant une assemblée de l’ONU, en réponse à une intervention d’Andrei Vychinsky (URSS) devant le même aéropage trois jours auparavant, était sans doute encore dans toutes les têtes. Le diplomate soviétique avait, entre autres reproches, dénoncé le plan Marshall et le traité de Bruxelles (17 mars 1948) créant une union défensive liant la France, le Royaume-Uni et les pays du Benelux. Le 28 septembre, Spaak, fraichement élu président de la première commission de l’ONU, défendit le plan Marshall et le caractère défensif du traité de Bruxelles. Il assurait ensuite que la délégation soviétique ne devait pas chercher d’explications compliquées à la politique des pays susdits. Spaak conclut que cette dernière n’était mue que par la peur : « la peur de vous, la peur de votre gouvernement, la peur de votre politique ». Le retentissement de ce discours fut énorme, notamment à Washington2. L’estime de Truman pour Spaak ne semble pas s’être affaiblie par la suite puisque l’on rapporta à ce dernier en 1956 les propos suivants : « I Like very much M. Spaak indeed. And you know why ? Because he has guts. »3.

 

1 Memorandum de Lovett pour le président, octobre 1947 (in DUMOULIN M., Spaak, Bruxelles, Éditions Racine, 1999, p. 424.

2 DUMOULIN M., Spaak, op. cit., p. 420-423.

3 Ibidem, p. 705.

FERREL R.H., Harry S. Truman : a life, Columbia ; London, University of Missouri Press, 1994, XIV-501 p. (coll. Missouri biography series).

HAMBY A.L., Man of the people : a life of Harry S. Truman, New York, Oxford, Oxford University Press, 1995, XV-760 p.

HAMBY A.L., Beyond the New Deal : Harry S. Truman and American liberalism, New York, London, Columbia University Press, 1973, XX-635 p. (coll. Contemporary American history series)

LACEY M.J., The Truman presidency, Cambridge, Cambridge University Press, 1989, IX-458 p. (coll. Woodrow Wilson center studies).

NOUAILHAT, Y.-H., Truman, un chrétien à la Maison Blanche, Paris, Cerf, 2007, 201 p.

SPALDING E.E., The first cold warrior : Harry Truman, containment, and the remaking of liberal internationalism, Lexington, University Press of Kentucky, 2006, IX-323 p.

Harry S. Truman

Harry S Truman naquit le 8 mai 1884 à Lamar (Missouri) : il était le premier des trois enfants de John Truman, agriculteur et marchand de bétail du Missouri, de tendance démocrate. Le jeune Harry fut diplômé du lycée d’Independence en 1901. Il n’eut jamais de diplôme universitaire. Il travailla ensuite pour une compagnie de chemin de fer puis dans un journal intitulé Kansas City Star. Il rejoignit ensuite la ferme familiale et y resta jusqu’en 1917 où il rejoignit les rangs de l’armée. Il devint officier puis commandant dans un régiment d’artillerie en France. Il se signala par son sens du commandement, ce qui l’aida considérablement par la suite.

De retour au pays, il épousa Bess Wallace avec qui il eut un seul enfant, Mary Margaret. Il ouvrit un magasin de mercerie mais fit faillite en 1921. L’année suivante, avec l’aide de l’appareil politique démocrate, il fut élu juge de la cour du Comté de Jackson, fonction administrative et non judiciaire. Il fut élu président de la même cour quelques temps plus tard et réélu en 1930. Il fit mener un politique ambitieuse de travaux publics en faisant notamment construire quantité de routes. En 1933, il fut nommé directeur du programme fédéral d’emploi dans le Missouri : il était ainsi récompensé du vote de Kansas City pour Franklin D. Roosevelt. À cette occasion, Truman se rapprocha de l’entourage du président et apporta un soutien sans faille au New Deal.

Il fut élu sénateur du Missouri en 1934 et fut confirmé lors des élections de 1940. Durant la guerre, il se fit remarquer par ses enquêtes au sein de l’appareil militaire. Sa dénonciation des gaspillages et de la corruption le rendit populaire. Le parti démocrate parvint à imposer Truman pour la vice-présidence lors des élections de 1944. Le binôme Roosevelt / Truman sortit vainqueur des élections. Jusqu’à sa mort, Roosevelt rencontra peu son vice-président. Celui-ci fut très superficiellement informé de la marche de l’État et ne connaissait même pas le programme nucléaire des États-Unis. Il bénéficia d’une grande popularité, d’autant plus qu’il annonça la capitulation allemande du 8 mai 1945. Il prit la décision d’utiliser l’arme nucléaire contre le Japon : l’utilité réelle ou supposée de ces deux bombardements est actuellement l’objet de polémiques. Après la guerre, sur le plan intérieur, il poursuivit la politique de Roosevelt, même si il dut composer avec l’opposition des Républicains. En politique étrangère, il se prononça pour la création des Nations Unies. Suite à l’expansion de l’URSS en Europe de l’Est, il se montra ferme avec ce pays et mena une politique d’endiguement des Soviétiques. Il aida la Grèce et la Turquie à se prémunir contre l’influence communiste et imposa le plan Marshall.

Les élections de 1948 s’annonçaient mal, tant il était contesté, même dans son propre camp. Il réussit malgré tout à se faire réélire et proposa en 1949 son programme de Fair Deal, basé sur des économies intérieures. Son application ne sera que partielle, au contraire de la chasse aux sorcières contre les communistes (supposés ou réels) organisée par le sénateur McCarthy. Sur le plan international, il réussit à contenir l’influence chinoise et envoya des troupes en Corée du Nord en 1950. Un an auparavant, il eut à son actif la création de l’OTAN. Son impopularité l’empêcha de briguer un nouveau mandat. Il eut des difficultés financières à la suite de son passage à la Maison blanche : à l’époque en effet, rien n’était prévu pour la retraite des présidents américains. On finit par voter un régime de retraite pour les présidents qui le sortirent de la gêne. Signalons encore qu’il fit créer une bibliothèque présidentielle en rassemblant des fonds privés. Il succomba d’une pneumonie le 26 décembre 1972.

Support : une feuille de papier de la Maison blanche

Hauteur : 224 mm
Largeur : 352 mm

Cote : ARB Archives Spaak - caisse 44 - farde 554