Lettre au cardinal Salviati, 31 janvier 1791

Mon cousin, les nouveaux témoignages que vous me donnez de votre attachement à ma personne dans ce renouvellement d’année, justiffient l’opinion que j’avois déjà de vos sentiments ; la manière dont vous les exprimez est très satisfaisante pour moi et me fait désirer les occasions de vous donner des marques de l’estime particulière que j’ai pour vous. Sur ce je prie Dieu qu’il vous ait, mon cousin, en sa sainte et digne garde. Ecrit à Paris le 31 janvier 1791.
Marie Antoinette

Beaugeard

[1 cachet postal]



[Adresse au verso]
à mon cousin le cardinal Salviati

D'après quelques photographies de lettres de Marie-Antoinette présentes dans la littérature, la seule partie de cette lettre nous semblant de la main de la reine est bien la signature1. Une signature dont « Antoinette » est écrite avec une majuscule, ce qui était plutôt rare dans le chef de Marie-Antoinette qui laissait souvent une minuscule au début de la seconde partie de son nom. Cependant, il y a peu de doute quant à l’authenticité de cette signature : la forme de chaque lettre peut aisément se retrouver dans d’autres documents et les deux prénoms ne sont pas parfaitement horizontaux, comme il était de règle dans les écrits de Marie-Antoinette.

Elle semble répondre à une lettre de vœu pour la nouvelle année envoyée par le cardinal Salviati, un cardinal dont nous savons peu de chose, les grandes encyclopédies restant muettes à son sujet2. Nous savons cependant qu’au moment où la reine apposait son paraphe au document, il était cardinal-diacre de l’église Santa Maria in Via Lata à Rome3, mais rien de plus. Nous ne possédons en outre aucun indice au sujet d’un quelconque lien de parenté entre la reine et son destinataire qu'elle appelle « Mon cousin ».

Nous en connaissons bien plus au sujet de l’autre signataire du document, Nicolas-Joseph Beaugeard, secrétaire des commandements de la reine4. Celui-ci semble avoir fait preuve toute sa vie d’une fidélité sans faille à la monarchie, même si il convient de prendre la seule notice en notre possession avec circonspection. Celle-ci contient au moins une erreur, à savoir que le poste de secrétaire des commandements de Beaugeard fut supprimé en 17905, ce que notre lettre tend à infirmer.

La suite de civilités reprises dans cette missive rend l’intérêt de celle-ci assez faible, surtout quand on connaît le contexte dans lequel elle fut rédigée. Nous avons vu en effet dans la notice biographique qu’à cette époque, plus précisément depuis l’hiver 1790-1791, Marie-Antoinette préparait activement un plan d’évasion avec le comte de Fersen. Quoique de moins en moins hostile à l’idée de quitter Paris, Louis XVI ne lui fut d’aucune aide et Marie-Antoinette savait pertinemment qu’il fallait lui présenter un projet solide devant lequel nul renoncement n’était possible. L’évasion fut près de réussir mais l’arrestation à Varennes fit échouer le plan, accélérant par la même occasion la chute de la monarchie6.

1 MARTIN J.C., BERLY C., Marie Antoinette, Paris, Éditions Citadelles & Mazenod, 2010, p. 366. Il existe aussi un petit cahier à la fin de l’ouvrage de Paul Vogt d’Hunolstein reprenant plusieurs lettres de la main de la souveraine (Correspondance inédite de Marie Antoinette, publiée sur les documents originaux, Paris, E. Dentu, 1868, CXVI-333 p., ill.).

2 Nous n’avons en effet rien trouvé à son sujet dans les ouvrages suivants : Dictionnaire de théologie catholique ; Lexikon für theologie und kirche, ; Dictionnaire d’archéologie chrétienne et de liturgie ; Catholicisme hier aujourd’hui et demain : New Catholic encyclopedia.

3 http://www.catholic-hierarchy.org/bishop/bsalviat.html

http://fr.wikipedia.org/wiki/Gregorio_Antonio_Maria_Salviati


4 ROMANT D’AMAT, « Beaugeard (Nicolas-Joseph) », in PREVOST, ROMANT D’AMAT, Dictionnaire de biographie française, t. V, 1951, p. 1086. CAMPAN, Mémoires sur la vie privée de Marie-Antoinette, rine de France et de Navarre ; suivis de souvenirs et anecdotes historiques sur les règnes de Louis XIV, de Louis XV et de Louis XVI, Paris, P. Mongie l’ainé, libraire ; Baudouin frères libraires, 1823, t. I, p. 299.

5 ROMANT D’AMAT, « Beaugeard (Nicolas-Joseph) », op. cit.

6 BERTIERE S., Les reines de France au temps des Bourbons. [4], Marie-Antoinette l'insoumise, Paris, Editions de Fallois, 2002, pp. 505-510. LEVER E., Marie-Antoinette : la dernière reine, op. cit., p. 83.

Monographies
BERTIERE S., Les reines de France au temps des Bourbons. [4], Marie-Antoinette l'insoumise, Paris, Editions de Fallois, 2002, 735 p.

D'AMARZIT P., Barnave, le conseiller secret de Marie-Antoinette, Paris, Le Semaphore, 2000, 302 p.

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LEVER E., Marie-Antoinette, Paris, Fayard, 1991, 733 p. (coll. Le grand livre du mois).

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Marie-Antoinette d'Autriche

Née à Vienne le 2 novembre 1755, décédée à Paris le 16 octobre 1793.

Marie-Antoinette d’Autriche est le quinzième enfant de l’impératrice Marie-Thérèse et de François-Étienne de Lorraine1. Trop occupée par ses fonctions, l’impératrice eut le soin d’ordonner à des gouverneurs de s’occuper de sa nombreuse progéniture. La gouvernante de Marie-Antoinette dut composer avec le caractère joyeux et pétulant de l’enfant : elle abrégeait les exercices de lecture et d’écriture mais ne transigeait pas sur l’enseignement des principes religieux, chers aux parents de la future reine de France. Marie-Thérèse désiraient que ses filles contractent des mariages susceptibles de profiter à la Maison d’Autriche. Quand Marie-Antoinette atteignit l’âge de 9 ans, l’impératrice eut pour projet de lui faire épouser l’héritier du trône de France, couronnant ainsi l’alliance contractée quelques années auparavant avec la monarchie française contre la Prusse et l’Angleterre. Louis XV se fit cependant quelque peu prier du fait de l’impopularité de l’alliance avec la maison d’Autriche qui s'était avérée peu profitable à la France. Il céda cependant et fit sa demande officielle le 13 juin 1769. Marie-Antoinette fait la connaissance du dauphin à Compiègne le 14 mai 1770 et, le surlendemain, les noces furent célébrées au château de Versailles. Ce mariage resta stérile dans un premier temps, Louis, renfermé, complexé et timide ne touchant pas sa jeune épouse. Celle-ci, dégoutée par la vie dépravée de Louis XV, se rapproche de Mesdames, filles du Roi et tantes de son mari. Toutefois, son image se ternit rapidement au sein de la cour, Marie-Antoinette se montrant trop peu soucieuse des usages de celle-ci. Elle s’attira l’inimitié de Madame du Barry (maîtresse de Louis XV) et un courant « anti-autrichienne » s’affirma à la cour. La mort de Louis XV le 10 mai 1774 propulsa le dauphin sur le trône, sous le nom de Louis XVI et Marie-Antoinette devint de facto reine de France. Maintenant à la tête de la cour, elle en modernisa le protocole et se fit des ennemis qui ne manquèrent pas de divulger les secrets de sa vie privée. Elle était trop dépensière également mais jouissait encore d’une belle popularité à Paris. Ses relations avec le roi se distendirent considérablement. Louis XVI et ses ministres se méfiaient du reste de l’influence que pouvait avoir l’impératrice Marie-Thérèse sur sa fille. Marie-Thérèse essayait en effet de faire jouer un rôle politique à sa fille mais celle-ci se délectait trop des plaisirs de la cour pour s’intéresser à la marche de l’Etat. L’impératrice envoya donc son fils l’empereur Joseph II qui eut pour mission de la rappeler à ses devoirs. Si Joseph II échoua dans cette entreprise, il eut le mérite de cerner la raison de l’infertilité du couple et recommanda au roi de se faire opérer. Le mariage fut par la suite parfaitement consommé et, le 18 décembre 1778, Marie-Antoinette donna naissance à une fille nommée Marie-Thérèse. Un deuxième enfant naquit le 22 octobre 1781 mais ce garçon mourut en juin 1789. Quelques années plus tard, le 27 mars 1785 pour être tout à fait précis, un second fils vit le jour, le futur Louis XVII. Signalons enfin que la reine accoucha d’une fille le 9 juillet 1786 mais celle-ci ne vécut que quelques mois.

Toutes ces naissances n’empêchèrent pas la popularité de Marie-Antoinette de pâlir aux yeux de l’opinion publique. Dès 1775, des pamphlets la décrivaient comme dépensière et légère. Plus grave : elle y était dépeinte comme l’agent de sa patrie d’origine. Par conséquent, les acclamations se faisaient de plus en plus rares sur son passage. Sa popularité fut d’autant plus écornée qu’éclata l’affaire du collier de la Reine, une escroquerie impossible à détailler ici2 mais qui compromit la reine au plus haut point bien qu’il est impossible dans l’état actuel des connaissances de se prononcer avec certitude sur les dessous de cette affaire3. Quoiqu’il en soit, celle-ci discrédita définitivement la reine aux yeux de l’opinion : on ne doutait pas de sa culpabilité et la popularité du roi en souffrit, lui qui défendit trop ouvertement son épouse.

Alors que les affaires de l’État l’avaient toujours ennuyée jusque-là, elle commença à jouer un rôle politique dès 1787, une époque noire pour la monarchie française à court d’argent. Elle se révéla d’un conservatisme borné et hors du temps, redoutant toutes reformes et considérant le pouvoir royal comme naturellement absolu. Elle apprit donc avec effroi le serment du Jeu de Paume et voulut avec le roi mettre un terme à la révolution naissante. Mais celle-ci était lancée et hors de tout contrôle, même royal. Pour prévenir toutes velléités contre-révolutionnaires, le peuple de Paris se rendit à Versailles et ramena la famille royale à Paris le 6 octobre. Ils s’installèrent aux Tuileries. La reine se montra peu par la suite, ce qui ne fit qu’aggraver encore son impopularité. Elle soutenait son mari dans son désir de restaurer son autorité et demanda au roi d’Espagne et à l’empereur de les aider dans ce sens : le premier lui répondit de façon évasive tandis que le second lui conseillait de se rallier aux désirs de la majorité de l’assemblée. Le couple rentra en contact avec Mirabeau, partisan d’une monarchie constitutionnelle, qui tenta en vain de convaincre le roi d’accepter les idées nouvelles. Il mourut prématurément le 2 avril 1791, alors que la reine organisait l’évasion de la famille royale avec le comte de Fersen. Ils quittèrent les Tuileries le 20 juin 1791 et furent arrêtés le lendemain à Varennes-en-Argonnes. Le retour à Paris fut glacial, et cela d’autant plus que le roi avait eu la maladresse de laisser un manifeste où il dénonçait la révolution depuis ses débuts. Marie-Antoinette se rapprocha alors d’Antoine Barnave pour qu’il devint l’intercesseur du couple royal auprès de l’assemblée. Comme Mirabeau, le jeune député demanda à la reine de reconnaître le principe de la monarchie constitutionnelle, ce dont elle s’avéra incapable. Alors que son mari déclarait la guerre à l’empereur le 21 juin 1792, elle ne manqua pas de communiquer les plans d’attaque élaborés par l’état-major aux ennemis de la France, en tout bonne conscience. Le même jour, la foule envahit le château des tuileries, sans mal pour la famille royale cependant. Le 9 août, l’attaque des Tuileries était éminente et le lendemain la famille royale chercha refuge au sein de l’assemblée. La monarchie s’effondrait donc légalement et il fut décidé d’incarcérer Louis XVI et les siens dans le donjon du Temple. La nouvelle assemblée élue, appelée Convention, avait décidé de juger Louis XVI qui fut condamné à mort et guillotiné le 21 janvier. On sépara Marie-Antoinette de son fils et elle fut emprisonnée à la conciergerie le 2 août 1793. Un procès fut instruit contre elle ensuite : elle était accusée d’intelligence avec l’ennemi et de conspiration contre la sûreté de l’État, même si aucune preuve de sa trahison ne fut produite. On ne recula pas devant la calomnie en l’accusant d’avoir entretenu des relations incestueuses avec son fils. Son sort était scellé : le 15 octobre, elle est condamnée à mort et guillotinée le lendemain. On pourrait aisément résumer de ce qui précède ce qu’écrivit Jean Tulard récemment au sujet l’épouse de Louis XVI: trop de légèretés d'abord, trop d'imprudences ensuite4.

1Pour cette courte biographie, nous nous sommes inspirés principalement de deux ouvrages d’Évelyne Lever : Marie-Antoinette, Paris, Fayard, 1991, 733 p. (coll. Le grand livre du mois) et Marie-Antoinette : la dernière reine, Paris, Gallimard, 2000, 143 p. (coll. Découvertes).

2 LEVER E., Marie-Antoinette, op.cit. (1991), p. 356-413. LEVER E., Marie-Antoinette : la dernière reine, op. cit., p. 62-68

3 LEVER E., Marie-Antoinette, op. cit. (1991), p. 412-413.

4 TULARD J. : « Marie-Antoinette : trois figures d'un destin », in Marie-Antoinette : [exposition] Galeries nationales du Grand Palais, Paris, 15 mars-30 juin 2008, Paris, Éditions de la Réunion des musées nationaux, 2008, p. 16.

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