Lettre au comte Philippe d’Arschot Schoonhoven, circa août 1832

Le baron de Humboldt, conseiller intime actuel de Sa Majesté le roi de Prusse, a l’honneur d’offrir ses hommages à Son Excellence Monsieur le Grand Maréchal Comte d’Ascott et le prie de vouloir bien faire part à Sa Majesté le roi des Belges du vif désir qu’à (sic) Monsieur de Humboldt de déposer à ses piés (sic), le tribut de sa présente et ancienne vénération.
Paris, hôtel de Londres, rue des Petits Augustins
Ce samedi
Son Excellence en transmettant les ordres de Sa Majesté à Monsieur de Humboldt daignera lui faire indiquer s’il faut se présenter en habit habillé.

Il est difficile de se prononcer avec certitude sur la datation du document repris ci-dessus. Toutefois, comme ce dernier fait supposer que tant Humboldt que Léopold Ier et son Maréchal de la Cour se trouvaient dans le même espace géographique, le champ des possibilités se restreint considérablement. Il est en effet fort probable que le conseiller du roi de Prusse, souvent à Paris pour le roi de Prusse durant les années 18301, conçut ce courrier lors du séjour de Léopold à l’occasion de son mariage avec Louise-Marie d’Orléans, soit du 6 au 13 août 18322. Pour cet important évènement scellant - autant que possible - les destinées des monarchies belge et française, le roi des Belges se devait de venir en France avec les personnages les plus importants de sa cour. Parmi ceux-ci se trouvaient le grand-maréchal de la Cour, le comte d’Arschot Schoonhoven, destinataire de la lettre nous intéressant ici et témoin de Léopold Ier lors de son mariage du 8 août 1832 à Compiègne3. Comme conseiller intime du roi de Prusse, il était normal que de Humboldt cherchât à rencontrer le monarque du nouvel État belge. Nous ignorons au juste si le roi des Belges accorda une entrevue au naturaliste prussien, la littérature restant muette à ce sujet.
Terminons en expliquant l’expression quelque peu redondante d’ «  habit habillé ». Cette formule désignait à l’époque un habit porté pour les cérémonies4.

1 BOTTING D., Humboldt. Un savant démocrate, Paris, Belin, 1988, p. 249.
2 JUSTE T., Léopold Ier et Léopold II, rois des Belges, leur vie et leur règne, Bruxelles, Librairie C. Muquardt, Merzbach & Falk éditeurs, 1878, p. 161.
3 JUSTE T., Les fondateurs de la Monarchie belge : Léopold Ier, Roi des Belges, d’après des documents inédits, Bruxelles, Londres, C. Muquardt, Sampson Lown 1868, vol. 2, p. 26.
4 http://atilf.atilf.fr/dendien/scripts/tlfiv5/search.exe?60;s=2740754535;cat=1;m=habit+habill%82; [consultation le 1er septembre 2014].

BOTTING D., Humboldt. Un savant démocrate, Paris, Belin, 1988, 295 p. (coll. Un savant, une époque ; traduit de l'anglais par Martine Dupouey ; préface de Roger Brunet).

DUVIOLS J.-P., MINGUET C., Humboldt, savant-citoyen du monde, Paris, Gallimard, 1994, 144 p. (coll. Découvertes Gallimard).

GASCAR P., Humboldt, l'explorateur, Paris, Gallimard, 1985.205 p.

GAYET M., Alexandre de Humboldt : le dernier savant universel, Paris, Vuibert, 2006, 412 p. (coll. Inflexions ; préface de Philippe Taquet).

MINGUET C., Alexandre de Humboldt : historien et géographe de l'Amérique espagnole 1799-1804, Paris, Montréal, L’Harmattan, 1997, 522 p.

MINGUET C., "Humboldt (Alexander von) 1769 - 1859", in Encyclopaedia Universalis, Paris, Encyclopaedia Universalis, 1996, corpus 15, p. 735-737.

MINGUET C., Alexandre de Humboldt, Voyages dans l'Amérique équinoxiale, Paris, Maspero, 1980, 2 volumes, 295-259 p.

RUPKE (N.A.), Alexander von Humboldt : a metabiography, Frankfurt am Main, Bruxelles, New York, Peter Lang, 2005, 320 p.

Friedrich Karl, Willelm, Heinrich Alexander, baron von Humboldt ou Alexandre de Humboldt.

Né le 14 septembre 1769 à Berlin ; décédé le 6 mai 1859 à Berlin. Alexandre de Humboldt naquit dans un milieu aisé : son père servait le roi de Prusse Frédéric II comme chambellan et sa mère, Elizabeth von Colomb, était une riche veuve issue d’une famille française huguenote1. Alexandre avait pour frère aîné Wilhem qui deviendra plus tard un diplomate et un philologue reconnu. Tous deux perdirent rapidement leur père mais leur mère eut à cœur de leur prodiguer une éducation très soignée. Alexandre put compter sur les meilleurs précepteurs berlinois. Il rejoignit l’Université de Francfort-sur-l’Oder en 1787 puis celle de Göttingen deux ans plus tard. Il n’y passa qu’un an mais acquit de solides connaissances en physique, en chimie et en géologie. Il fit également la connaissance de Georg Forster : l’attirance fut immédiate et dès le printemps 1790, les deux hommes effectuèrent un voyage vers l’Angleterre en passant par la Hollande, la Belgique et La France. Forster lui communiqua sa passion des sciences et des idéaux de 1789. Alexandre revint en Allemagne en juillet 1790 et suivit les cours de l’école de Commerce de Hambourg. L’année suivante, il entra à l’Académie des Mines de Freiberg. Il devint ingénieur puis conseiller des Mines (1793-1794).
La mort de sa mère en 1796 le plaça à la tête d’une fortune considérable : il put réaliser ses projets de voyage. Avec son ami Bonpland, il se rendit à la cour d’Espagne pour obtenir l’autorisation de visiter les colonies espagnoles. L’accord du roi Charles VI obtenu, ils se mirent en route et débarquèrent à Cumaná le 16 juillet 1799. Commença alors un voyage de plusieurs années (1799-1804) qui mena les deux comparses du Venezuela au Mexique en passant par Cuba, la Colombie, l’actuel Équateur et le Pérou. Ils firent ensuite un séjour de trois mois aux États-Unis où ils se lièrent d’amitié avec le président Thomas Jefferson. Ce séjour outre-Atlantique inspira à Humboldt ses Ansichten der Natur consacrés aux paysages américains (1807-1808) et servant d’introduction aux trente volumes du Voyage aux régions équinoxiales du Nouveau continent, fait en 1799, 1800… 1904, par A. de Humboldt et Aimé Bonpland (1807-1834), œuvre monumentale consacrée à la botanique, la géographie et la géologie du nouveau continent. Les 15 premiers volumes de botanique furent conçus par Bonpland et Kunth tandis que les 15 autres furent rédigés par Humboldt. Après un bref séjour en Italie en 1805, il s’installa à Paris et y vécut de 1808 à 1827 pour y concevoir une grande partie de son œuvre comme nous venons de le voir. Il y fréquenta les scientifiques les plus illustres comme Arago, Gay-Lussac, Berthollet, etc. Appelé par son souverain Frédéric-Guillaume III de Prusse, il revint à Berlin en 1827 pour y présider une commission pour l’encouragement des savants et des artistes. Lors de cette année et la suivante, il prononça une série de conférences sur le cosmos à l’Université et à l’Académie de musique de Berlin. En 1829, il entreprit son dernier grand voyage en visitant la Russie jusqu’à la frontière chinoise avec Ehrenberg et Rose. Tirant profit de ce périple, il publiera en 1843 : Asie centrale. Recherches sur les chaînes de montagnes et la climatologie comparée (3 volumes).
De 1830 à sa mort en 1859, il se partagea entre son œuvre (notamment en rédigeant Cosmos. Essai d’une description physique du monde) et des missions diplomatiques à Paris jusqu’en janvier 1848 pour Frédéric Guillaume III de Prusse puis son successeur Frédéric Guillaume IV.

1 Pour cette notice, nous nous sommes inspiré principalement de l’article de Charles Minguet parue dans l’encyclopédie Universalis et de l’ouvrage de Douglas Botting (cf. orientation bibliographique).

Lettre

Support : une feuille de papier

Hauteur : 271 mm
Largeur : 425 mm

Cote : 19346/2205

Portrait

de Humboldt 

Lith. de Delpech ; avec une signature en fac-similé.

Hauteur : 276 mm
Largeur : 180 mm

Cote : 19346/2205