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Lettre d'Henri-Marie Husson, 20 octobre 1818

Ministère de l'Intérieur

 

 

Paris 20 octobre 1818

 

 

 

 

 

Monsieur le Duc,

 

 

 

 

Je vous envoie la réponse aux renseignements que vous m'avez demandés sur la situation de l'hospice de vaccine pendant l'année 1817.

 

Permettez que je saisisse cette occasion pour vous renouveller les assurances du respectueux attachement et de l'absolu dévouement avec lesquels j'ai l'honneur d'être,

 

monsieur le Duc,

Votre très humble

et très obéissant serviteur

 

Husson

Il est très difficile d’interpréter le document ci-dessus, vu que les renseignements mentionnés ne sont pas joints et que l’identité du correspondant nous échappe. Nous nous étions imaginé dans un premier temps qu’il s’agissait peut-être du ministre de l’Intérieur mais il n’en est rien puisque le titulaire de cette charge à l’époque n’était pas duc mais le vicomte Lainé[1].

Quoiqu’il en soit, nous constatons ici la volonté de Husson de faire connaître tout ce qui concernait la vaccination contre la variole. Elle l’animait depuis 1800 où il fut nommé secrétaire du comité chargé de faire connaître (et faire appliquer ensuite) la vaccination et l’on peut dire sans se tromper que la propagation de cette dernière fut la grande œuvre de sa vie[2]. On le comprend d’autant plus quand on connaît les ravages causés par la variole jusque-là. Signalées en Inde et Chine dès avant l’ère chrétienne, cette maladie un peu oubliée de nos jours toucha l’Europe bien avant le XVe siècle. Toutefois, c’est à partir de XVIIe siècle que cette maladie connut une ampleur inconnue : selon certaines estimations, elle fit disparaître au moins 10 % de la population du vieux continent. La peste est toujours bien présente dans les esprits de nos contemporains[3], surtout depuis la crise sanitaire nous touchant depuis un an. Il n’en demeure pas moins qu’à la fin de l’Ancien régime, la variole était terriblement meurtrière voire plus que la peste mais faisait ses ravages de façon beaucoup plus diffuse, étalée dans le temps et touchait principalement les enfants dont le sort rencontrait bien plus l’indifférence du reste de la population qu’actuellement. Vers la fin du XVIIIe siècle en effet, 9/10 des varioles mortelles touchaient des enfants de moins de 10 ans. C’est toutefois durant ce même siècle que cette maladie fut combattue en Europe d’abord très épisodiquement par la variolisation (technique déjà répandue avant cela en Chine mais non dénuée de certains risques) puis de façon plus significative avec les travaux d’Edward Jenner qui procéda à la première vaccination en 1796[4]. L’œuvre du docteur Husson (notamment ses Recherches historiques et médicales sur la vaccine parues en 1801[5]) s’inscrit clairement dans la suite de celle de son confrère anglais même si Husson était persuadé de l’origine française de la vaccine, rivalité anglo-française séculaire aidant sans doute[6]

 

 

[1] Joseph Henri Joachim, vicomte Lainé, né le 11 novembre 1767 à Bordeaux, décédé le 17 décembre 1835 à Paris. Ministre de l’Intérieur du 7 mai 1816 au 28 décembre 1818 [consulté le 6 avril 2021 : https://www.interieur.gouv.fr/Le-ministere/Histoire/Les-ministres-de-1789-a-1946/La-Restauration].

[2] HUTIN J.-F., « Le docteur Henri Marie Husson (1772-1853) et l'introduction de la vaccine à Reims », dans Histoire des sciences médicales, tome XLVIII, n° 3, 2014, p. 362 et suivantes

[3] Qui ne connait la grande peste du XIVe siècle, objet de force documentaires, films et ouvrages en tous genres ? Peu de personnes assurément.

[4] ALBOU P., « La variole avant Jenner (XVIIe-XVIIIe siècles) », dans Histoire des sciences médicales, tome XXIX, n° 3, 1995, p. 228, 229.

[5] Paris, Gabon et Cie, an IX (1801), VIII-134 p.

[6] Darmon P., « Vaccins et vaccinations avant Jenner : une querelle d'antériorité », dans Histoire, économie et société, 3ᵉ année, n°4, 1984, p. 591 [consulté le 6 avril 2021 : https://www.persee.fr/docAsPDF/hes_0752-5702_1984_num_3_4_1378.pdf].

BRICHETEAU I., Notice sur Henrie-Marie Husson, Médecin de l'Hotel-Dieu et du Collège Louis-Le Grand, membre de l'Académie de médecine, etc., Paris, Typographie Plon frères, imprimeurs de l'Empereur, 1853, 8 p. [consulté le 5 avril 2021, https://www.biusante.parisdescartes.fr/histoire/medica/resultats/index.php?do=page&cote=90945x25x08&p=3].

 

HUTIN J.-F., « Le docteur Henri Marie Husson (1772-1853) et l'introduction de la vaccine à Reims », dans Histoire des sciences médicales, tome XLVIII, n° 3, 2014, p. 361-378 [consulté le 5 avril 2021, https://www.biusante.parisdescartes.fr/sfhm/hsm/HSMx2014x048x003/HSMx2014x048x003x0361.pdf].

 

JOURDAN A.-J.-L., « Husson (Henri-Marie) », dans Dictionnaire des sciences médicales. Biographie médicale, tome 5, Paris, Panchoucke, 1822, p. 321-322. [consulté le 5 avril 2021, https://www.biusante.parisdescartes.fr/histoire/medica/resultats/index.php?do=page&cote=47667x05&p=320].

 

ROUSSEAU, Notice sur M. Husson, membre de l'Académie de médecine, médecin de l'Hotel-Dieu, médecin consultant de la Société philantropique, Paris, Imprimerie de Wittersheim, (extrait de l'Annuaire de la Société Philanthropique, année 1854), 1854, 11 p. [consulté le 5 avril 2021, https://www.biusante.parisdescartes.fr/histoire/medica/resultats/index.php?do=page&cote=90945x25x07&p=11].

Henri-Marie Husson

Il naquit à Reims le 25 mai 1772[1]. Il était le fils de Jean (1743-1810), médecin chirurgien de son état. Fils de notable, il obtint une bourse pour rejoindre les rangs du prestigieux Collège Louis-le-Grand de Paris à partir de 1783, après des premières études à Laon dans la pension d’Herbigny. Il commença ensuite des études de chirurgie mais les massacres de septembre 1792 le firent retourner à Reims auprès de ses parents. La même année, on le désigna chirurgien sous-aide de l’armée de Belgique et de Hollande. Il s’illustra au siège de Gertruidemberg et lors du blocus de Breda. En 1793, il obtint la fonction d’aide major. Le district de la Marne l’envoya comme élève de la patrie à la nouvelle école de santé en 1794. Il devint un proche de Xavier Bichat avec qui il fonda la Société médicale d’émulation le 23 juin 1796, association pour laquelle il conçut peu de travaux. C’est à cette époque également qu’il fut nommé bibliothécaire adjoint à la bibliothèque de l’École de médecine.

En 1799, il obtint son diplôme de docteur en médecine. Sa thèse portait Sur une nouvelle doctrine des tempéraments. Son contenu était très classique et somme toute peu novateur mais cet ouvrage connut malgré tout deux éditions en 1800 et en 1802. Il obtint ensuite le poste de secrétaire du Comité de Vaccine dont il fut « l’âme et la lumière » selon son successeur. Dès lors, il se dévoua à la propagation de la vaccination, véritable œuvre de sa vie. Il publia d’ailleurs ses Recherches historiques et médicales sur la vaccine en 1801 et elles connurent plusieurs éditions. Avant cela, son comité était rentré en contact avec les médecins vaccinateurs anglais pour apprendre la meilleure façon de procéder : les premières vaccinations sur sol français eurent lien en juin 1800. Outre ces premiers succès, le comité, qui deviendra institution d’État en 1804[2], favorisa la création de centres de vaccination un peu partout en France, même dans les régions où régnait une hostilité de principe envers cette nouvelle technique médicale. Husson et ses collègues réussirent également à attirer l’attention  de l’Armée mais jusqu’à la fin de l’Empire, le résultat fut médiocre : seulement 7000 hommes furent vaccinés.

Husson fut également me médecin de la princesse Elisa, sœur de Napoléon : il l’accompagna d’ailleurs en Italie. Il devint aussi médecin à la Pitié puis à l’Hôtel-Dieu en 1806 : il y acquit une excellente réputation de clinicien. En 1809, il devint médecin du Collège Louis-le Grand et occupa ce poste pendant 40 ans. Les portes de la Faculté de médecine ne s’ouvrirent jamais à lui cependant, malgré un talent reconnu de tous : ses manières brusques lui aliénèrent sans doute la sympathie de beaucoup, dans un système où les places étaient données à l’issue d’élections et non d’un concours quelconque…

Le sommet de la carrière de Husson fut sans conteste la vaccinationr le Roi de Rome le 10 mai 1811, devant la cour rassemblée. Cette opération réussie lui valut une dotation de 6.000 francs, l’ordre de la Réunion et le titre de « Médecin vaccinateur des Enfants de France ». Il fut également un des premiers membres de l’Académie de médecine en 1821.

Bien qu’il fut attiré pour le meilleur par la vaccination, il faut aussi signaler que Husson fut attiré par la doctrine fantaisiste de Broussais et s’intéressa également au magnétisme. Il succomba à une pleuro-pneumopathie à Paris le 11 avril 1853.

 

[1] Cette notice biographique fut inspirée principalement par l’article de Jean-François Hutton (cf. orientation bibliographique).

[2] Avant cela, il fonctionnait grâce à l’aide de souscripteurs.

Une feuille, pliée en deux.

Hauteur : 226 mm
Largeur : 370 mm

Cote : 19346/2210