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Lettre de Joachim Murat, 11 février 1811

Monsieur le ministre, la dame Lafond m’ayant prié d’appuyer la demande qu’elle se propose de faire d’une place gratuite dans un lycée, pour son fils, je me détermine volontiers à lui accorder cette marque de l’intérêt que je prends à sa famille. Je vous prie en conséquence, Monsieur le ministre, de vouloir bien faire admettre le jeune Lafond dans un lycée. Je verrai avec plaisir ce que vous ferez pour lui à ma recommandation.

Sur ce, Monsieur le ministre, je prie dieu qu’il vous ait en sa sainte et digne garde.

 

Joachim Napoléon

 

Naples 20 février 1811

[écriture de Joachim Murat] cet enfant est le fils d’un ancien colonel

Voici un bel exemple de recommandation en provenance des hautes sphères de l’Empire, rien de moins que du roi de Naples et beau-frère de Napoléon. Difficile de déterminer à quel ministre s’adresse Murat mais on peut penser que ce courrier fut accueilli avec les égards. La « dame Lafond » était sans doute soucieuse d’éviter les frais d’inscription très élevés pour les lycées institués par la loi du 11 floréal an X (1er mai 1802). Dans ces établissements désirés par les notables nostalgiques des collèges d’antan, on  enseignait les lettres et les sciences. Les fils des fonctionnaires et des militaires étaient clairement favorisés : Napoléon voulait en effet instituer une classe de fidèles à l’État[1].

Difficile d’identifier le père de l’enfant de la « dame Lafond ». S’agit-il du colonel Lafond mentionné dans une lettre de l’Empereur à Eugène Napoléon (vice-roi d’Italie) datée du 16 mai 1808[2] ? Cela est bien possible vu la proximité géographique mais nous ne pouvons le dire avec certitude. Dans le même ordre d’idée, il est possible aussi que les guerres incessantes de l’époque fit tomber le colonel Lafond au champ d’honneur, sa veuve étant donc forcée de s’occuper seule de l’avenir de son fils. Pour ces deux hypothèses, seule la consultation des archives impériales nous permettrait sans doute de nous faire une certitude.

 

[1] CLAUSE G., « Lycées », dans TULARD J. (dir.), Dictionnaire Napoléon, Fayard 1999, vol.2, p. 231-234. CLAVE Y., « La création des lycées et des proviseurs par Napoléon Bonaparte », [https://www.napoleon.org/histoire-des-2-empires/articles/la-creation-des-lycees-et-des-proviseurs-par-napoleon-bonaparte/, consulté le 7 février 2023].

GARNIER J.-P., Murat, Roi de Naples, Paris, Plon, 1959.

HAEGELE V., Murat. La solitude du cavalier, Paris, Perrin, 2015.

HULOT F., Murat. La chevauchée fantastique, Paris, Éditions Pygmalion, 1998.

LACOUR-GAYET M., Joachim et Caroline Murat, Paris, Perrin, 1996.

MURAT J., Lettres et documents pour servir à l'histoire de Joachim Murat, 1761-1815, publiés par S. A. le prince Murat ; avec une introduction et des notes par Paul Le Brethon, Paris, Plon-Nourrit et Cie, 1908-1914, 8 vol.

PRIEUR J., Murat et Caroline, Paris, Éditions Fernan Lanore, 1985.

TULARD J., Murat, Paris, Fayard, 1999.

VANEL J., « Murat Joachim », dans TULARD J. (dir.), Dictionnaire Napoléon, Paris, Fayard, 1999, vol. 2, p. 358-360.

VANEL J., « Murat (postérité) », dans TULARD J. (dir.), Dictionnaire Napoléon, Paris, Fayard, 1999, vol. 2, p. 358-360.

 

Joachim Murat

Joachim Murat naquit à La Bastide-Fortunière (Lot) le 25 mars 1767. Il était le dernier des onze enfants de deux aubergistes, Pierre Murat et Jeannes Loubières. On le destinait à une carrière ecclésiastique. À cet effet, il entra au séminaire des Lazaristes de Toulouse où il prit le petit collet. Il fut toutefois vite renvoyé du fait d’une dispute avec un condisciple en février 1787. Il s’engagea de suite dans un régiment de chasseurs à cheval des Ardennes. Il avait ainsi trouvé sa voie et devint vite maréchal des logis. La Révolution française éclata et provoqua son enthousiasme. Il rejoignit son Quercy natal et se mêla à la vie politique, notamment en prenant la parole dans des clubs. Il représenta son canton à la fête de la Fédération du 14 juillet 1790. À son retour, son influence s’en trouva renforcée. Il put ensuite réintégrer le 12e régiment des chasseurs comme simple soldat en janvier 1791 mais son ascension au sein de l’armée fut très rapide.

Son chemin croisa celui de Bonaparte à l’occasion de l’émeute royaliste contre la Convention du 13 vendémiaire an IV (5 octobre 1795). Il aida en effet le futur Empereur à triompher de cette opposition. Il le suivit en Italie et s’y distingua par sa fougue et ses victoires. Il participa également à la campagne d’Egypte : ses succès (aux pyramides, à Gaza, à Saint-Jean d’Acre, etc.) lui permirent de devenir général de division mais, surtout, sa réputation commençait à dépasser largement la sphère militaire. De retour en France, il participa aux journées des 18 et 19 brumaire où Bonaparte prit le pouvoir : c’est lui qui ordonna à ses troupes de charger et disperser le Conseil des Cinq-Cents. Les relations entre les deux hommes s’approfondirent encore le 20 février 1800 quand Murat convola en justes noces avec Caroline Bonaparte, la sœur du Premier Consul. La guerre de la France contre l’Autriche n’en continuait pas moins : elle lui permit de voler de succès en succès en Italie. La paix signée, il continua son ascension, cette fois-ci dans le domaine civil. En 1804 en effet, il se vit désigné président du collège électoral du Lot, député du Corps législatif et surtout gouverneur de Paris. Ce dernier poste lui occasionna quelques problèmes de conscience puisqu’il fut forcé de participer à l’affaire de l’exécution du duc d’Enghien. Il ne prit aucune initiative mais se soumit à la détermination de son beau-frère en signant l’ordre du jugement. L’année suivante, de nouvelles distinctions lui furent attribuées : il devint Maréchal d’Empire, grand amiral, prince et grand aigle de la Légion d’honneur. Mais la guerre avec l’Autriche reprit et Murat s’y distingua à nouveau en récoltant force succès contre les ennemis, tant autrichiens que prussiens ensuite : la défaite de ces derniers fut scellé à Iéna en 1806. Ce furent ensuite les Russes qui regrettèrent leur confrontation avec le Maréchal d’Empire : Eylau (Russie, janvier 1807) fut le tombeau de leurs ambitions. On lui ordonna alors de se rendre en Espagne mais sans ordre bien précis. Joseph Bonaparte nommé roi d’Espagne, on demanda à Murat de choisir entre le royaume du Portugal et celui de Naples : il choisit le second et fut nommé « Joachim Ier, roi de Naples et de Sicile » par décret du 15 juillet 1808 ». Il fut bien accueilli par ses sujets et sa popularité augmenta encore quand il prit Capri aux Anglais. Il continua la politique réformatrice commencée par Joseph (cf supra) : création d’une armée nationale, fondation d’écoles polytechniques, Code civil, fouilles d’Herculanum, etc.

Il vit le rapprochement de son beau-frère avec la maison d’Autriche d’un mauvais œil : il estimait que c’était un danger pour son trône. Ils se fâchèrent à plusieurs reprises mais l’Empereur se garda bien de rompre avec Murat. Il préparait en effet la campagne de Russie et jugeait à juste titre que personne ne pouvait remplacer le roi de Naples et de Sicile à la tête de la cavalerie. Quand le tocsin sonna, Murat oublia tous ses griefs et rejoignit les troupes impériales sans hésiter. On sait l’issue catastrophique de la Campagne de Russie : l’ardeur de Murat aux combats et son courage n’y changèrent rien. Songeant à son royaume, il confia le commandement de la retraite au prince Eugène et regagna Naples. Il y négocia avec l’Autriche et l’Angleterre tout en ne se détachant pas de la cause de l’Empereur. À nouveau, il offrit ses services lors de la bataille de Dresde mais ne put rien quand l’armée française perdit celle de Leipzig en octobre 1913

Il regagna l’Italie d’autant plus vite qu’il craignait son remplacement par le Prince Eugène. Ses appréhensions furent renforcées par le mutisme de Napoléon qui ne répondait plus à ses lettres. Il songea alors à une libération et une unification de l’Italie. Le 11 janvier 1814, il signa donc un traité avec l’Autriche entérinant la rupture avec l’Empire. Après l’Abdication de Napoléon, Louis XVIII ne reconnut cependant pas son royaume. Dès lors, des contacts reprirent entre Naples et l’île d’Elbe : Napoléon cherchait un appui pour son retour sur le continent et Murat y vit un appui pour l’unification. Sitôt appris le débarquement de son beau-frère, Murat n’écouta que sa fougue et déclara trop hâtivement la guerre à l’Autriche. Après avoir conquis Bologne, lui et ses troupes furent rapidement refoulées par les Autrichiens. Il prit alors le chemin de la France avec une poignée d’hommes tandis que le prince Ferdinand d’Autriche montait sur son trône. En France, il ne reçut aucun appel de Napoléon : il est vain de réécrire l’histoire mais nul doute que ses talents auraient aidé Napoléon à Waterloo. La défaite française lui fit prendre le chemin de l’exil. Traqué et recherché, il regagna l’Italie sans grand espoir : il savait qu’aucune grâce ne lui serait accordée et que la mort était au bout du chemin. Il fut exécuté le 13 octobre 1815, sans avoir abdiqué.

Hauteur : 252

Largeur 203

Cote : 19346/3322