Médaille remise par la Fondation Francqui à Etienne Lamotte, 1953

[Recto]

Hommage de la Fondation Francqui à Monsieur le chanoine E. Lamotte professeur à l’Université catholique de Louvain, 13 avril 1953

[Verso]

Samdhinirmocana Sutra Mahayanasamgraha mahaprajnaparamita sastra

[tranche]

Fonson [Poinçon or 18 carats]

Chaque année depuis 1933, la Fondation Francqui attribue un prix dont le but est de recompenser un scientifique belge dont l’œuvre est jugée primordiale. En 1953, ce prix devait récompenser un chercheur en sciences humaines. Pour la première fois depuis les débuts de ce prix, le jury chargé de l’attribuer ne put se mettre d’accord puisque les voix se répartirent à parts égales entre Étienne Lamotte et Claire Préaux. Heureusement, le règlement de la Fondation avait prévu ce cas : en cas de classement ex-aequo, le prix doit être attribué au scientifique le plus jeune. Il fut donc octroyé à Claire Préaux : c’est la première fois que le prix fut attribué à une femme. Toutefois, le Conseil d’administration de la Fondation : « a tenu à rendre également un hommage exceptionnel au Chanoine Lamotte ». Dés lors, « La fondation Francqui a donc décidé de faire frapper, en un exemplaire unique, une médaille d’or qui perpétuera pour son titulaire le témoignage flatteur dont il a été l’objet[1]. ». La médaille ci-dessus fut donc donnée au chanoine lors d’une cérémonie du 2 juin 1953 au sein de la Fondation universitaire. Il la reçut des mains du roi Baudouin et se fendit d’un discours de remerciement au souverain, au Président et aux membres de la fondation. Dans celui-ci, il met l’accent avant tout sur « le démon de la curiosité » qui le fit se pencher sur le déchiffrement de textes sanskrits, des xylographes tibétains ou encore des caractères chinois et de la joie que lui apporta ce travail. Il loue ensuite Claire Préaux dont le prix « est un juste hommage rendu  à son talent et à ses mérites. » Revenant à son œuvre, il souligne la nécessité, au moment où « les foules orientales se pressent (…) à nos portes » de connaître leur passé et leurs traditions, leurs philosophies et leurs religions, d’en dégager l’esprit « si l’on veut travailler efficacement au rapprochement entre les peuples, idéal suprême de l’humanisme[2] ».

On s’étonnera peu de trouver au verso de cette médaille les noms des textes les plus importants édités et analysés par le chanoine avant l’hommage rendu par la Fondation Francqui. Samdhinirmocana Sutra fut en effet l’objet d’un livre paru à Louvain en 1935[3]. Quelques années plus tard, Mahayanasamgraha fut édité, toujours à Louvain[4]. Enfin et surtout, Mahaprajnaparamita sastra, œuvre monumentale d’Étienne Lamotte : il en conçut 5 volumes d’édition, le premier en 1944 et le dernier peu de temps avant sa mort, en 1980[5]

Cette médaille fut conservée par la famille d’Étienne Lamotte pendant plusieurs décennies. Son filleul décida d’en faire don à notre Académie au mois de septembre de cette année. Qu’il en soit vivement remercié ici.

 

[1] Discours du Baron Holvoet au roi Baudouin, président de Fondation Francqui, 2 juin 1953. http://www.francquifoundation.be/rapport-cherchye-de-rock-vermeulen/1953-mgr-etienne-lamotte/

[2] Discours d’Étienne Lamotte au roi Baudouin et aux membres de la Fondation Francqui, 2 juin 1953.

[3] LAMOTTE E. (éd.), Samdhinirmocanasutra. L'explication des mystères, Louvain, Bibliothèque de l'Université ; Paris, A. Maisonneuve, 1935 (Université de Louvain. Recueil de travaux publiés par les membres des Conférences d'histoire et de philologie . 2e sér, 34).

[4] LAMOTTE E. (éd.), La Somme du Grand Véhicule : d'Asanga (Mahayanasamgraha), Louvain, Bureau du Muséon, 1938-1939.

[5] LAMOTTE E. (éd.), Le traité de la grande vertu de sagesse de Nāgārjuna (Mahāprajñāpāramitāśāstra) avec une étude sur la Vacuité, Louvain, 1944-1980. Ces références furent retrouvées grâce à notice de Jacques Ryckmans parue dans la Nouvelle biographie nationale.

Les publications de l’Académie relatives à Étienne Lamotte se trouvent ici.

BECHERT H., « Etienne Lamotte (1903-1983) », dans Journal of the international Association Buddhist Studies, 8 (2), 1985, p. 151-156.

BECHERT H., « In Memoriam Étienne Lamotte (1903-1983) », dans Numen, vol. 32, n°1, juillet 1985, p. 119-129.

« Étienne Lamotte », dans BUSWELL Jr R.E. et LOPEZ Jr D.S., The Princeton Dictionary of Buddhism, Princeton, Princeton University Press, 2014, p. 465.

DURT H., « Étienne Lamotte (1903-1983) », dans Bulletin de l’École française d’Extrême-Orient, n° 74, 1985, p. 6-28.

SCHEUER J., « Lamotte, Étienne », dans Dictionnaire d’Histoire et de Géographie Ecclésiastique, fasc. 174-175a, 2008, col. 163-165.

Etienne Paul Marie Lamotte

Étienne Lamotte est né à Dinant le 21 novembre 1903[1]. Il effectua ses humanités au collège Notre-Dame de Bellevue à Dinant. Il entra ensuite au Séminaire Léon XIII à Louvain où il étudia la philosophie thomiste et la philologie classique. Par la suite, Il rejoignit le Grand séminaire de Malines où il étudia la théologie. Au terme de cet enseignement, il fut ordonné prêtre en 1926. Il prit ensuite le chemin de Rome pour continuer son étude de la théologie mais il suivit également les cours de sanscrit à l’Universita della Sapenza. Il revint ensuite à Louvain et fut proclamé docteur en langues orientales en 1929 (sa thèse fut édité la même année) et en philosophie et lettres (philologie classique) en 1930. Ses études n’en étaient pas pour autant terminées. En effet, il étudia à Paris le sanscrit et les autres langues bouddhiques : chinois, tibétain et pali. De retour en Belgique, il est nommé maître de conférences  à l’Université de Louvain et aux Facultés Saint-Louis. Il devint ensuite professeur ordinaire en 1937. Ses recherches scientifiques se basèrent alors principalement sur les textes fondamentaux du boudhisme. Il édita ensuite les ouvrages importants de son œuvre (cf. analyse) qui lui valurent la consécration, surtout après le deuxième conflit mondial. Pour ne prendre que quelques exemples, il obtint le prix Stanislas Julien de l’Académie des Inscriptions et Belles-Lettres de Paris en 1946. Il fut élu correspondant de la Classe des Lettres de notre Académie en 1951 puis membre en 1959. Allant plus loin que l’élection, notre compagnie lui attribua le Prix Goblet d’Alviella en 1961 pour sa volumineuse Histoire du bouddhisme ancien[2].Si il ne fut sans doute pas le plus actif des académiciens, il n’en dirigea pas moins sa classe en 1966 et écrivit deux notices consacrées à Charles de Harlez de Deulin et une autre à Louis de La Vallée Poussin dont il fut très proche. Les années suivantes, il continua à collectionner les distinctions et sa plume fut loin de se tarir : il serait toutefois trop long de détailler tout cela ici.

Il prit sa retraite en 1977, non sans regret puisqu’il eut la douleur de voir son enseignement démantelé pour des raisons budgétaires. Il termina toutefois l’édition du cinquième volume du Traité de la Grande vertu de Sagesse qui parut en 1980. Il rendit le dernier souffle le 5 mai 1983 à Woluwe-Saint-Lambert.

 

[1] Pour cette courte notice, nous nous sommes principalement inspiré de l’article Jacques Ryckmans paru dans le deuxième volume de la Nouvelle biographie nationale.

[2] Louvain, Publications Universitaires, Institut Orientaliste, 1958.

Médaille en or 18 carats (2 tiers or et 1 tiers cuivre et argent)

Diamètre : 69 mm

Épaisseur : 5 mm

Cote : 23828