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Lettre de la reine Wilhelmine, 18 juin 1946

La Haye, le 18 juin 1846.

 

 

 

Messieurs,

          Par votre lettre en date du 23 janvier 1946 vous avez bien voulu porter à ma connaissance que la Classe des Beaux-Arts de l’Académie royale de Belgique m’a élue au titre de sa Section de peinture.

     J’accepte avec reconnaissance cette marque de distinction de la part de la plus ancienne Compagnie Savante de votre pays.

     Je tiens à croire, comme vous en avez fait mention dans votre lettre susmentionnée, que les épreuves supportées par les Pays-Bas et la Belgique auront l’heureux résultat de resserer les liens d’amitié qui existent si heureusement entre les Pays-Bas et la Belgique.

 

Wilhelmine R. [eine ?]

 

Académie royale de Belgique

Le document ci-dessus est le seul signé par la reine Wilhelmine repris dans son dossier personnel. Dans celui-ci, une lettre du Secrétaire perpétuel de notre Académie datée du 12 novembre 1945 et adressée à l’ambassadeur des Pays-Bas en Belgique nous en dit plus sur les circonstances de son élection. Celle-ci avait été visiblement décidée lors de la séance de la Classe des Beaux-Arts du 8 novembre 1945[1]. Rien n’est toutefois indiqué à ce sujet dans le bulletin de cette classe[2] Cela était probablement dû au fait que l’on attendait l’approbation de la souveraine comme l’indique le courrier du baron de Selys Longchamps. Le 31 décembre 1945, l’Ambassadeur des Pays-Bas à Bruxelles informa le Secrétaire perpétuel que la Reine acceptait « volontiers » sa nomination. La Classe des Beaux-Arts put donc officiellement voter pour l’élection de la reine des Pays-Bas en tant qu’associée de la Section de Peinture lors de sa séance du 10 janvier 1946[3], à l’unanimité et par acclamation[4].

L’Académie entendait bien entendu rendre hommage au soutien de la souveraine aux arts de son pays. Il ne faut toutefois pas négliger le côté politique de la démarche : au sortir d’une guerre funeste tant pour les Pays-Bas que la Belgique, il fallait : « témoigner à travers Votre Personne, l’admiration qu’inspire à l’Académie royale, le peuple des Pays-Bas (…) Les épreuves communes qu’ont supportées nos deux pays voisins et amis auront au moins l’heureux résultat de les rapprocher davantage et de resserrer les liens nombreux qui les unissent[5] ». Comme nous pouvons le constater dans le document étudié ici, la reine en était bien consciente en soulignant qu’elle tenait à croire que les épreuves supportées par les deux pays auront l’heureux résultat de resserrer les liens d’amitié entre ceux-ci.

Une séance extraordinaire de la Classe des Beaux-Arts fut organisée le 25 octobre 1946 en l’honneur de la reine qui « avait manifesté la volonté d’être reçue dans l’intimité de la Classe, au cours d’une séance privée[6] ». Comme nous le voyons dans la photo ci-dessus, elle honora le Palais des Académies de sa présence pour recevoir son diplôme d’associée. Lors de cet évènement, elle lut aussi un discours où elle souligna la complémentarité des peintures des deux pays lors des derniers siècles. Elle s’y réjouissait également des liens étroits liant nos deux pays dans le domaine des Arts et des Sciences et fit part de son vœu d’un rôle important de nos universitaires et artistes respectifs pour la construction d’un monde meilleur.[7]

 

 

[1] Archives de l’Académie royale de Belgique, n° 15078.

[2] Bulletin de la Classe des Beaux-Arts, tome XXVII, 1945, p. 92-95.

[3] Bulletin de la Classe des Beaux-Arts, tome XXVIII, 1946, p. 6.

[4] Minute d’une lettre adressée à la Reine des Pays-Bas, 16 janvier 1946 (Archives de l’Académie royale de Belgique, n° 15078).

[5] Idem. La Lettre du 23 janvier mentionnée par la Reine est très certainement proche de cette minute. Dans lettre du 15 décembre 1945, le baron de Selys Longchamps ne dit pas autre chose, ajoutant même que les Pays-Bas furent «  plus douloureusement meurtris encore que le nôtre ».

[6] Bulletin de la Classe des Beaux-Arts, tome XXVIII, 1946, p. 144.

[7] Bulletin de la Classe des Beaux-Arts, tome XXVIII, 1946, p. 147-149.

BANK J., « Wilhelmina  (1880-1962) », in Digitaal Vrouwenlexicon van Nerderland, [consulté le 02/09/2022, http://resources.huygens.knaw.nl/vrouwenlexicon/lemmata/data/Wilhelmina]. 

DE BEAUFORT H.L.T., Wilhelmina, 1880-1962,  's Gravenhage, Leopold, 1965, 299 p.

FASSEUR C., De Gekroonde republiek, Amsterdam, Balans, 2011, 120 p.

FASSEUR C., Een dame van ijzer. Koningin Wihelmina en de national gedachte, Amsterdam, Balans, 2012, 141 p.

FASSEUR C., Wilhelmina de jonge koningin, Amsterdam, Balans, 2 vol., 1998-2001.

SCHÖFFER I., « WILHELMINA, koningin der Nederlanden(1880-1962) », in Biografisch Woordenboek van Nederland [consulté le 02/09/2022, http://resources.huygens.knaw.nl/bwn1880-2000/BWN/lemmata/bwn2/wilhelmina].

TAMSE C.A., Koningin Wilhelmina : een levensverhaal, Alphen aan den Rijn: A.W. Sijthoff, 1981, 302 p.

 

Wilhelmine Helena Pauline Maria d'Orange-Nassau

Wilhelmine naquit à La Haye le 31 août 1880. Elle était la fille de Guillaume III, roi des Pays-Bas, et Emma de Waldeck-Pyrmont. Cette dernière était la seconde épouse du souverain et plus de quarante ans séparait les deux époux. Wilhelmine fut le seul enfant issu de cette union. Guillaume III avait eu trois fils de son premier mariage mais tous moururent durant le règne de leur père. Tout le poids de la succession se reporta donc sur les épaules de la princesse à partir de 1884. Son éducation fut assurée par une gouvernante puis différents tuteurs et n'avait d'autre but que de la préparer à sa future fonction.

Son père passa de vie à trépas en 1890. Trop jeune pour monter sur le trône, sa mère assura la régence jusqu'au 6 septembre 1898, date de l'inauguration officielle du règne de Wilhelmine. Elle se fiança deux ans plus tard avec Henri, grand-duc de Mecklembourg. Ils se marièrent l'année suivante et l'on crut un temps que l'union resterait stérile : la reine eut pas moins de trois fausses couches avant la naissance de Julianna en 1909, leur seul enfant. Quant à sa façon de gouverner, il se caractérisait par un certain pragmatisme doublé d'une volonté de fer : elle respectait les limites de son pouvoir mais ne cédait rien de celui-ci. Sa pensée politique était fortement teintée de christianisme et de nationalisme.

Quand le premier conflit mondial toucha son pays (toujours neutre à l'époque et objet de beaucoup d’investissements allemands avant cela), elle s'impliqua dans la vie de ses troupes tant et si bien qu'on la nommait la « Reine soldat ». Un tel comportement lui valut l'opposition de plusieurs de ses ministres : on frôla à plusieurs reprises la crise constitutionnelle. Son tempérament tempétueux se radoucit quelque peu après le conflit. Sans doute que les circonstances s’y prêtaient : l’actualité mondiale était plus calme et, surtout, la peur d’une révolution fit son œuvre. Elle participa d’ailleurs à une manifestation le 18 novembre 1918 où une foule en liesse manifesta sa loyauté envers la maison royale. Par la suite, elle s’impliqua dans la formation des différents gouvernements même si les parlementaires gardaient la main. Durant les années 30, elle se préoccupa de la montée du national-socialisme en Allemagne. Elle estimait que l’armée était bien trop faible et s’en ouvrit auprès de plusieurs vétérans de la politique et de l’armée qu’elle convoqua le 7 juillet 1939. Avant cela, après la rupture avec la France en 1936, les Pays-Bas se rapprochèrent de la Belgique : Wilhelmine participa activement à la visite de Léopold III de Belgique en novembre 1938. Bien entendu, tout cela n’empêcha pas l’invasion du pays par les troupes d’Hitler et la Reine dût se résoudre à quitter le pays le 13 mai 1940. Elle se réfugia en Angleterre et croyait toujours à la victoire finale. Elle profita de l’occasion pour affirmer son pouvoir face à ceux du Parlement et des ministres. Consciente de la nécessité de maintenir le moral de la population de son pays, elle utilisa la radio pour diffuser ses discours et mena une diplomatie intelligente en visitant les USA en 1942 par exemple. Son activité lui valut de devenir le symbole de l’unité nationale et de la résistance.

Elle revint dans son pays en mars 1945. À Londres, elle avait espéré un renouvellement de la politique grâce à la Résistance mais ses espoirs furent vite déçus. Son désappointement fut encore plus grand suite à la guerre d’indépendance en Indonésie qui aboutit à l’émancipation de celle-ci en 1949. Tous ces événements, en plus d’un physique qui commençait à montrer ses limites, contribuèrent sans doute à sa décision de se retirer et de confier la couronne à sa fille unique qui fut investie le 4 septembre 1948.

Ses dernières années furent discrètes et ses apparitions publiques rares. Tout au plus la vit-on lors des inondations de 1953 ou lors de quelques cérémonies en l’honneur de la Résistance. Elle vivait la plupart du temps dans son château de Het Loo où elle accueillait parfois des réfugiés d’Indonésie ou de Hongrie après le soulèvement de 1956. Elle écrivit également ses mémoires de 1951 à 1957 avant de rendre son dernier souffle à Apeldoom le 28 novembre 1962.

Lettre de la Reine Wilhelmine.

Hauteur : 252 mm

Largeur : 203 mm

Cote : 15078

 

Photo de la réception de la reine Wilhelmine lors de la séance extraordinaire du 25 octobre 1946 de la Classe des Beaux-Arts.

Hauteur 180 mm

Largeur : 240 mm

Cote : 15470