Lettre rédigée en 1663

A Paris ce mardi à Minuit
Si je n’étais en état de n’oser plus sortir, j’irais vous remercier moi-même de la bonté que vous avez eue d’obtenir du roi qu’il nous conserva nos aides : ce n’est pas la première obligation que Monsieur mon mari et moi nous avons. Vous ne devez pas douter que nous n’ayons autant de reconnaissance que nous devons. Je vous supplie de continuer à prendre soin de nos intérêts et d’être entièrement persuadé que personne n’est plus dans les vôtres que la comtesse de Soissons.

La vie de courtisan n’est pas dénuée d’inquiétudes : le maître sera-t-il toujours aussi prodigue ? Bénéficiera-t-on toujours de sa bienveillance ? Nous avons constaté dans la biographie d’Olympe Mancini que la nature de ses relations avec Louis XIV fut très fluctuante. Nous avons également observé son penchant immodéré pour l’intrigue : elle ne fut pas élevée en partie par Mazarin pour rien, même si l’élève fut moins brillante que le maître au vu de son rejet définitif par la cour de France. Ne doutons pas toutefois que la comtesse de Soissons fit tout ce qui était en son pouvoir pour garder ce dont elle bénéficiait1 et elle ne compta sans doute pas sur son seul correspondant2 pour cela…

1 Ces « aides » sont-elles celles découlant de son poste de surintendante de la reine ou d’une autre source ? Ou des deux ? Rien ne l’indique dans la littérature consacrée à Olympe Mancini.
2 Impossible de savoir au juste qui est ce destinataire de 1663 : ne disposant pas d’une correspondance de la comtesse de Soissons, nous ne pouvons mentionner ici toutes les personnes susceptibles de recevoir cette lettre, elles seraient trop nombreuses et nous serions incapable de justifier les différentes hypothèses.

BERNARD C., Les nièces de Mazarin : des aristocrates à la quête d’indépendance, mémoire de master de l’Université Pierre Mendès France, Grenoble II, 2006-2007, 129 p.

BERTHO B., Une nièce de Mazarin : l'itinéraire d'Olympe Mancini, comtesse de Soissons (1639-1708), Mémoire de l’Université libre de Bruxelles, 2005.

COMBESCOT P., Les petites mazarines, Paris, Bernard Grasset, 1999, 423 p.

FRASER A., Les femmes dans la vie de Louis XIV, Paris, Flammarion, 2009, 552 p. (coll. Champs Histoire, traduction de Anne-Marie Hussein).

RENÉE A., Les nièces de Mazarin. Études de mœurs et de caractères au dix-septième siècle, Paris, Librairie de Firmin Didot frères, fils et Cie, 1856, 4-491 p.

Olympe Mancini, comtesse de Soisson

Née à Rome en 1639, décédée à Bruxelles le 9 octobre 1708. Olympe Mancini était la fille de Geronima Mazzarini, seconde sœur du cardinal Mazarin, principal ministre sous Louis XIII et sous la régence d’Anne d’Autriche1. Préférée de sa mère, Olympe rejoignit la France sur ordre de son oncle. Après des études dans un couvent de Rome, son éducation fut continuée à Paris sous la surveillance de la reine Anne d’Autriche et en compagnie du roi qui n’était plus jeune qu’elle que de quelques années. L’entente entre les deux enfants était excellente à ce point que l’on commença à se demander si le dessein du cardinal n’était pas de marier sa nièce au jeune monarque. Anne d’Autriche y était toutefois opposée et, du reste, le jeune monarque adolescent commençait à être sensible aux charmes des filles de son entourage, délaissant ainsi sa favorite.
Olympe manifesta sa jalousie à plusieurs reprises mais, peu amoureuse il est vrai, elle finit par comprendre qu’il était temps d’abandonner ce genre d’illusions. Il s’agissait alors de trouver un mari. Après plusieurs tentatives infructueuses, le choix se porta sur Eugène de Carignan, de la maison de Savoie. Comme Eugène tenait, par sa mère, aux Bourbons de la branche de Soissons, Mazarin, très satisfait de cette alliance, lui fit porter le titre de comte de Soissons. Bien entendu, Olympe devenait comtesse de Soissons par la même occasion. Le couple eut pas moins de huit enfants, dont Eugène de Savoie, le célèbre général des armées impériales qui mit à mal les armées de Louis XIV à plusieurs reprises. Ce mariage, loin de brouiller Olympe et le jeune monarque, les rapprocha bien au contraire et il ne se passait guère de soirées sans visites royales au sein de l’hôtel de Soissons. Poussèrent-ils l’intimité si loin qu’on l’a dit ? Cela est possible mais rien moins que certain. On sait toutefois que Louis conçut ensuite un vif désir pour Marie Mancini (sœur d’Olympe) qui obtint du souverain l’arrêt de ses visites à Olympe. Après son mariage toutefois, Louis se détacha de Marie et se réconcilia avec la comtesse de Soissons. Celle-ci devint surintendante de la maison de la reine et s’adonna à son penchant immodéré pour l’intrigue dans une cour où des manigances en tous genres naissaient chaque jour. Il serait trop long de détailler ici tous les projets ourdis par Olympe : retenons toutefois qu’elle et son mari furent relégués un temps dans leur gouvernement de Champagne. Leur exil fut toutefois de courte durée et elle revint à la cour où elle reprit son train habituel comme si rien ne s’était passé. Le roi se désintéressa toutefois d’elle et ne vint plus à l’hôtel de Soissons.
Son mari fut tué en Westphalie en juin 1673. Des bruits commençaient à courir sur l’hôtel de Soissons où l’on s’adonnait (prétendait-on) à l’astrologie et à la magie. On y évoquait même les esprits selon certains. L’affaire des poisons éclata à la fin des années 70 et la comtesse fut, parmi d’autres, dénoncée par « La Voisin », du nom de cette femme accusée d’empoissonnement. Menacée d’un emprisonnement à la Bastille, Olympe prit la décision de fuir, jetant ainsi une ombre sur son innocence. Elle gagna les Pays-Bas espagnols et Bruxelles plus particulièrement où elle put compter sur la sympathie du prince de Parme, gouverneur des Pays-Bas. Quoique certaines personnes impliquées dans l’affaire des poisons purent compter sur la clémence de la justice, ce ne fut pas le cas d’Olympe qui ne revint plus jamais en France. Six ans après son départ, elle se rendit en Espagne pour tenter d’établir un de ses fils. Elle fréquenta la cour dont la reine (Marie-Louise d’Orléans) était française. Celle-ci mourut subitement et, bien vite, des bruits d’empoisonnement circulèrent et certains crurent la comtesse de Soissons capable de ce genre d’action. Le duc de Saint-Simon l’a d’ailleurs accusée nommément dans ses Mémoires. Toutefois, toutes sortes de scénarios d’empoisonnement de la reine ont circulé à l’époque et bien plus tard encore : difficile dès lors d’accuser sérieusement la comtesse d’avoir occis la reine d’Espagne…
Olympe passa la fin de sa vie dans les Pays-Bas et en Allemagne. Elle continua à intriguer et, surtout, défendit les intérêts de son fils Eugène, terreur des armées du roi de France. On s’étonnera peu dès lors qu’après le décès de la comtesse de Soissons, ni le roi ni la cour ne prirent le deuil.

1 Pour cette notice, nous nous sommes inspiré principalement de l’ouvrage d’Amédée Renée (cf. orientation bibliographique) certes vieillissant mais donnant bien plus d’informations que les publications plus récentes. Olympe Mancini il est vrai, a suscité peu de récit et de sources (BERNARD C., Les nièces de Mazarin : des aristocrates à la quête d’indépendance, mémoire de master de l’Université Pierre Mendès France, Grenoble II, 2006-2007, p. 6).

Support : une feuille de papier

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Hauteur : 179 mm

Cote : 19346/3033