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Procuration du 11 février 1760

Monsieur le Comte de Baillet et de la Tour m’ayant proposé la vente de sa terre et seigneurie de Montquintin, et ayant pour cet effet obtenu le consentement de la Cour de Bruxelles ; je donne par la présente commission et pouvoir à l’abbé Pierson mon secrétaire de traiter avec lui pour moi et en mon nom du prix de la dite terre et ses dépendances, d’arranger les conditions de vente, enfin d’en arrêter le prix, et conclure le marché ; l’autorisant de passer et signer, partout où il conviendra ; de prendre aussi en mon nom et pour moi possession actuelle et réele de la dite terre et ses dépendances ; de passer fianelement toute œuvre de loi à ce nécessaire et requise ; promettant d’avoir pour agréable tout ce qu’en cela il fera pour moi en vertu de la présente procura, que j’ai signée de ma main, et y apposé le cachet de mes armes. Fait à Trêves le 11 février an 1760.

 

M. de Hontheim

Evêque de Myriophis

Suffragant de l’Archevêché

De Trêves.

Ce document permettait à l’abbé Pierson de mener l’achat de la seigneurie de Montquintin. On sait en effet que le comte de Baillet de Latour possédait cette terre depuis 1753. Pour réaliser cette vente, le comte devait toutefois en demander l’autorisation à l’impératrice Marie-Thérèse. Celle-ci approuva l’opération par lettres patentes du 21 janvier 1760. Hontheim réagit donc rapidement et l’abbé Pierson agit avec tout autant de célérité : l’acte de vente fut en effet signé le 7 mars de la même année pour le prix de 17.300 écus à 56 sols1. On sait (cf. notice biographique) que Hontheim, après sa démission de ses fonctions épiscopales, rejoignit Montquintin et y vécut ses dernières années. Il mourut dans le château de cette localité : ce bâtiment connut bien des déboires par la suite (dont plusieurs incendies) au point de tomber en ruine. Toutefois, ces ruines font l’objet d’une restauration menée depuis 19952.

1 PETIT A., « Les seigneurs de Montquintin », in Le Pays gaumais, 1968-1969, 29e-30e années, n° 1-4, p. 105.

2 http://www.montquintin.be/pages/restaurer.html

AUTPHENNE R., Dampicourt, Montquintin, Couvreux. Reflets de la vie religieuse. Coutumes et folklore, s.l., 1986, 131 f.

GUILLAUME L., « Coup d’œil sur Montquintin et son dernier seigneur », in L’avenir du Luxembourg des 6, 13, 21-22, 26 août 1911.

KÜNTZIGER J., Fébronius et le fébronianisme : Étude historique sur le mouvement réformateur provoqué dans l’Église catholique au XVIIIe siècle par Fébronius, c’est-à-dire J.-N. de Hontheim, évêque suffragant de Trêves, et l'origine des réformes religieuses de Joseph II, Bruxelles, F. Hayez impr., 1891, 238 p. (Mémoires couronnés et autres Mémoires : Collection in-8°, t.44, fasc.7)

PETIT A., « Les seigneurs de Montquintin », in Le Pays gaumais, 1968-1969, 29e-30e années, n° 1-4, p. 43-118

SCHAUDEL : « Le dernier seigneur de Montquintin », in Société des lettres, Sciences et Arts de Bar-le-Duc, 1893, 3ème série, t. II

 

Jean-Nicolas de Hontheim

Né à Trèves le 27 janvier 1701, décédé à Montquintin le 2 septembre 1790. Jean Nicolas de Hontheim était issu d’une riche et ancienne famille dont plusieurs membres avaient assuré les plus hautes charges au sein de l’Église et de l’État : son père était lui-même conseiller à la cour de l’archevêque-électeur de Trèves1. Sa mère, Anne-Margueritte, était elle aussi de haute extraction : née d’Anethan, elle était la fille du grand bailli de Trêves, Jean d’Anethan, seigneur de Corheim. Le jeune Jean-Nicolas reçut sa première éducation chez les pères jésuites de Trèves. Il se distingua par son intelligence et son goût pour l’étude. Rapidement, sa piété et sa santé chancelante lui firent choisir la carrière ecclésiastique : dès 12 ans, il fut pourvu d’une prébende dans la collégiale de Saint-Siméon. Six ans plus tard, il quitta l’école des jésuites pour rejoindre les rangs de l’Université de Trèves où il étudia le droit romain et le droit civil. Ces premières matières maitrisées, il rejoignit l’Université de Louvain. Il y suivit les cours du vieillissant Van Espen, un des plus ardents défenseurs des théories gallicanes, encore en faveur au sein de l’institution en dépit des attaques incessantes des jésuites et de la faction ultramontaine envers le vieil homme. Après un an à Louvain, il visita l’Université de Leyde où il étudia le droit naturel et le droit public. Rentré à Trêves en 1724, il est proclamé docteur en droit. Il consacra les années suivantes à voyager, notamment en terres allemandes et en Italie. Il s’arrêta longuement à Vienne pour y faire la connaissance de la Cour impériale et s’initier aux affaires politiques. Il passa aussi deux ans à Rome pour étudier les doctrines de la curie romaine. Le pontificat était alors assuré par Benoît XIII. Celui-ci avait confirmé la fameuse bulle Unigenitus condamnant le jansénisme. Le spectacle de la Curie ne fut guère agréable au jeune Hontheim.
De retour à Trèves en 1728, il fut nommé assesseur du Consistoire et du Vicariat général de Trèves et obtint la chaire de professeur de droit public à l’Université de Trèves en 1732, chaire qu’il occupa jusqu’en 1737. En 1738, il fut appelé à Coblentz par l’archevêque-électeur François-George de Schönborn qui le nomma président de l’officialité de Coblentz et directeur du séminaire de cette ville, puis, deux ans plus tard, chanoine de Saint-Florian et conseiller intime en 1742. Hontheim resta près de dix ans à Coblentz. En 1747, des problèmes de santé l’obligèrent à quitter cette ville et à renoncer à ses fonctions d’official et de directeur de séminaire. Il revint à Trèves et fut désigné l’année suivante suffragant de l’Archevêque-électeur avec le titre d’évêque de Myriophite In partibus infedelium. De par son élévation à ces hautes dignités, Hontheim acquit une grande influence tant dans l’administration ecclésiastique du diocèse que dans l’administration temporelle de l’électorat. Il fut en effet souvent désigné par l’archevêque électeur pour d’importantes missions diplomatiques. Il fit également preuve de beaucoup d’activités comme administrateur ecclésiastique et cela jusqu’à la fin de son existence. Entre autres réformes, il faut signaler l’obligation faite aux professeurs de théologie d’enseigner dans les séminaires la célèbre Déclaration du clergé de France de 1682 rédigée par Bossuet et limitant considérablement le pouvoir du souverain pontife sur l’Église de France. Si cette réforme ne rencontra guère d’opposition, il n’en fut pas de même quand Hontheim voulut réformer l’Université de Trèves où les jésuites trustaient les postes importants. Il y réussit malgré tout grâce à l’aide de l’archevêque électeur qui lui donna les pleins pouvoirs pour briser toute résistance.
Ces activités incessantes ne l’empêchèrent pas de composer des ouvrages dont l’érudition lui permit d’assurer un rang distingué parmi les savants de son temps. Il faut mentionner une Histoire diplomatique de Trèves parue en 1750, complétée sept ans plus tard par un supplément ayant pour titre : Prodromus historiae Trevirensis diplomaticae. L’ouvrage le plus important fut cependant celui sorti en 17632 où il exposa ses idées sur le gouvernement de l’Église et dont le titre était Justini Febronii Icti de statu ecclesiae et legitima potesta Romani Pontificis liber singularis ad reuniendos dissidentes in religione Christianos compositus. Cet ouvrage écrit sous le pseudonyme de Justinius Fébronius (du nom de sa nièce entrée en religion) fit grand bruit. Hostile aux thèses ultramontaines, l’auteur y démontrait que le gouvernement de l’Église n’était pas d’essence monarchique. S’appuyant sur le Nouveau testament et le témoignage des pères de l’Église, il démontra que les apôtres eurent tous un pouvoir égal : les évêques, leurs successeurs, sont les égaux du Pape. Il s’agissait donc de réduire le pouvoir de ce dernier en s’appuyant notamment sur l’exemple de l’Église gallicane. On se doute que Rome ne pouvait rester insensible à cette remise en cause de son pouvoir : la Congrégation de l’Index condamna l’ouvrage le 27 février 1764. Comme souvent (pour ne pas dire toujours), cette condamnation n’eut pour effet que de provoquer le succès du livre en Allemagne, dans les Pays-Bas autrichiens, en France, en Italie et dans la péninsule ibérique. Entretemps, le véritable nom de l’auteur du Justini Febronii (…) fut découvert par la Curie romaine : celle-ci tenta vainement de discréditer Hontheim auprès de l’archevêque de Trêves. L’évêque suffragant dut ensuite subir les attaques des théologiens catholiques (Kleiner, Bardt, etc.) ou encore des jésuites comme Zaccaria. Le pape Pie VI envoya ensuite le nonce de Cologne (Bellisomi) en juin 1776 auprès de l’archevêque électeur Clément Wenceslas pour le gagner à la cause de la Curie. Celui-ci finit par céder aux pressions romaines et somma Hontheim de se rétracter. Celui-ci, après une brève résistance, signa une rétractation en octobre 1778. Le 21 avril 1779, Hontheim demanda et obtint sa démission de ses fonctions épiscopales. Il se retira alors dans son château de Montquintin pour y passer les dernières années de sa vie. Il publia toutefois un commentaire sur sa rétractation qui confirmait plus qu’il n’infirmait les théories de Fébronius, ce qui provoqua à nouveau la colère de la Cour romaine. Celle-ci chargea l’archevêque de Trèves de faire à nouveau pression sur Hontheim. Le prélat allemand refusa toutefois de se plier à cette injonction et le pape finit par céder.

1 Pour cette notice, nous nous sommes inspiré de l’étude de J. Küntziger paru dans les Mémoires couronnés de l’Académie royale de Belgique (cf. orientation bibliographique).
2 D’abord paru en 1 volume , l’ouvrage fut porté à quatre : le tome II parut en 1770, le III deux ans plus tard et enfin le quatrième (en deux parties) en 1773 et en 1774.

Support : une feuille de papier

Hauteur : 325 mm
Largeur : 408 mm

Cote : 19346/2172