Quittance comptable de la Légion d’honneur, 29 octobre 1812
Grande trésorerie
Exercice 1812
Mandat N.° 2806
*Vous êtes invité, Monsieur,
à indiquer vos prénoms, noms
qualités et grade.
*M. Goffin (Hubert) maître mininer
et membre de La Légion d’honneur
Quittance comptable de / 196
Je soussigné reconnais avoir reçu de Son Excellence le grand Trésorier de la Légion d’honneur, par les mains de M. Desoer, receveur général de l’Ourte la somme de cent quatre vingt seize francs pour gratification en sus de mon traitement en qualité de membre de la légion d’honneur du 1er mars au 30 juin dernier.
Hubert Goffin.
Un rapide coup d’œil sur la totalité du document indique que la seule partie écrite par Henri Goffin est la signature.
La somme de 196 francs est accordée pour les quatre premiers mois de la pension annuelle de 600 francs promise par les autorités au maître minier1. Cette somme levée sur les fonds de la Légion d’honneur2 n’était pas négligeable pour l’époque vu que la rémunération journalière d’un houilleur de la région de Liège était de 1, 05 franc en 18123. Goffin était sans doute mieux rémunéré que cela du fait de son statut de maître minier (en termes plus contemporains : contremaître4). Quoiqu’il en soit, cette pension et le salaire habituel du nouveau chevalier de la Légion d’honneur apportèrent sans doute plus de confort matériel à ce dernier, à la tête il est vrai d’une famille nombreuse.
1 Nous n’avons pas réussi à déterminer à quoi correspondait cette différence de 4 francs : une taxation ? Nous l’ignorons : il faudrait sans doute d’autres documents pour déterminer la nature de cette différence et les archives de la Légion d’honneur relatives à Goffin restent muettes à ce sujet.
2 Lettre du grand chancelier de la Légion d’honneur à Hubert Goffin, Paris, 13 mars 1812 (http://www.culture.gouv.fr/LH/LH081/PG/FRDAFAN83_OL1163048v023.htm).
3 LEBRUN P., BRUWIER M., DHONT J, HANSOTTE G., Essai sur la révolution industrielle en Belgique 1770-1847, Bruxelles, Palais des Académies, 1981, 2e édition, p. 335 (coll. Histoire quantitative et développement de la Belgique, II, 1).
4 Notice de Cl. Ducourtial, conservateur du Musée de la Légion d’honneur, Paris, décembre 1964 (http://www.culture.gouv.fr/LH/LH081/PG/FRDAFAN83_OL1163048v035.htm).
COUVREUR H.-J., « Napoléon et les œuvres sociales », in Bulletin de la Société belge d’études napoléoniennes, mars 1972, n° 78, p. 23-28.
DELRÉE H., « L'affaire Hubert Goffin. Étude des relations du coup d'eau survenu le 28 février 1812 dans l'exploitation de Beaujonc, à Ans près de Liège », In Bulletin de l'Institut archéologique liégeois, 1987, T. XCIX, p.91-145.
DU ROUVE DE SAVI, Éloge en vers d'Hubert Goffin, Paris, De l’imprimerie de Cussac, rue d’Orléans, 1812, 18 p.
DUSOULIER L., « La première caisse de sécurité sociale », in Revue du Souvenir napoléonien, décembre 2009, p. 21-27.
http://www.napoleon.org/fr/salle_lecture/articles/files/476839.asp
MILLEVOYE C., Goffin ou le héros liégeois, Paris, imprimerie de F. Didot, 1812, 10 p.
P---RT, « Goffin (Hubert) », in Biographie universelle, ancienne et moderne, A Paris, Chez L.-G. Michaud, libraire-éditeur, 1838, t. 65, p. 491-492.
DE XIMÉNEZ A.-L., À M. le baron de Micoud, préfet de Liège. Goffin, ou le héros liégeois, ode, s.l., s.d., 1 p.
TULARD J., « Goffin (Hubert), in TULARD J. (dir.), Dictionnaire Napoléon, Paris, Fayard, 1999, vol. 1, p. 881.
Le dossier d'Hubert Goffin des archives de la Légion d'honneur peut être consulté ici.
Hubert Goffin
Hubert Goffin naquit en 1771 et fut baptisé à Liège (paroisse Sainte-Marguerite) le 17 décembre1. Il était le troisième enfant d’un houilleur et d’une convoyeuse de charbon nommés Joseph Goffin et Marie Waseige, mariés tous deux à Ans. On sait peu de choses sur sa vie jusqu’à l’évènement qui le rendit célèbre si ce n’est qu’il épousa Anne Lemaire avec qui il eut dix enfants.
Le 28 février 1812, il se trouvait à la mine dite de Beaujonc (territoire d’Ans) à 170 mètres sous terre, en compagnie de son fils Mathieu et de son équipe de 127 mineurs. Tout à coup, une inondation envahit la houillère. Goffin battit alors le rappel de son équipe et refusa de remonter quand il constata qu’il était le seul à pouvoir organiser les secours. En compagnie de son fils, il réussit à sauver 70 mineurs en les dirigeant vers des galeries plus éloignées et plus élevées. Tous étaient toutefois prisonniers de leur refuge mais Goffin et son fils réussirent à persuader les survivants de creuser pour aider les sauveteurs en surface. Le 4 mars 1812, après cinq jours et cinq nuits d’attente, les emmurés communiquèrent enfin avec les sauveteurs. Ils furent ramenés au jour, Hubert Goffin et son fils en dernier.
Cet acte de bravoure eut un grand retentissement dans l’empire et Napoléon n’y resta pas insensible. Le souverain décerna la croix de chevalier de la Légion d’honneur à Hubert Goffin et lui attribua une pension à vie de 600 francs. Son fils Mathieu put entamer des études au lycée impérial de Liège et cela au frais de l’État. En outre, le souverain intima l’ordre au préfet de l’Ourthe (le baron Micoud d’Umons) de procéder à la réception du nouveau chevalier dans les plus brefs délais et avec une grande solennité. La cérémonie eut lieu le 22 mars à l’hôtel de ville de Liège et attira la foule. Le courage du père et du fils inspirèrent les artistes. Les peintres Jacques Bordier du Bignon2 et Philippe Auguste Hennequin immortalisèrent la cérémonie du 22 mars 1812. Léonard Jehotte, lui, illustra Hubert Goffin et son fils au fonds du puits Beaujonc (illustration reprise ci-dessus). Henri Franconi conçut un vaudeville historique en deux actes intitulé : La mine Beaujonc ou le dévouement sublime, joué pour la première fois à Paris le 28 mars 18123. L’Académie française quant à elle fit frapper une médaille pour l’auteur du meilleur ouvrage en vers relatif à la bravoure des Goffin père et fils. Charles-Hubert Millevoye fut le lauréat de ce concours en écrivant un poème ayant pour titre : Hubert Goffin ou le héros liégeois. Le drame de la mine de Beaujonc n’inspira pas que les artistes. En effet, le préfet de l’Ourthe profita de l’occasion pour favoriser la création d’une caisse de secours pour les mineurs qu’il appelait de ses vœux depuis longtemps. La première réunion du conseil d’administration de la Caisse de prévoyance en faveur des ouvriers houilleurs du département de l’Ourthe eut lieu au sein de l’hôtel de ville de Liège et avait pour membre Hubert Goffin. Après l’empire, Guillaume Ier, roi du Royaume des Pays-Bas, décora ce dernier de la croix de chevalier du Lion Belgique. Son courage lui fut fatal. En effet, on fit appel à ses services le 8 juillet 1821 pour descendre dans la houillère du Bois de Saint-Gilles à Sclessin au sein de laquelle un incendie s’était déclaré. Un violent coup de grisou lui fracassa le crâne et il rendit son dernier souffle deux heures plus tard, rejoignant dans le néant son fils Mathieu décédé un an plus tôt. Au début du XXe siècle, la commune d’Ans commanda une statue en l’honneur des Goffin à l’artiste liégeois Oscar Berchmans. Cette œuvre fut inaugurée cent ans après la catastrophe de la mine du Beaujonc. Elle est toujours visible sur la place Nicolaï de Ans.
1 Pour cette notice, nous nous sommes inspiré principalement de l’article de Louis Dusoulier (cf. orientation bibliographique). Nous tenons à remercier notre collègue Serge Alexandre pour nous avoir communiqué plusieurs informations au sujet d’Hubert Goffin.
2 http://balat.kikirpa.be/photo.php?path=B156922&objnr=10128768&lang=fr-3 http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k61547489/f1.image
Quittance
Support : une feuille de papier
Hauteur : 245 mm
Largeur : 185 mm
Cote : 17986/1976
Estampe
Le chevalier Hubert Goffin et son fils dans la houilliere Beaujonc. Dédié à Monsieur le Baron de Micoud, Préfet du Département de l’ourte, chevalier de la légion d’Honneur, H. Johns Delin.t ; L. Jehotte Sculpsit ; A Paris chez Bance, Rue Saint Denis n° 214 ; Déposé à la Bibliothèque Impériale ; Par son très humble Serviteur L. Jehotte ; Imprimé par Ramboz.
Légende : « Le 28 février 1812, la houilliere Beaujonc près de Liège fut inondée tandis que les mineurs étoient à l’ouvrage, Hubert Goffin leur chef ; averti du danger fait appeler son fils Mathieu et tous les ouvriers pour fuir, il remarque que l’irruption des eaux va fermer le passage à un grand nombre d’entre-eux et qu’ils sont perdus s’il les abandonne. Son fils est près de lui mais le généreux Goffin reste, fait remonter tous ceux dont il peut assurer le salut, et songeant aux autres il s’écrie « Je veux les sauver tous, où périr avec eux. » son fils, agé de 12 ans, veut partager son danger. Le moment ici représenté est celui où travaillant depuis 4 jours et 3 nuits, Goffin épuisé de fatigue et non découragé, prend un peu de repos, son fils inquiet sur sa santé lui tâte le pouls, et sentant qu’il a encore de la force, il dit « courage père y va ben. » ils entendent les efforts que l’on fait pour leur délivrance et celle de leurs 69 compagnons, qui eut lieu le 4 mars après 5 jours et 4 nuits de travaux incroyables ».
Hauteur : 380 mm
Largeur : 340 mm
Collection artistiques de l’Université de Liège, n° 3569
http://www.wittert.ulg.ac.be/