Rapport au sujet des travaux présentés par Sylvain Arend pour appuyer sa candidature au prix fondation Agathon de Potter, 5 février 1937.
Rapport au sujet des travaux présentés par M Arend pour appuyer sa candidature
au prix fondation Agathon de Potter (période1934-36)
Les découvertes nombreuses d’astéroïdes à l’Observatoire royal, découvertes auxquelles M. Arend a pris une large part, l’ont amené à prendre part aussi aux calculs nécessaires pour suivre et retrouver ces nombreux astres errants. En 1931, il alla s’initier à Berlin aux méthodes de calcul adoptées par le Rechen Institut qui vient de publier les contributions de M. Arend relatives à la détermination ou à l’amélioration des orbites des astéroïdes 1052 – 975 – 754 – 1935CK et 1933CL.
Lors d’une visite à l’Université de Berkeley, [le] Professeur Leuschner suggéra à M. Arend d’employer dans le calcul par sa modification bien connue de la méthode de Laplau, non seulement les secondes mais aussi les troisièmes différences. Le calcul fut effectué en collaboration avec M. Paul Herget au sujet de 1361 (Leuschneria)
Lors d’un séjours à l’Observatoire Yerkes, M. Arend s’intéressa aux orbites d’étoiles doubles et calcula une nouvelle orbite de B1266 dont il améliora la période et discuta les observations de ∑1517 montrant l’inanité des craintes exprimées par T. Levis au sujet d’une intervention possible de l’ordre suivant lequel les deux compagnons avaient été considérés.
La détermination de la position d’un astre par la méthode photographique se fait par rattachement à un certain nombre d’étoiles dont les positions sont données par des catalogues de précisions tels que celui de la carte du ciel. Les coefficients de la relation liant les coordonnées standard de l’objet à celles des étoiles de comparaison s’appellent des dépendances. Ces dépendances peuvent se calculer à partir des mesures effectuées sur le cliché. M. Arend discute les diverses variantes de ces méthodes en usage à Uccle suivant le nombre d’étoiles de comparaison et les coordonnées employées et conclut à une précision moyenne de 0″7 à 1″4. Cette discussion détaillée, basée sur le calcul d’un grand nombre de cas justifient (sic) les méthodes rapides de rattachement à deux ou trois étoiles basées sur des principes élémentaires de géométrie projective sans tenir compte des effets différentiels de réfraction et d’observation ni de la distorsion de l’objectif.
Un intérêt particulier s’attache aux déterminations précises des radians de l’essaim d’étoiles filantes du 9 octobre 1933 qui a fourni l’objet d’observations et de discussions de M. Arend. M. Arend arrive à la remarquable conclusion que les convergents déterminés sur une plaque prise à Uccle et une autre prise en même temps à Juvisy et donc M. Arend a entrepris aussi la réduction, coïncident à une fraction de degré précis. Ceci montre que le parallélisme des membres de l’essaim est beaucoup plus précis que ne l’aurait fait croire les observations antérieures.
En conclusion, j’estime qu’il y a lieu de prendre en considération les travaux de M. Arend pour l’attribution du prix Agathon de Potter.
Louvain 5 février 1937
Georges Lemaître
Tanguy Ons
Université catholique de Louvain
La Fondation Agathon de Potter1 est instituée par la Classe des Sciences durant la séance plénière du 1er mars 1919. Cette fondation regroupe sept prix triennaux récompensant les meilleurs travaux dans les domaines suivants : les mathématiques, la physique, la chimie, les sciences minérales, la biologie animale, la biologie végétale et l’astronomie2.
Le 21 décembre 1936, Sylvain Arend, astronome à l’Observatoire royal de Belgique, envoie une lettre au Secrétaire perpétuel de l’Académie royale de Belgique afin d’inscrire ses travaux pour la période 1934-1936 du prix Agathon de Potter. L’astronome estime que son « activité en Astronomie durant ces trois dernières années a été particulièrement fructueuse3 ». Les travaux qu’il souhaite présenter se rapportent à « la détermination d’orbites d’astéroïdes, d’étoiles doubles et d’essaims d’étoiles filantes ; à la réduction de positions photographiques d’astres errants ; à l’étude de trajectoires d’étoiles filantes et à des recherches concernant l’averse météorique du 9 octobre 19334 ». Ainsi, l’astronome semble rechercher la reconnaissance de ses pairs, ainsi qu’éventuellement l’avantage financier que le prix représente. La candidature d’Arend est appuyée le 23 décembre 1936 par Eugène Delporte, directeur de l’Observatoire Royal de Belgique5. L’appui de Delporte envers son assistant semble naturel puisque la nomination de Sylvain Arend rattacherait l’institution de Delporte au prix.
Le règlement du prix stipule que « les travaux présentés en vue de l’obtention d’un prix (…) seront soumis au jugement de trois commissaires6 ». Ces commissaires sont nommés lors de la séance plénière de la Classe des Sciences du 9 janvier 1937, à savoir Georges Lemaître, Marcel Dehalu et Théophile de Donder7. Le document produit par Georges Lemaître, premier commissaire, est donc son rapport à destination de la Commission du prix. Dans son rapport, Lemaître décrit les activités de Sylvain Arend pour la période concernée par le prix. Le commissaire s’attarde sur les formations suivies par l’astronome d’Uccle, sur ses collaborations avec d’autres scientifiques, sur ses découvertes récentes et sur l’intérêt des dites découvertes. Enfin, Georges Lemaître conclut que les travaux de Sylvain Arend sont dignes d’intérêt pour la remise du prix Agathon de Potter. Dans son rapport, Marcel Dehalu se « rallie aux conclusions de l’honorable premier commissaire » et ajoute que « les publications de M. Arend pendant la période 1934-36 présentent un réel intérêt ». Théophile De Donder, plus bref, se rallie également à l’avis de ses confrères8.
Le prix est attribué à Sylvain Arend en date du 14 décembre 1937 « pour l’ensemble de ses travaux durant la période9 ».
Tanguy Ons
Université catholique de Louvain
1 À ne pas confondre avec la fondation Agathon de Potter qui est une subvention et non un prix.
2 « Séance du 5 avril 1919 », dans Bulletin de la Classe des Sciences, 5e série, t. V, 1919, p. 221.
3 Lettre de Sylvain Arend au Baron de Selys Longchamps, 21 décembre 1936, Archives de l’Académie Royale de Belgique, n° 6375.
4 Lettre de Sylvain Arend au Baron de Selys Longchamps, 22 décembre 1936, Archives de l’Académie Royale de Belgique, n° 6375.
5 Lettre d’Eugène Delporte à la Classe des Sciences, 23 décembre 1936, Archives de l’Académie Royale de Belgique, n° 6375.
6 Séance du 5 avril 1919, dans op. cit., p. 221.
7 Séance du 9 janvier 1937, dans Bulletin de la Classe des Sciences, 5e série, t. XXIII, 1937, p. 8.
8DEHALU, M et DE DONDER, T., Rapport au sujet des travaux présentés par M. Arend (Prix Agathon de Potter). Période 1934-36, [1937], Archives de l’Académie Royale de Belgique, n° 6375.
9Séance du 14 décembre 1937, dans Bulletin de la Classe des Sciences, 5e série, t. XXIII, 1937, p. 934.
DE RATH, V., Georges Lemaître. Le père du Big Bang, s. l., 1994.
Georges Lemaître et l’Académie royale de Belgique. Œuvres choisies et notice biographique, Bruxelles, 1995.
LAMBERT, D., Un atome d’univers. La vie et l’œuvre de Georges Lemaître, Bruxelles, 2000.
LEMAÎTRE, G., « L’univers en expansion », dans Bulletin de la Classe des Sciences, 5ème série, t. XXI, 1935, p.
MANNEBACK, C., « Lemaître (Georges-Henri-Joseph-Edouard, Mgr) », dans Biographie Nationale, t. 38, Bruxelles, 1973, col. 453-466.
MANNEBACK, C., « Notice sur Monseigneur Georges Lemaître », dans Annuaire de l’Académie Royale de Belgique, t. 140, Bruxelles, 1974, p. 86-115.
ROBREDO, J-F., La métamorphose du ciel. De Giordano Bruno à l’abbé Lemaître, s. l., 2011.
STOFFEL, J.-F., Mgr Georges Lemaître, savant et croyant, [Actes du colloque du 4 novembre 1994], Louvain la Neuve, 1996.
Tanguy Ons
Université catholique de Louvain
Georges Henri Joseph Édouard Lemaître
Georges Lemaître est né le 17 juillet 1894 à Charleroi et est décédé le 20 juin 1966 à Louvain.
En 1911, il entre à l’Ecole d’Ingénieur de l’Université catholique de Louvain. Cependant, son cursus universitaire est interrompu par le déclenchement de la Première Guerre mondiale1. Durant la Grande Guerre, Georges Lemaître s’engage au sein de l’Armée belge. Il a notamment participé à la défense des positions fortifiées de Liège, au renforcement des fortifications d’Anvers ainsi qu’à la bataille de l’Yser2. Il sera décoré de la Croix de guerre avec palmes à la fin de la guerre. Lemaître reprend ses études après le conflit mais abandonne l’ingénierie au profit des sciences physiques et mathématiques. Il obtient son doctorat en 1920 avec une thèse relative à l’approximation des fonctions de plusieurs variables réelles. Par la suite, il entre au séminaire de Malines et devient prêtre en 19233.
En 1925, Georges Lemaître est nommé professeur ordinaire à l’Université catholique de Louvain et dispense des cours sur la relativité, l’histoire des sciences, la méthodologie des mathématiques ainsi que sur la mécanique rationnelle4. C’est en 1927 que Lemaître publie un texte fondamental intitulé : « Un univers homogène de masse constante et de rayon croissant rendant compte de la vitesse radiale des nébuleuses extragalactiques » dans les Annales de la Société scientifique de Bruxelles. Cet article le conduira jusqu’à l’élaboration de son hypothèse de l’atome primitif, plus communément appelée aujourd’hui théorie du big bang5.
Lemaître est élu correspondant de la Classe des Sciences de l’Académie royale de Belgique en 1933, puis membre en 19416. Un buste en bronze à son effigie est sculpté par Charles Leplae en 1952.7 En 1940, Georges Lemaître devient également membre de l’Académie pontificale des Sciences qu’il présidera de 1960 à sa mort.8
En 1934, le Prix Francqui est remis à Georges Lemaître par le roi Léopold III pour ses théories cosmologiques. Ce prix annuel est remis aux scientifiques belges dont les contributions ont augmenté le prestige du Royaume. En 1946, il est nommé Officier de l’Ordre de Léopold9 et Commandeur de l’Ordre de Léopold II10. Le prix décennal des Sciences mathématiques appliquées est remis à l’abbé en 1950 pour la période 1933-194211.
Georges Lemaître décède le 20 juin 1966. Il est inhumé au cimetière de Marcinelle.
1MANNEBACK, C., « Notice sur Monseigneur Georges Lemaître, membre de l’Académie », dans Annuaire de l’Académie, t. 140,1974, p. 87.
2LAMBERT, D., Un atome d’univers. La vie et l’œuvre de Georges Lemaître, Bruxelles, 1999, p. 37-38.
3MANNEBACK, C., op. cit., p. 87.
4DE RATH, V., Georges Lemaître. Le père du big bang, Bruxelles, 1994, p. 45.
5LAMBERT, D., op. cit., p. 98-111.
6MANNEBACK, C., op. cit., p. 101-102.
7Voir https://tresorsdelacademie.be/fr/patrimoine-artistique/buste-de-georges-lemaitre
8LAMBERT, D., op. cit., p. 295.
9Extrait conforme de l'Arrêté du Régent, 10 mars 1946., Archives de Georges Lemaître, Université catholique de Louvain, inv. 497.
10Copie conforme de l'Arrêté du Régent, 1 août 1946, Archives de Georges Lemaître, Université catholique de Louvain, inv. 875.
11MANNEBACK, C., op. cit., p. 101-102.
Support : 3 feuilles de papier
Hauteur : 275 mm
Largeur : 213 mm
Côte : ARB 6375
Tanguy Ons
Université catholique de Louvain