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Réflexions sur un ancien Monument du Tournaisis, appelé vulgairement la Pierre Brunehaut

Réflexions sur un ancien Monument du Tournaisis, appelé vulgairement la Pierre Brunehaut

                Par l’abbé de Nelis. Lues à la séance du 5 novembre 1773

Un monument singulier, qui subsiste pour le moins depuis douze siècles, qui porte le nom d’une Reine illustre, autant, ou plus, par ses malheurs, que par beaucoup d’actions d’éclat et de couragfe ; une pierre du plus grand volume, isolée au milieu des champs, et qui ne présente aucune marque, même effacée, de son origine, sans figures, sans inscription, sans aucune trace du temps passé ni de la main des hommes, ce monument à qui l’on ne connait dans la Belgique qu’un seul monument semblable près de Binche et qui même ; depuis vingt ans, ne subsiste plus ; la pierre – Brunehaut en (….) [suite dans le tome I des Mémoires de l’Académie impériale et royale des Sciences et des Belles-Lettres de Bruxelles

[Apostille barrée dans la marge]

Lues à l’Académie le 5 novembre 1773

Messieurs Caussin, Hesdin et des Roches commissaires.

Ce mémoire lu  à une séance de notre Académie du 5 novembre 1773 constitue un minutieux travail de critique historique et d’une visite de la pierre et de sa région par son auteur. Cela lui permit de mettre à mal toutes les théories au sujet du monument. Ainsi, si certains historiens prétendent que le « grais » (ou grès en français plus moderne) de cette pierre n’était pas disponible dans la région, Nelis argua du contraire en constatant sur place que cette matière affleurait en bien des endroits tout autour.  

Sont-ce les Romains qui érigèrent ce monument comme l’indiquent L’archidiacre Catulle ou l’abbé Paul-François Velly dans son Histoire générale de la France (1755-1759) ? Pas du tout selon Nelis. On peut difficilement lui donner tort quand il écrit que les Romains fêtaient leurs victoires avec des arcs de triomphe portant inscriptions et que jamais il ne fut question d’imiter le style des populations vaincues.

Faut-il alors penser que ce monument fut conçu pour honorer la mémoire de la reine des Francs Brunehaut (circa 547 – 613) ? Pas davantage selon Nelis. Cette reine ne régna jamais sur la région. Il admet que l’on attribue bien des choses à Brunehaut (dont la chaussée passant près de la pierre) mais qu’il faut plutôt y voir la haine des Tournaisiens envers sa rivale Frédégonde (545-597, reine de Neustrie), qui eut le tort de faire tuer des bourgeois de la ville aux cinq clochers. Toujours selon Nelis, ce nom de Brunehaut fut accolé à cette pierre par les géographes de la Renaissance. Avant cela, le curé de Halloin lui a assuré que les notes de ses prédécesseurs l’appelaient la « Brune – Pierre », brune signifiant souvent gris à l’époque.

Nelis termine sa démonstration en livrant son opinion, basée sur la tradition orale relevée par l’académicien dans la région entourant la pierre. Selon celle-ci, ce monument fut érigé suite à la victoire des Tournaisiens sur les Hérules (peuplade venant du Nord) au Ive siècle. Vae victis : ces derniers furent passés par le fil de l’épée dans la crête des Hurelus (Nelis ne voit aucun hasard dans la ressemblance des mots Hérules et Hurelus), chemin menant à la pierre nous intéressant ici. Nelis s’empresse toutefois d’ajouter que si on n’accepte pas cette hypothèse, on peut également envisager que le monument appartient à une période plus reculée encore, celle des premières peuplades celtes venues s’installer dans la région.

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Corneille François de Nelis

Né à Malines le 4 juin 1736, décédé à Campo Malduli (Italie, près de Florence) le 21 août 1798.

Il fait ses humanités chez les Oratoriens de sa ville natale. Il est immatriculé en 1751-1752 en tant que minorennis de l'Université de Louvain. Le 23 octobre 1753, il y est proclamé Primus du concours général de philosophie sur un total de cent vingt candidats. La même année, il entre à la Faculté de Théologie. Il est tonsuré le 16 août 1757 et reçoit les ordres mineurs le 22 décembre 1759. Il obtient le grade de licencié le 5 mai 1760. Ce parcours studieux ne l'empêche pas d'obtenir des postes prestigieux pour son jeune âge. Il devait ses emplois autant à ses talents indéniables qu'aux protections combinées du chef-président du Conseil privé Neny et du ministre plénipotentiaire Cobenzl. En 1757, il obtient en effet la présidence du collège de Malines, annexé à l'Université de Louvain. Un an plus tard, sur ordre du gouvernement, il est également nommé bibliothécaire de la même université, poste qu'il occupera avec des fortunes diverses. Il est vrai que la bibliothèque de l'Alma Mater était dans un piteux état à son arrivée et qu'il doit partager son temps entre ce poste et celui de chanoine de la cathédrale de Tournai à partir de 1765. Il eut le tort également de choisir deux assistants qui ne l'aidèrent en rien : vivement contrarié de cette situation, il démissionne le 26 novembre 1768. Avant cela, il s'était occupé également à partir de 1762 de la typographie académique annexée à l'Université de Louvain et organisée majoritairement par l'Etat et l'administration communale de Louvain. L'Université voyait cela d'un mauvais œil, d'autant plus que Nelis fait preuve d'un réel esprit d'indépendance qui le conduit même à installer une imprimerie chez lui, au mépris des lois. Poursuivi, il est tiré d'embarras par Neny, quitte Louvain et se retire à l'abbaye du Parc.

Durant ces années pour le moins mouvementées, il ne néglige pas sa carrière scientifique. Cobenzl avait formé le projet de faire publier les monuments de l'histoire des Pays-Bas. Neny rend un mémoire à ce sujet au mois de mai 1760. Il est demandé au chanoine de Tournai de dresser une liste des ouvrages postérieurs à la mort de Philippe II tandis que Neny, Van Eurck et Verdussen feraient de même pour les périodes antérieures. Nelis est le seul à s'acquitter correctement de cette charge. L'entreprise vient donc à sombrer mais Nelis et Paquot décident de publier tout ce qui est disponible et en vaut la peine

Il est peut-être excessif de prétendre que Nelis est le créateur de l'Académie impériale et royale de Bruxelles. Il n'en est pas moins vrai qu'il a la primeur de l'idée d'une académie dans les Pays-Bas autrichiens. Dans un mémoire adressé à Neny datant probablement d'avant 1760, l'abbé évoque déjà ce projet. En 1764, fustigeant la vustigia ruris de l'Université de Louvain, il demande à Cobenzl d'établir dans la même ville une petite académie qui ferait renaître le goût de l'éloquence et des lettres, étouffé selon lui par l'Alma Mater. Craignant la réaction de l'Université, le ministre refuse mais ne décourage pas Nelis pour autant. Le travail de Schoepflin (rencontré en 1767) trouve chez lui un écho favorable. Tous deux sont d'accord sur le constat de décadence de l'Université de Louvain et de la nécessité d'une académie. Le Strasbourgeois propose cependant l'établissement d'une académie à Bruxelles dans son mémoire intitulé : Réflexions sur le rétablissement des bonnes études dans les Pays-Bas. Sitôt ce dernier lu, Cobenzl et Neny décident de demander à Nelis son avis sur ce mémoire pour le moins ambitieux. Nelis s'exécute et rend une note intitulée Académie ou société royale de Bruxelles, un Projet de lettre pour les académiciens et un Projet de règlement. Dans ces trois documents, il propose comme futurs membres de la société des personnes qui feront partie de la Société littéraire et de l'Académie : Verdussen, Seumoy, Vander Vynckt, Paquot, Van Rossum, et, comme correspondants, Bournons, van Bochaute et Needham. Il n'oublie pas non plus de se porter candidat, comme l'on pouvait s'y attendre. Une simple lettre du gouverneur et du ministre à chacun des membres escomptés pourrait suffire dans un premier temps à l'exécution du plan. Nelis s'oppose ici à Schoepflin qui dans ses Réflexions désirait d'emblée une académie avec lettres patentes et différentes sortes de membres. Le chanoine est plutôt d'avis qu'on pourrait éventuellement fixer la compagnie par lettres patentes, lui donner des titres et une forme constante si l'entreprise s'avère positive. Un des membres devrait s'occuper de la correspondance et en rendra compte à une personne du gouvernement qui daignerait en être le chef, le protecteur ou le président et à qui l'on donnerait les travaux des différents membres. Ces ouvrages pourraient embrasser toutes les branches des sciences et toutes les littératures. Nulle gêne, nulles entraves mais on exhortera les auteurs de prendre pour objet de leurs recherches l'histoire naturelle ou civile de son pays. On devrait rendre un ouvrage tous les trois mois et une assemblée générale se tiendrait une fois par an, après la Sainte-Thérèse. Ce projet, moins ambitieux que celui de Schoepflin, fut retenu par le gouvernement pour cette raison : tout en rendant justice aux vues éclairées du Starsbourgeois, les autorités entrevoyaient l'impossibilité de son exécution.

Malade, Nelis ne parut pas à la première séance du 5 mai 1769, ni à aucune autre de la même année et à une seule de l'année suivante. Du reste, cet établissement végéta bien vite, surtout après la mort de Cobenzl, son président. Vienne voyait bien entendu d'un mauvais œil cette apathie de la jeune institution. L'érection de celle-ci en Académie fut la solution apportée à cette dangereuse situation. Nelis est l'un des premiers membres de ce corps. Il concevra sept mémoires académiques dont trois auront l'honneur d'une publication dans les Mémoires de l'Académie. Le premier de ceux-ci parut dans le premier tome (p. 43-59) et s'intitulait : Mémoire sur la vigogne et sur l'amélioration des laines. Il y proposait l'élevage dans la province de Luxembourg de ce mammifère des hauts plateaux de la cordillère des Andes : sa laine particulièrement fine est utilisée pour la fabrication de vêtements de luxe. On voit par là que Nelis ne s'intéressait pas uniquement à l'histoire civile de son pays et à la philosophie. Esprit curieux, il se constitue aussi un cabinet d'histoire naturelle renfermant, entre autres, des fossiles des Pays-Bas. Burtin en parle en termes élogieux dans son Oryctographie de Bruxelles, imprimé en 1784. Toujours dans le premier tome des Mémoires (p. 467-487) sont reprises des Réflexions sur un ancien monument tournaisis désigné sous le nom vulgaire de « pierre de Brunehaut » (cf. analyse). Le tome 2 comprend les Vues sur différents points de l'Histoire Belgique, en deux parties (p. 587-597 et 661-673). Dans la première, il décrit l'histoire des « belges » de la période préromaine jusqu'au XIIIe siècle et y décrit surtout la façon dont furent défrichées les terres. Dans la deuxième, il décrit les raisons à l'origine de l'accroissement des villes de nos régions au moyen âge.

Voilà pour ceux parus dans les Mémoires. Mais Nelis en conçut d'autres, restés à l'état manuscrit. L'un a disparu et portait sur les rapports entre la langue flamande et celle parlée par les habitants de Crimée, curieuse conclusion tirée par Nelis à la lecture d'un ouvrage de Ghislain de Busbecq, diplomate du XVIe siècle né à Comines. D'autres mémoires manuscrits ont traversé les temps jusqu'à nous. Dans son Mémoire sur l'Ancien Brabant où l'on recherche l'origine de cette province et l'étymologie de son nom, Nelis veut prouver, force raisonnements étymologiques et historiques à l'appui, que le nom de « Brabant » n'appartenait à l'origine qu'à une partie du Hainaut comprise entre Ath, Condé et Tournai. Les Remarques sur quelques abus anciens, sur quelques institutions, crues nouvelles, et sur l'origine de certains usages, Mœurs et coutumes aux Pays-Bas lui valent l'intérêt du chancelier Crumpipen qui en fait part au ministre Starhemberg. Enfin, Nelis souligne dans son mémoire relatif aux écoles et aux humanités l'état de décadence de l'enseignement des Pays-Bas à l'époque et appelle à un retour à la situation du XVIe siècle. Il préconise une rigoureuse sélection dans le corps enseignant et une diminution du nombre des établissements. L'Etat doit mener une réforme, donner des directives et surveiller strictement leur application. Visiblement inspiré par ce qui se faisait dans les états héréditaires, ces positions lui valent de rentrer en 1776 au sein de la commision royale des Etudes, que l'on peut considérer comme la première réalisation d'un département d'éducation nationale dans nos régions. Il s'investit beaucoup dans le fonctionnement de cette commission, instaure un minerval qui permet de différencier l'enseignement thérésien de l'enseignement gratuit accordé par les institutions religieuses. Il règle les distributions de prix et met au point de concert avec Des Roches un certain nombre de manuels qui devaient hâter l'exécution du nouveau plan d'étude. Il profite de l'occasion pour suggérer aux autorités d'établir une imprimerie académique qui imprimerait tant les mémoires de l'Académie que les nouveaux manuels.

Tout ce travail porte quelque peu ombrage à ses activités au sein de l'Académie. Il fait partie du Comité historique institué en 1780 mais ne rend rien de ce qui est convenu. Cela ne l'empêchera pas en 1783 de faire part d'un projet ambitieux à Joseph II et Kaunitz. Voulant recommencer le projet débuté et abandonné sous Cobenzl, il s'engage en effet à publier une collection d'historiens de la Belgique au volume important : 30 à 35 volumes in-4°, chacun de 600 pages. Nelis ne demande aucun secours pécuniaire mais suggère à Joseph II de lui accorder un privilège exclusif pour les Pays-Bas, les états héréditaires et l'Empire. C'est une curieuse initiative quand on sait que Nelis était une personne d'un âge respectable en 1783 et surtout qu'il ne demandait l'aide de personne. Il se justifie à Kaunitz comme suit : « La plupart des entreprises, un peu au dessus du médiocre, ont (…) toujours été conduites par un seul, et Son Altesse (…) sait (…) que les épines des compagnies sont ordinairement bien plus propres à retarder qu'à accélérer un travail, et qu'avec beaucoup de pieds on marche comme les insectes ».

Les circonstances et sa vie professionnelle empêcheront Nelis de mener à bien ce projet gigantesque. Kaunitz et Joseph II entendaient en effet supprimer la commission royale des Etudes, trop onéreuse pour le trésor et au bilan mitigé. Ils décident donc à cet effet de nommer Nelis à la place vacante de l'évêché d'Anvers et de charger Des Roches de la surveillance des écoles.

Le 10 octobre 1784 donc, il est nommé évêque d'Anvers sur ordre de Joseph II, ce qui lui vaut en sus d'être nommé membre honoraire de l'Académie de Châlons. Bien vite, il se rend compte de l'importance de la charge et redoute que ses projets littéraires soient quelque peu ralentis. Cette crainte était justifiée tant les évènements politiques accaparèrent l'emploi du temps de l'évêque. On sait que Joseph II entendait dès le début de son règne réformer l'« Eglise Belgique », en soumettant celle-ci au pouvoir de l'Etat. Jusqu'à sa nomination, nous avons vu à quel point Nelis se dévoua corps et âme à la Maison d'Autriche et nous devons ajouter à ce qui précède l'éducation du fils de Neny (Philippe Goswin), l'éloge de l'empereur François Ier et l'oraison funèbre de l'impératrice Marie-Thérèse. Il en alla tout autrement sitôt conquis le siège épiscopal d'Anvers. On n'avait peut-être pas assez remarqué en haut lieu la citation de Montesquieu mise au début de l'un de ses travaux repris dans le tome II des Mémoires de l'Académie : « Les institutions anciennes sont ordinairement des corrections, et les nouvelles des abus  ; et, rappeler les hommes aux maximes anciennes, c'est ordinairement les rappeler à la vertu ». Il s'oppose alors surtout à l'établissement du Séminaire général de Louvain, censé remplacer les séminaires épiscopaux. Il conçoit même en 1787 un opuscule anonyme intitulé : Quiesce. Conseils d'un philosophe à Marc-Aurele, attaque en règle contre l'autoritarisme de Joseph II sans toutefois le nommer.

Tous ces évènements empêchèrent Nelis de se consacrer à son œuvre historique autant qu'il aurait voulu et aussi de se présenter encore aux séances de l'Académie. Il veut rassurer cependant certain de ses correspondants sur le travail en cours : il confie ainsi au Secrétaire perpétuel qu'il travaille toujours sur le manuscrit de Pierre a Thymo dans deux lettres du 11 janvier et du 26 juillet 1789. Vu la Révolution brabançonne toute proche et durant laquelle il joua un rôle important, est-ce seulement envisageable ? Lors du court règne des Etats Belgiques Unis, son passé d'opposant à Joseph II lui vaut les places de président des Etats généraux et de membre du Congrès. Le premier poste, pour important qu'il semblait être en première analyse, ne rapporte pas grand-chose à Nelis tant la réalité du pouvoir se trouvait alors dans les mains de Pierre Simon Van Eupen et Henri Vander Noot. Les membres encore présents de l'Académie se rappellent malgré tout à son souvenir vu la situation délicate de la Société. Le 20 décembre 1789, deux jours après le retour de Nelis à Bruxelles, Mann le rencontre pour prendre des ordres en l'absence du président Crumpipen, emprisonné par les patriotes. Nelis déclare d'emblée qu'il ne peut s'occuper pour l'instant des affaires académiques mais désigne, sur une proposition du Secrétaire perpétuel, un comité composé de Gérard, Chevalier et Du Rondeau pour expédier tout ce qui ne pouvait souffrir de retard. Dans la séance du 18 février 1790, les membres de l'Académie décident de remettre une représentation aux Etats généraux pour conserver les mêmes droits que sous le ci-devant gouvernement. Elle est remise au Secrétaire d'Etat Van Eupen qui promet d'en faire rapport aux Etats généraux. Nelis rassure oralement Mann en lui disant qu'il était vain pour le moment de prendre position au sujet de l'Académie vu que son sort dépendait de bien d'autres facteurs. Quoi qu'il en soit, tout devait continuer comme avant, sans rien omettre ni suspendre les paiements des pensions et autres charges ordinaires.

Il défend encore l'Académie le 28 août devant les Etats généraux et devant le Congrès : il est décidé que la dotation de l'Académie serait payée comme sous la domination autrichienne. Cette promesse est donnée en vain : en novembre, les Etats généraux sont en cessation de paiements. Sous la première restauration autrichienne, Nelis ne subit aucune réprimande d'un gouvernement de Bruxelles qui avait choisi la voie de la conciliation envers la quasi-totalité des anciens rebelles. On n'oublie cependant pas les fonctions remplies par l'évêque d'Anvers ainsi que son don de 392 florins pour l'achat d'un canon pour les troupes patriotes… Aussi est-il toujours reçu froidement par les autorités que ce soit sous la première comme sous la seconde restauration autrichienne, même s'il approuve en décembre 1793 le don de 3.000 florins de l'Académie pour les troupes de la Maison d'Autriche. Le prélat, moins occupé donc par des activités politiques somme toute très décevantes, n'est malgré tout pas plus assidu aux séances de l'Académie. Le secrétaire joint d'ailleurs à la convocation pour la séance du 18 octobre 1792 une lettre où est dévoilée à l'évêque la peine faite à l'assemblée de par ses absences répétées depuis un bon nombre d'années. Nelis répond et explique qu'il ne pourra venir du fait de ses obligations pastorales. Quant aux années d'absence, il les justifie assez piteusement en se réfugiant derrière un ordre du ministre Trauttsmansdorff de 1789 lui ordonnant de ne pas sortir d'Anvers ! Si le temps semble lui manquer pour l'Académie, il paraît en trouver pour revenir à ses chères études historiques. Dès 1790, il travaille effectivement à la conception de son Belgicarum rerum Prodomus, volume d'introduction à l'immense œuvre qu'il comptait accomplir au début des années quatre-vingts. En 1793 enfin, l'ouvrage est achevé et sort des presses de l'imprimeur Grangé à Anvers avec une fausse date d'édition (1790). Cet ouvrage est reconnu par le monde savant et lui vaut, selon une lettre à son ami Simon Pierre Ernst d'être nommé membre honoraire de la société littéraire néerlandaise à Leyde.

Devant l'avancée des Français et la victoire de Fleurus, il décide de quitter nos provinces, et cela définitivement. Il passe par les Provinces-Unies, l'Allemagne, l'Autriche avant de s'établir à Bologne dans un premier temps jusqu'en avril 1796, période durant laquelle il fait rééditer son Prodomus chez Bodoni, à Parme. Il quitte cette ville pour fuir les troupes françaises, se rend à Naples puis à Florence. Il gagne ensuite le couvent des Camaldules de Campo Maldudi, près de Poppi où il s'éteint le 14 août 1798.

Premier document

Hauteur : 319 mm
Largeur : 203 mm

Deuxième document

Hauteur : 319 mm
Largeur : 203 mm


Cote : 413