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Réponse de Jean Des Roches aux critiques de son Mémoire sur les débuts de l'imprimerie dans les Pays-Bas méridionaux, 1777

Réponse de M. Des Roches aux observations de Mr Gerard relativement aux recherches de Mr Des Roches sur l’Imprimerie.

Le mémoire sur l’Imprimerie dont Mr Gerard a combattu si vertement et les parties essentielles et les accessoires, commence par les paroles suivantes.

Sept villes &.

J’avouerai, Messieurs, que je ne conçois point en quoi cet exorde a pu meriter la censure de Mr Gerard. Je n’ai point comparé l’invention de l’Imprimerie à celle de la Poésie. Je n’ai point dit que la gloire des deux inventions fut égale. Ma similitude ne tombe que sur le nombre des villes qui se disputent la naissance du Poète, c’est en ce seul point que consiste et que doit consister la ressemblance. Tous les Rheteurs conviennent qu’on peut tirer des Comparaisons d’un sujet noble et relevé pour les [fin de la page].



[Apostille, dans le coin supérieur gauche:]
Non-Imprimée

[Date à la mine de plomb, dans le coin supérieur droit:]
1777.

Jean Des Roches (1740-1787) et la première polémique relative aux débuts de l’imprimerie dans les Pays-Bas méridionaux


Originaire de La Haye, où il fut baptisé en 1740, Jean Des Roches est une personnalité aux multiples facettes. Enfant naturel et autodidacte, il s’est illustré par ses écrits historiques et philologiques, par sa participation aux réformes de l’enseignement voulues pour Joseph II ainsi que par son implication dans la vie de l’Académie, dont il fut nommé Secrétaire perpétuel en 1776. Il meurt prématurément à Bruxelles le 20 mai 1787.

Son nom est notamment associé au premier débat historiographique relatif aux origines de l’imprimerie dans les Pays-Bas méridionaux. Le 8 janvier 1777, il soumet à ses confrères académiciens un texte intitulé Nouvelles recherches sur l’origine de l’Imprimerie, dans lesquelles on fait voir que la première idée est due aux Brabançons. Dans cet essai, il affirme avoir repéré la présence d’imprimeurs à Anvers dès 1442 et s’oppose à la thèse hollandaise qui prétend que l’imprimerie aurait été inventée au milieu du XVe siècle à Harlem par Laurens Laurenszoon Coster.

Parmi les trois commissaires en charge de l’examen du texte de Des Roches, seul Georges Joseph Gérard (1734-1814) a rendu un avis défavorable et produit, lors de la séance du 5 février, un document de 13 pages reprenant ses différentes critiques, parfois émises avec une certaine virulence. Gérard se défend néanmoins d’attaquer personnellement son confrère. On peut en effet lire à la fin de son rapport : « Telles sont les observations que j’ai cru devoir faire sur un mémoire rempli de Bonnes Recherches et comme ces observations roulent sur le fonds du mémoire je consens volontiers a ce qu’il, Mr le Président de l’académie, les communique sous mon nom a Mr Des Roches peut être refuter une partie de ce que je viens d’avancer dans mes observations dont le but n’est que de concourir a éclaircir la matière (fol. 7r) ». Des Roches, piqué au vif par la remise en cause de son travail, répond par un mémoire de 29 pages intitulé Mémoire sur l’Imprimerie dont Mr Gerard a combattu si vertement et les parties essentielles et les accessoires. Son ressentiment à l’égard des remarques de Gérard transparaît clairement au fil des pages. Il n’hésite pas à remettre en cause la démarche intellectuelle de son examinateur quand il affirme « entrevoir d’où viennent tous ces difficultés de Mr Gerard. Il n’a point examiné murement cette affaire » (fol. 7r). Il lui reproche également d’avoir prétendu qu’il avançait « les choses assez légèrement » dans sa démonstration. Il s’en défend de la sorte : « cette qualification ne convient point à des gens qui n’ont écrit qu’après un mûr examen sur une matiere qu’ils ont étudiée à fond, qui n’ont epargné ni l’argent, ni leurs peines pour assembler des materiaux, et qui ont feuilleté plus de cent volumes manuscrits ou imprimés, pour attirer sur ce Memoire l’attention du Public » (fol. 4r). Et Des Roches de conclure : « Après cela, Messieurs, vous sentez bien que je ne saurais adopter le sentiment de Mr Gerard, et que je dois persister dans le mien (fol. 10r) ». Le document est présenté à la séance du 5 mars où la décision d’imprimer son essai dans les Mémoires de l’Académie a finalement été prise. La seule crainte des académiciens était de s’engager dans une dispute avec les Hollandais, mais certains membres ont objecté que le texte engageait seulement son auteur et non l’Académie elle-même.

La thèse de Des Roches fut rapidement réfutée par l’ancien bollandiste Joseph Hippolyte Ghesquière (1731-1802) dans l’Esprit des journaux de juin 1779. Selon lui, Des Roches aurait mal interprété les archives qu’il a consultées, la métropole scaldienne n’ayant abrité aucun typographe en 1442. Par contre, de l’avis de l’ex-Jésuite, des livres avaient bel et bien été imprimés en Flandre avant 1445 et avaient été mis en vente par des libraires brugeois. Il en veut pour preuve un passage des comptes de Jean Le Robert, abbé de Saint-Aubert de Cambrai, où est consigné, aux années 1446 et 1451, l’achat d’un Doctrinal getté en mole à Bruges. Aux yeux de Ghesquière, cette expression se réfère à une production typographique. Il poursuit en indiquant que Jean Brito a imprimé des livres à Bruges au milieu du XVe siècle. Il appuie sa démonstration sur le témoignage précédent ainsi que sur un passage du colophon non daté de la Doctrine de bien vivre de Jean Gerson où Brito prétend avoir découvert seul l’art d’imprimer des livres (inveniens artem nullo monstrante). Jamais un imprimeur n’aurait osé reproduire une telle affirmation s’il n’avait pas été lui-même l’un des pionniers de la typographie, conclut Ghesquière.

Le bibliographe Barthélemy Mercier (1734-1799), abbé de Saint-Léger, a sur ce point été en total désaccord avec l’ancien Jésuite. Il publie ses observations dans l’Esprit des journaux du mois de novembre 1779. Bien qu’il soutienne l’opinion de Ghesquière à l’encontre de Des Roches, Mercier s’oppose vivement à son interprétation au sujet de Brito : selon lui, Brito n’est pas un imprimeur, mais bien un écrivain. Le bibliographe revient également sur le prix et l’identification du Doctrinal ainsi que sur le sens qu’il faut accorder à l’expression gette en molle. Il n’est en effet pas convaincu qu’elle recouvre effectivement la notion d’imprimerie en caractères mobiles. Le baron de Crassier (1707-1783) appuie les dires de Mercier dans un article publié également dans l’Esprit des journaux de janvier 1780. Il ne reconnaît pas à Brito le statut d’imprimeur, juste celui d’écrivain. Et s’il a inventé un nouvel art, ce n’est certainement pas celui d’imprimer, mais bien une nouvelle espèce d’écriture : des caractères percés dans une feuille de cuivre - une sorte de pochoir -, technique qui, selon l’auteur, remonterait en réalité au XIVe siècle.

Ghesquière répond dans l’Esprit des journaux du mois d’avril 1780. Il estime à l’opposé de Saint-Léger et du baron de Crassier que Jean Brito est bel et bien un imprimeur et produit une nouvelle démonstration où il campe sur ses positions et réfute point par point les objections de ses détracteurs. Ce dernier article met provisoirement un terme à la première controverse autour des débuts de l’imprimerie dans les Pays-Bas méridionaux.


Renaud ADAM

Archives de l’Académie royale de Belgique,

n° 421, Nouvelles recherches sur l’origine de l’imprimerie, dans lesquelles on fait voir que la première idée est due aux Brabançons, s.d. Correspondances, 1777.

n° 561, Observations de Gérard sur les Recherches sur l’origine de l’imprimerie, dans lesquelles on fait voir que la première idée est due aux Brabançons, s.d. Réponse de J. Des Roches, s.d. Résultat des avis de 2 des 3 rapporteurs du mémoire de J. Des Roches, s.d. Rapport de N. Caussin, s.d., Correspondance 1777.

Bibliographie

DES ROCHES J., « Nouvelles recherches sur l’origine de l’imprimerie, dans lesquelles on fait voir que la première idée est due aux Brabançons », in Mémoires de l’Académie impériale et royale des Sciences et Belles-Lettres de Bruxelles, t. 1, Bruxelles : Jean-Louis de Boubers, 1777, 4°, p. 515-539.

STECHER J., « Desroches (Jean) », in Biographie nationale, t. 5, Bruxelles, 1876, col. 789-809.

MAILLY E., Histoire de l’Académie impériale et royale des sciences et belles-lettres de Bruxelles, t. 2, Bruxelles, 1883, p. 58-62.

PUT E., « Roches, Jan van », in Nationaal biografisch woordenboek, t. 13, Bruxelles, 1990, col. 696-703.

VERSCHAFFEL T., Historici in de Oostenrijkse Nederlanden (1715-1794). Proeve van repertorium, Bruxelles, 1996, p. 37-39.

ID., De hoed en de hond. Geschiedschrijving in de Zuidelijke Nederlanden 1715-1794, Hilversum, 1998, p. 393-394.

HASQUIN H., « Des Roches, Jean », in Id. (dir.), L’Académie impériale et royale de Bruxelles. Ses académiciens et leurs réseaux intellectuels au XVIIIe siècle, 2009, p. 200-203.

ADAM R., Imprimeurs et société dans les Pays-Bas méridionaux et en principauté de Liège (1473-ca 1520), t. 1, Thèse de doctorat inédite, Université de Liège, 2010-2011, p. 79-81.

 

 

Jean Des Roches

DES ROCHES, Jean, historien, linguiste et pédagogue, né à La Haye, baptisé le 1er mai 1740, décédé à Bruxelles le 20 mai 1787. Enfant naturel, autodidacte, il quitta les Provinces-Unies en 1757 et enseigna le flamand dans une école maternelle d'Anvers. A l'époque, il fut pris en charge par des Augustins qui lui inculquèrent les premiers rudiments de latin. A l'âge de vingt et un ans, il publia une grammaire flamande. Il dispensa également des leçons particulières et commença à s'adonner aux études philologiques et historiques. S'il se fit connaître par un Dictionnaire français-flamand et flamand-français, ce fut surtout ses études historiques qui le firent accéder à la notoriété d'autant qu'il avait acquis une beaucoup plus grande aisance dans la pratique de la langue française. A trois reprises, en 1769, 1770 et 1771, il participa au Concours de la Société littéraire de Bruxelles et chaque fois ses travaux furent couronnés ! De pareilles aptitudes n'échappèrent pas aux cercles dirigeants et intellectuels de la capitale des Pays-Bas autrichiens. On envisagea alors d'en faire le responsable de la Bibliothèque publique, en gestation. Bref, Des Roches avait été remarqué et en quelques années, le cours de sa vie professionnelle prit une toute autre tournure.

Le 13 avril 1773, il entra à l'Académie. Lorsque le Secrétaire perpétuel Gérard fut appelé à d'autres fonctions, Des Roches fut nommé, et non élu comme le voulait la procédure, par Marie-Thérèse en qualité de Secrétaire perpétuel, charge qu'il assuma jusqu'à son décès.

Que dire de son activité administrative dans l'institution ? Il se révéla de toute évidence consciencieux dans l'organisation du travail, mais a laissé l'image d'un piètre gestionnaire financier.

De ses travaux, retenons d'abord ceux du philologue ; il s'efforça à sa façon d'unifier une langue « flamande » dont il affirmait les spécificités « nationales » et qu'il prétendait distinguer du hollandais. Quoi qu'il en soit, le mouvement flamand ne lui a pas su gré de ses initiatives. A partir du début du XIXe siècle, on lui a constamment reproché d'avoir trahi ses origines et de s'être d'abord fait le propagandiste de la langue française. Ces assertions se fondent sur deux éléments : Des Roches, devenu Secrétaire perpétuel, correspondit en français avec ses interlocuteurs « flamands » des Pays-Bas et ceux des Provinces-Unies ; ensuite, il traduisit systématiquement dans la langue de Voltaire, avant leur publication, les différents mémoires couronnés rédigés en néerlandais.

Ses écrits historiques lui ont acquis bien davantage de réputation à l'époque. Passionné de moyen âge, convaincu de la nécessité de mettre en valeur le passé Belgique et en particulier les textes des anciens chroniqueurs des Pays-Bas, il proclama bien haut dès le Discours préliminaire du premier tome des Mémoires de l'Académie paru en 1777, son souci de favoriser les recherches dont le but serait « d'éclaircir l'histoire de nos provinces ». Le nouveau Secrétaire perpétuel avait déjà donné le ton quelques mois auparavant dans son Rapport sur le mémoire de Mr Du Rondeau « sur les Druides et les Sacrifices humains » (26 août 1776) ; Des Roches soulignait « que ce mémoire intéresserait davantage, si au lieu de rouler sur un point général des Gaules, il avait pour objet un article plus particulièrement uni à l'histoire Belgique… » (Archives de l'Académie, n°546).

Cette préoccupation ne l'abandonna jamais. Sa dernière grande œuvre interrompue par la mort, s'intitulait Histoire ancienne des Pays-Bas autrichiens… (1787) ; l'unique volume paru s'arrêtait à la veille de la conquête romaine. En fait, son manuel d'histoire Epitomes historiae belgicae (2 volumes publiés en 1782-1783) renseigne davantage sur l'originalité dont il a fait preuve.

Il y a la volonté clairement affichée d'aborder dans leur globalité, plutôt que province par province, l'histoire des Pays-Bas. Par ailleurs, il n'hésite pas à prendre le contrepied d'idées reçues. Ainsi, il se garde d'abonder dans l'opposition traditionnelle que l'on entretenait dans l'esprit des « Belges » entre Charles-Quint, le fils du pays, et Philippe II, l'étranger, aveuglé par son tempérament brutal. En fait, explique Des Roches, il n'existait guère de fossé entre les pratiques des deux souverains. Philippe II n'exigeait pas davantage de subsides de ses sujets ; il n'avait pas plus limité les privilèges que son prédécesseur. L'auteur insiste sur la continuité entre le père et le fils, même si ce dernier était sans doute plus rigide dans sa manière de gouverner. Cette analyse valait également dans le domaine religieux. Ainsi que l'écrit Des Roches, « si dans ce domaine, il pêcha par la lourdeur des peines infligées, la faute en revient en partie à son père Charles V qui pensait avant lui qu'il fallait soigner par le fer et par le feu les blessures infligées à la religion » (Epitomes, t. II, p. 345, trad.).

Sa conception du rôle de la religion l'éloignait également des modes de penser traditionnels. Certes, il lui reconnaissait un rôle éducatif et civilisateur, mais il se voulait un esprit rationnel. Sans l'écrire explicitement, il émettait quelque doute quant à l'explication des faits par le recours à une intervention divine et à la Providence (cf. par exemple l'épisode du baptême de Clovis, Epitomes, t. I, p. 72-73). D'une façon générale, les violences de l'intolérance religieuse lui répugnaient, même s'il était de bon ton de regretter la naissance d'« hérésies » luthérienne et calviniste. Cet esprit de tolérance et d'ouverture, il le devait sans aucun doute à ses origines : jusqu'à l'aube de l'âge adulte, il avait vécu dans les Provinces-Unies. A l'évidence, Des Roches partageait les options de Joseph II : ses Epitomes suivaient de peu la promulgation de l'édit de tolérance (1781).

Des Roches partageait les grandes options d'un régime autrichien qui l'avait propulsé au devant de la scène. Comment ne pas célébrer dans les Epitomes le règne de Marie-Thérèse, fondatrice de l'Académie et initiatrice de profondes réformes de l'enseignement ? Car, dans cette matière, Des Roches joua également un rôle de premier plan au point de devenir à la fin du règne de Joseph II le « patron » de l'enseignement dans les Pays-Bas.

Après la suppression de la Compagnie de Jésus (1773) et l'abolition du « Comité Jésuitique » chargé de sa mise en œuvre en septembre 1776, Marie-Thérèse institua la Commission royale des Etudes (20 octobre 1776). Elle comprenait outre un représentant du Conseil privé et du Conseil des Finances, trois académiciens, Des Roches et les abbés Nelis et Marci. Le choix de ces trois personnalités ne relevait pas du hasard. Dès 1774, elles avaient formulé des propositions en vue de moderniser l'enseignement et de le rendre plus adéquat aux besoins du temps. Le vide créé par l'éradication des collèges jésuites avait été partout dans l'Europe catholique à l'origine d'une réflexion sur le rôle des pouvoirs publics dans l'enseignement ainsi que sur les programmes et les méthodes. Le « Comité Jésuitique » s'était penché sur la question ; la réflexion engagée à l'Académie s'inscrivait donc dans ce contexte.

D'emblée, Des Roches fut convié à jouer un rôle déterminant au sein de la Commission royale des Etudes car il en fut nommé le Secrétaire. Le but assigné à la Commission était vaste : recruter les professeurs des futurs collèges royaux, organiser les études, choisir les manuels scolaires et au besoin en faire imprimer de nouveaux - la rédaction et la publication des Epitomes se situèrent dans cette perspective -, établir des règles pédagogiques et disciplinaires, etc. Dans les faits, c'était la mise en place d'un premier embryon de département d'éducation nationale. Bref, il convenait de s'inspirer de l'ordonnance du 6 décembre 1774 qui restructurait fondamentalement l'enseignement, tous niveaux confondus, en Autriche et en Bohême-Moravie.

Des Roches s'impliqua totalement dans la réforme des études : organisation d'un Concours général en juillet 1777 pour recruter les enseignants des nouveaux collèges (238 candidats furent soumis à des épreuves écrites et orales), impression de nouveaux manuels… Le Secrétaire perpétuel et Secrétaire de la Commission s'attira évidemment l'animosité d'une partie du clergé tant sa vision des anciens collèges était critique ; par ailleurs l'émergence de cet enseignement secondaire public déplaisait et inquiétait. En 1780, les responsabilités de Des Roches s'accrurent encore : il fut nommé Ecolâtre de la ville de Bruxelles, conjointement avec un abbé, alors que le clergé exigeait de conserver le monopole de la fonction. Sa mission dans l'enseignement prenait une nouvelle dimension car il exerçait désormais une surveillance sur les écoles élémentaires. Ses rapports furent accablants : ignorance des instituteurs, mauvaise connaissance du flamand et des opérations élémentaires en arithmétique... Il était donc essentiel de disposer d'Ecoles normales comme il s'en était créé dans les Etats d'Europe centrale de la monarchie à la fin des années 1770. Mais, les Pays-Bas autrichiens, au même titre que la Lombardie, étaient restés à la traîne. On s'y était seulement intéressé à l'enseignement secondaire au grand désappointement de Joseph II. La mort de Marie-Thérèse n'avait pas provoqué la disgrâce de Des Roches, bien au contraire. Lors de son voyage dans les Pays-Bas (été 1781), l'Empereur put se faire une idée précise des principes pédagogiques du personnage, intraitable sur la nécessité de coordonner et d'uniformiser l'enseignement ; ce n'est pas un hasard si Joseph II promulgua le 27 septembre 1783 une ordonnance faisant défense de tenir une école publique à Bruxelles sans une permission spéciale. La suppression de la Commission royale des Etudes (3 septembre 1785) donna un nouveau coup de pouce à la carrière de Des Roches. Il resta seul en piste pour diriger le nouveau Département scolastique. Comme il l'avait fait pour le Milanais, Joseph II fit venir de Bruxelles un groupe d'experts conduit par Des Roches ; l'académicien séjourna à Vienne du 7 octobre 1786 jusqu'en mars 1787. L'Empereur le reçut en tête à tête le 4 novembre 1786. Ce voyage fut l'occasion de visiter les écoles viennoises dont l'Ecole normale et d'acheter des manuels scolaires ; il reçut l'ordre de traduire de l'allemand en flamand et en français les ouvrages qu'il considérait comme les meilleurs. Rentré à Bruxelles, il fut nommé responsable du Département des Ecoles et inspecteur général des Ecoles normales à créer, notamment à Bruxelles et à Luxembourg.

Mais la situation de Des Roches était des plus inconfortables alors que grondait le mécontentement à l'égard des réformes administratives et judiciaires introduites par l'Empereur. Le Secrétaire perpétuel et « directeur général » de l'enseignement des Pays-Bas mourut en mai avant d'avoir pu mener à bien les plans qui l'habitaient. Son élève et fils adoptif Engels et l'abbé Henn qui l'avaient accompagné à Vienne reprirent le flambeau. Des Ecoles normales fonctionnèrent quelques semaines à Bruxelles et à Luxembourg dans les premiers mois de l'année 1789.

Des Roches est donc un personnage aux multiples facettes : un linguiste qui s'efforça de réhabiliter la langue flamande, un historien séduit par les travaux d'érudition, un académicien doublé d'un homme d'action au service d'une monarchie dont il approuvait de toute évidence l'esprit des réformes. Comme nombre d'intellectuels d'Allemagne et de la monarchie austro-hongroise, il a fait la démonstration que tout en étant bon chrétien et sans être un suppôt de Voltaire ou de Rousseau, on pouvait être un « homme des Lumières » aiguillonné par la Raison pratique. N'oublions pas que le Collège royal ou thérésien de Bruxelles, tant honni par les adversaires du régime, avait pour devise Ad Majorem Dei Gloriam.

 

Hervé HASQUIN

Support : 1 cahier de 16 feuilles

Hauteur : 315 mm

Largeur : 204 mm

Cote : 561